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Sharifuddin Pirzada, "l'avocat du diable" à la défense de Musharraf

Sharifuddin Pirzada, "l'avocat du diable" à la défense de Musharraf

Dans l'ombre, il a conseillé tous les dirigeants militaires de l'histoire du Pakistan. Aujourd'hui âgé de 90 ans, le mystérieux avocat Sharifuddin Pirzada sort peut-être une dernière fois de sa tanière pour défendre le "Général Musharraf" soupçonné de trahison.

C'est une sorte de Jacques Vergès pakistanais, un "avocat du diable" ayant défendu les figures les plus controversées du "pays des purs", un homme des grands procès, souvent critiqué pour le choix de ses clients mais toujours respecté pour son talent.

Petit, plissé, un chapeau d'Astrakan noir vissé sur le crâne, Sharifuddin Pirzada n'a plus la verve des beaux jours. Tel un "Parrain", il délègue aujourd'hui ses jeunes confrères à la barre mais tire en coulisse les ficelles de la défense de Pervez Musharraf.

L'ancien dirigeant militaire, au pouvoir de son coup d'Etat en 1999 à sa destitution à l'été 2008, est dans la mire de gouvernement pakistanais qui a mis sur pied en novembre un tribunal spécial afin de le juger pour "haute trahison", un crime passible de la peine capitale.

Les autorités reprochent à M. Musharraf d'avoir suspendu la Constitution et imposé l'état d'urgence pour ainsi "trahir" ce pays de plus de 180 millions d'habitants gouverné pendant trois décennies par les militaires depuis son indépendance en 1947.

Une histoire que Sharifuddin Pirzada connaît de l'intérieur pour avoir été le secrétaire du démocrate Mohammad Ali Jinnah, fondateur du pays, puis procureur sous les règnes des militaires Ayub et Yahia Khan, de 1958 à 1971, avant de rédiger les prestations de serment du général islamiste Zia ul-Haq, au pouvoir de 1977 à 1988, et de Pervez Musharraf.

Mais n'allez pas lui dire qu'il est l'avocat des autocrates dans un pays balloté par la rivalité entre civils et militaires. "Certainement pas", rétorque dans un rare entretien le vieil homme allergique aux caméras. "Je suis un avocat professionnel, je me présente en cour et je fais simplement de mon mieux".

"On qualifie souvent ces personnages de dictateurs, mais ils étaient en fait des administrateurs. Le pays a progressé sous plusieurs de ces régimes. Certains politiques étaient aussi bons, comme (Zulfikar Ali) Bhutto, mais les deux côtés (civils et militaires) ont multiplié les erreurs", confie-t-il.

Sous Zia et Musharraf, Pirzada a modifié les prestations de serment de juges en omettant la formule consacrée selon laquelle ils doivent "protéger, faire respecter et défendre la Constitution" et a fait sienne la "doctrine de la nécessité" pour justifier leurs deux coups d'Etat.

Et il se délecte encore aujourd'hui de la décision de la Cour suprême validant la prise de pouvoir de Zia ul-Haq, connu pour ses réformes islamistes et la pendaison de son prédécesseur, le socialiste Zulfikar Ali Bhutto.

"C'était un très bon jugement salué aussi à l'étranger. Je ne soutenais pas (Zia), mais une position en matière de droit", se défend encore Me Pirzada qui prend bien soin de distinguer ses positions politiques de son travail de juriste.

Dans le cas Musharraf, la défense remet en cause la légalité même du tribunal spécial créé pour le juger. Mais Me Pirzada, tel un vieux renard rusé, refuse de révéler les détails à venir de sa défense, insistant plutôt sur les traits de caractère d'un "homme excellent".

Mais des observateurs avisés comme Ayaz Amir, commentateur de renom dans la presse pakistanaise, affirme bien sentir la signature de M. Pirzada dans cette affaire. "Il n'a pas fait une si longue carrière grâce à ses théories du droit, mais à sa capacité à manipuler le pouvoir judiciaire", dit-il.

Pour Asma Jahangir, une des militantes des droits de l'Homme les plus influentes du pays, Sharifuddin Pirzada demeure "un avocat absolument fabuleux", même s'il a défendu des figures controversées. A l'instar du défunt Jacques Vergès, avocat français de Carlos "Le Chacal", de Saddam Hussein et du nazi Klaus Barbie.

"Nous n'avons pas de plus grande sommité en droit constitutionnel. Mais bon, un architecte peut être le meilleur et construire quelque chose pour Hitler", compare Mme Jahangir.

A 90 ans, l'affaire Musharraf pourrait être le dernier tour de piste de Sharifuddin Pirzada. "Il y a des avocats qui travaillent jusqu'à 98 ans", assure toutefois ce petit homme à l'aura enveloppée de mystère dont seule la mort pourrait le pousser à la retraite.

ia/gl/ros

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