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La charte posera plus de problèmes qu'on le pense, selon Charles Taylor

La charte posera plus de problèmes qu'on le pense, selon Charles Taylor

Le philosophe Charles Taylor, coprésident de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables, croit que la commission parlementaire sur le projet de charte des valeurs permettra d'exposer d'autres problèmes qui n'ont pas été entendus jusqu'ici dans les débats publics.

« D'abord, des problèmes très pratiques. Quel va être le coût pour les hôpitaux, vont-ils pouvoir trouver le personnel s'ils congédient tous ceux qui portent des signes religieux? Dans certaines branches, le personnel est très rare, on a toujours de la difficulté à attirer des gens vers le Québec », a-t-il dit en entrevue à Pas de midi sans info, sur les ondes d'ICI Radio-Canada Première.

« Il y a aussi le problème moral. Dans les universités, ça va à l'encontre de leurs principes de base de mettre quelqu'un à la porte parce que cette personne affiche une certaine religion. On n'a jamais marché avec ça, on ne peut pas vivre avec ça », ajoute-t-il. « Les médecins aussi disent, nous ne somment pas des fonctionnaires, nous sommes des professionnels, vous ne pouvez pas nous forcer à appliquer des pratiques qui sont en quelque sorte étrangères à notre façon de voir. »

Charles Taylor critique aussi l'argument du ministre responsable du projet de charte, Bernard Drainville, selon lequel la neutralité de l'État doit nécessairement s'incarner dans ses employés. « On va dire à des gens, vous ne pouvez pas postuler des postes à moins de changer de religion. Pour vous et moi, ça ne pose pas de problème, mais pour un sikh ou un juif orthodoxe, oui. C'est toujours comme ça les discriminations. C'est un choix imposé à certains et pas à d'autres », dit-il.

Le philosophe juge que certaines recommandations du rapport Bouchard-Taylor, comme l'interdiction du port de signes religieux pour certains emplois où s'exerce l'autorité, sont un mal nécessaire pour assurer une bonne vie collective, mais constituent néanmoins des accros au principe d'égalité des droits.

« Dans une société idéale, où nous aurions vraiment surmonté ces craintes et ces peurs de la différence, il n'y aurait aucune limitation. Mais on n'en est pas là et donc on a choisi de faire une concession. Mais peut-être que la concession était mauvaise. Mais ce qui ce qui certainement mauvais, c'est d'étendre cette logique à des fonctions qui ne sont pas du tout coercitives », juge-t-il.

Finalement, concernant la comparaison, qui lui a été attribuée, entre le projet de charte des valeurs et la situation dans la Russie de Vladimir Poutine, Charles Taylor a tenu à dire que ses propos avaient été déformés.

« Mais il y a quand même quelque chose derrière [le projet de charte], il y a une discrimination [...]. M. Drainville parle d'un beau débat. C'est un beau débat au niveau des politiciens. Mais dans la société, ce n'est pas un beau débat. Il y a du ciblage de gens qui sont différents, et lequel ciblage est encouragé par le discours de M. Drainville. »

« Et ce que je trouve particulièrement difficile à encaisser, c'est quand M. Drainville dit qu'on ne peut pas être contre la charte si on est contre l'intégrisme. Ça envoie le message au public que ceux qui portent des signes ostentatoires sont des intégristes ou sont pour l'intégrisme, et ça a déchaîné des actes vraiment inacceptables », conclut-il.

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