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Turquie: Erdogan prêt au compromis sur sa réforme judiciaire controversée

Turquie: Erdogan prêt au compromis sur sa réforme judiciaire controversée

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a fait mardi un premier geste pour tenter d'apaiser la crise suscitée par le scandale de corruption qui éclabousse son gouvernement en se déclarant prêt à renoncer à un projet très controversé de réforme judiciaire.

Sur fond de dégringolade persistante de la livre turque (TL) qui a atteint un nouveau plus bas historique à 3 TL pour un euro, la tempête qui souffle sur le sommet de l'Etat turc depuis un mois a connu un nouvel épisode avec la descente de la police dans une ONG proche du pouvoir, accusée de livrer des armes aux rebelles syriens.

Au lendemain d'une rencontre au sommet avec le président Abdullah Gül, de plus en plus considéré comme son rival dans la course au pouvoir ouverte par cette crise, M. Erdogan a fait un pas en arrière en évoquant le retrait, sous condition, de son texte de loi destiné à renforcer le contrôle de l'exécutif sur l'institution judiciaire.

"Si l'opposition accepte des changements constitutionnels sur cette question, alors nous abandonnerons notre proposition", a déclaré M. Erdogan lors de sa harangue hebdomadaire devant les députés de son Parti de la justice et du développement (AKP).

Présentée vendredi en commission parlementaire, cette réforme vise à réformer le Haut-conseil des juges et magistrats (HSKY) pour donner la dernière main au ministre de la Justice en matière de nominations de magistrats.

Ce texte a provoqué l'ire de l'opposition, du barreau turc et de nombreux magistrats, qui le jugent contraire à la Constitution et exclusivement destiné à étouffer l'enquête anticorruption qui menace le régime.

Le chef du principal mouvement d'opposition, Kemal Kiliçdaroglu (Parti républicain du peuple, CHP), a d'emblée rejeté la main tendue de M. Erdogan, n'acceptant de discuter qu'à la condition qu'il retire d'abord son projet.

Mais, s'il a ouvert la voix à un compromis, le Premier ministre s'est montré toujours aussi déterminé à réformer la justice de son pays.

Une nouvelle fois, il a accusé "l'organisation (présente) dans la justice et la police" de manipuler l'enquête anticorruption en cours pour orchestrer un "sale montage" et une "tentative de lynchage fomentée de l'intérieur et de l'extérieur contre notre pays", à la veille des élections municipales de mars et la présidentielle d'août 2014.

Même s'il n'a jamais prononcé publiquement son nom, M. Erdogan soupçonne le mouvement du prédicateur musulman Fethullah Gülen, en conflit ouvert avec son gouvernement, d'être le grand ordonnateur de cette "conspiration du 17 décembre".

Depuis le coup de filet opéré à cette date, des dizaines de patrons, hommes d'affaires et élus proches du pouvoir ont été mis en cause dans plusieurs affaires de corruption, blanchiment et fraudes à grande échelle. Trois ministres ont été contraints à la démission, précipitant un remaniement gouvernemental de grande ampleur le 25 décembre.

Cette guerre, qui déchire la majorité islamo-conservatrice qui règne sans partage sur le pays depuis 2002, s'est élargie mardi à un autre front, avec la mise en cause de la Fondation pour l'aide humanitaire (IHH).

La police a perquisitionné à l'aube dans les bureaux de cette ONG islamique à Kilis, non loin de la frontière syrienne, deux semaines après l'interception par la gendarmerie dans la région d'un de ses véhicules contenant, selon certaines informations de la presse turque, des armes à destination de rebelles syriens hostiles au régime de Damas.

Selon la presse turque, ce raid a été ordonné dans le cadre d'un plus vaste coup de filet visant l'organisation al-Qaïda dans six villes de Turquie.

Reprenant presque mot pour mot la rhétorique du gouvernement, le secrétaire général de IHH, Yasar Kutluay, a estimé que cette opération faisait partie d'une "campagne de diffamation orchestrée par certaines personnes en Turquie et à l'étranger".

Sans hésiter, M. Kutluay a également lié la descente de police visant son ONG au scandale anticorruption qui menace le Premier ministre. "Ce n'est pas seulement à propos d'IHH", a-t-il dit lors d'une conférence de presse, "+ils+ veulent faire passer la Turquie pour un pays qui soutient le terrorisme".

L'ONG, comme le gouvernement, ont catégoriquement démenti la présence d'armes dans le camion intercepté le 1er janvier.

IHH a défrayé la chronique en 2010 en affrétant une flottille pour rompre l'embargo israélien sur Gaza. L'opération menée par l'armée israélienne pour la bloquer s'était soldée par la mort de citoyens turcs.

Longtemps soupçonnée de bienveillance à l'endroit de groupes rebelles syriens intégristes, Ankara a toujours nié leur livrer des armes.

La livre turque a une nouvelle fois subi mardi l'impact de ce climat politique délétère en tutoyant la barre symbolique des 3 TL pour un euro. La devise turque a également tutoyé son plus bas face au dollar, autour de 2,1950 TL pour un dollar.

bur-pa/abk

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