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Les Beatles à vendre!

Les Beatles à vendre!

Chaque réédition des albums du quatuor de Liverpool fait l'objet d'éternels débats sur la qualité du travail accompli pour remettre dans les bacs des disquaires ce que plusieurs considèrent comme sacré. Le nouveau coffret qui souligne le 50 anniversaire du grand débarquement des Beatles en Amérique du Nord ne fait pas exception.

Un texte de Louis-Philippe Ouimet

Des fans trompés

La première phrase du livret du coffret lancé récemment annonce d'emblée le malaise : « Comment réagiriez-vous si on vous disait que vos plus beaux souvenirs sont faux? Vous seriez abasourdi, irrité... », écrit l'essayiste Bill Flanagan. Pour une rare fois, on écrit noir sur blanc que les admirateurs nord-américains des Beatles ont été trompés. C'est que tous les albums des Beatles enregistrés avant Sgt. Pepper's lonely hearts club band (1967) et vendus en Amérique dans les années 1960 et 1970 étaient des avatars des versions originales, britanniques.

Sur ces disques, les pochettes, la séquence des chansons, la durée et même le titre des albums n'étaient pas les mêmes. Et le son était différent, des ingénieurs américains ayant cru bon de trafiquer les chansons et d'ajouter ici et là de l'écho sur les enregistrements originaux réalisés en Angleterre. Le son avait aussi été compressé, et la basse, diminuée, pour que les albums soient plus « américains ».

Le mixage était aussi différent sur les versions stéréo. Comme l'étiquette de disques Capitol ne possédait que les versions mono pour certaines chansons, on a dû « bricoler » des versions duophoniques. Et, parfois, l'audiophile se retrouvait avec un disque vinyle réalisé à partir d'enregistrements de deuxième, de troisième et même de quatrième génération. Entre 1964 et 1970, Capitol Records, Apple Records et United Artists ont mis en marché 14 albums dits américains (en incluant Magical mystery tour - 1967).

Les fans canadiens de la première heure ont donc grandi avec des versions différentes jusqu'à la sortie dans les années 1980 des premiers disques compacts. Les Beatles avaient alors décidé d'uniformiser leur catalogue et de ne vendre que les versions britanniques. Terminé les versions charcutées et modifiées!

Ces disques américains, de nombreux admirateurs des Beatles les ont écoutés en boucle depuis les 50 dernières années. Certains même n'ont jamais pu se rallier aux versions originales britanniques, habitués au son des versions américaines. Un nouveau coffret de 13 disques rend à nouveau accessible en disque compact, entre autres, les Yesterday and today, Something new et Beatles VI du catalogue de Capitol Records. L'objet est magnifique, avec de belles reproductions des pochettes originales et un livret bien documenté. Le contenant émerveille, mais le contenu soulève des doutes, selon certains acheteurs.

Des fans à nouveau trompés?

Alors, comment réagiriez-vous si on vous vendait les disques d'autrefois, mais qui ne contiennent pas les véritables versions? Pour la réédition de ces albums endisqués à l'époque avec un son modifié et unique, on a décidé de ne pas graver les disques à partir des bandes originales américaines de Capitol Records. Cela n'aurait pas offert la meilleure écoute selon Universal Music. On a donc utilisé les gravures de 2009, celles déjà disponibles sur les coffrets stéréo et mono reproduisant les albums britanniques et lancés à grands frais il y a plusieurs années. Le hic, c'est qu'il faut avoir acheté le coffret et avoir lu le livret qui s'y trouve à l'intérieur pour obtenir cette information.

De plus, avec le nouveau coffret, on signe l'arrêt de mort du faux stéréo, des mix duophoniques et des autres versions mono de l'époque américaine. Une partie de l'histoire sonore des Beatles en Amérique a été éliminée, même si quelques mix ont été préservés dans cette opération de révision de l'histoire discographique des Beatles. Bref, les Beatles ont décidé d'enterrer le son américain, moins parfait peut-être, mais différent.

De la controverse

Cette mise à mort de l'américanisation du son des Beatles des années 1960 ne fait pas l'unanimité. Sur Internet, des fans se déchaînent et se sentent trahis. On flaire la mauvaise affaire. Sur les forums et dans les critiques en ligne sur le site du disquaire Amazon, on se demande pourquoi on a mis en marché un autre coffret si les enregistrements sont les mêmes que ceux parus en 2009. Et deux disques ont été écartés du processus, Magical mystery tour et The Beatles at The Hollywood Bowl. Par ailleurs, en 2004 et en 2006, deux coffrets contenaient chacun quatre disques reprenaient le son original américain. Seront-ils en rupture de stock? Les puristes voulaient revivre l'expérience originale.

L'intention de commémorer le 50 anniversaire de l'arrivée des Beatles en Amérique est louable, et mis à part les audiophiles, les consommateurs n'y verront que du feu en se délestant des quelque 170 $ que coûte ce coffret de 13 disques. Car la parure est belle, et l'illusion est parfaite. Et avec la disparation des disquaires, on assiste aussi à la disparition des critiques musicaux. Pour l'instant, rares sont ceux qui osent critiquer le nouveau coffret.

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