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Bangui entre deux eaux avant le verdict du sommet de N'Djamena

Bangui entre deux eaux avant le verdict du sommet de N'Djamena

Et maintenant? Dans Bangui étonnamment calme depuis quelques jours, la question est dans toutes les têtes en attendant le verdict du sommet de N'Djamena, où se joue depuis jeudi le sort des dirigeants de Centrafrique.

Situation paradoxale: dans un pays livré à lui-même depuis des mois, où les haines et les règlements de compte ont explosé dans une ivresse de violence, la capitale centrafricaine affiche un visage presque normal, alors même que les autorités sont hors du territoire.

Tout le pouvoir centrafricain - le président de transition Michel Djotodia, son Premier ministre Nicolas Tiangaye, et le Conseil national de transition (équivalent du parlement) au grand complet - est à N'Djamena, où les pays d'Afrique centrale doivent statuer sur son sort.

Ulcéré par l'incapacité de Michel Djotodia à juguler les violences et le chaos, le Tchad, président en exercice de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC) et traditionnel "faiseur de rois" chez son voisin centrafricain, a convoqué les dirigeants pour un sommet d'explications qui semble s'acheminer vendredi à l'aube vers un changement de têtes.

Djotodia reviendra-t-il? Tiangaye restera-t-il? Quels nouveaux noms pourraient sortir du chapeau?

Pour la majorité chrétienne, la cause est entendue: Djotodia, porté au pouvoir en mars par une coalition de groupes armés hétéroclites, la Séléka, ne peut pas rester.

"Le pays est à moitié KO. Si on continue avec Djotodia, on va tous mourir", résume Cyril, un chauffeur de 30 ans: "On ne peut pas continuer à vivre dans le pétrin comme ça. S'il décide de revenir, je crois que les gens de Mpoko devraient envahir le tarmac de l'aéroport pour l'empêcher d'atterrir".

Quelque 100.000 chrétiens ayant fui les massacres interreligieux qui se sont déchaînés à partir de début décembre s'entassent dans des conditions épouvantables juste à côté de l'aéroport Mpoko de Bangui, où sont basées les troupes françaises de l'opération Sangaris.

"Djotodia et Tiangaye n'ont rien foutu depuis neuf mois. Ce que veut la population centrafricaine, c'est qu'on les écarte, qu'on mette un chef militaire à la tête de la transition, on trouve un Premier ministre plus compétent et on va rapidement aux élections", réclame Roger Kombo, coordinateur de l'Union pour le renouveau centrafricain (Urca). Ce parti politique a été créé en octobre par un ancien Premier ministre centrafricain, Anicet Georges Dologuélé, qui ne fait pas mystère de ses futures ambitions présidentielles.

Mais M. Kombo reconnaît que le départ de Djotodia, porté au pouvoir par des rebelles musulmans qui se sont comportés en soudards depuis des mois, risque d'entraîner de nouveaux règlements de comptes sanglants des chrétiens contre les populations musulmanes.

"Il y a une rancune qui a gangréné la population. Et là, les gens relèvent la tête. La peur a changé de camp", assène-t-il, attablé à un bar du quartier Bimbo, dans le sud de Bangui, où la musique assourdissante et l'effervescence ne permettent pas d'imaginer que des tueries se sont déroulées - et se déroulent encore.

A quelques encâblures de là, changement de climat. Dans le quartier Kokoro à majorité musulmane, les rues sont vides et les boutiques fermées.

Il y a quelques jours, une grenade a été lancée par un inconnu en plein marché, blessant quatre personnes, dont un soldat burundais de la force africaine Misca. Mercredi, un "godobe" (enfant des rues) a été découpé à la machette, affirment les rares personnes assises sur des chaises devant leurs boutiques closes.

Le départ de Djotodia? "On ne sait pas. Nous, ce qu'on veut, c'est la paix, bien manger et bien dormir", élude un homme en détournant les yeux.

"Ce sera peut-être un peu difficile pour nous s'il démissionne", murmure Moustapha, vendeur de produits de beauté au magasin Coeur de Kokoro.

cf/mc/mba

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