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Le Québec pourrait-il avoir son Dieudonné?

Le Québec pourrait-il avoir son Dieudonné?

Les propos antisémites de l'humoriste Dieudonné ne font plus rire personne. Son nouveau spectacle, Le mur, a déjà été interdit dans plusieurs villes françaises. Si le Québec humoristique a vécu quelques scandales, une situation semblable serait impossible de ce côté-ci de l'Atlantique.

« Il y a au Québec de petites controverses ici et là, mais pas de scandale de l'ampleur de ce qui se passe avec Dieudonné », explique Robert Aird, professeur d'histoire de l'humour à l'École nationale de l'humour. Bien que Dieudonné ait été condamné plusieurs fois par la justice pour des propos racistes et antisémites, les représentations du Mur font salle comble.

Pour Christian Vanasse, du groupe Les Zapartistes, la scène ne donne pas une totale immunité aux humoristes : « Nous ne sommes pas des êtres supérieurs qui peuvent dire n'importe quoi n'importe quand. S'il n'y a aucun problème de liberté d'expression au Québec, notre responsabilité morale et personnelle en tant qu'individu demeure tout de même. »

Selon l'avocate criminaliste Véronique Robert, qui a défendu le maquilleur spécialisé en horreur Rémy Couture, accusé en 2012 de corruption de moeurs, « si un humoriste québécois tenait le même type de propos que Dieudonné, il s'exposerait à des poursuites criminelles ». À sa connaissance, aucun humoriste n'a jamais été condamné au Québec pour les propos qu'il aurait tenus. Elle ajoute : « Je ne vois pas quel mécanisme l'État pourrait utiliser pour les réglementer, sans passer par des poursuites judiciaires. »

La frontière de la liberté d'expression

L'exemple québécois le plus récent est celui de Guillaume Wagner. En 2012, l'humoriste a dû retirer de son spectacle Cinglant! une blague concernant la chanteuse Marie-Hélène Thibert. « Guillaume Wagner était devant son public, en salle, et pas à la télé ou à la radio. Si Sophie Durocher n'avait pas rapporté la blague, peut-être que l'on n'en aurait jamais entendu parler », nuance Robert Aird. Et Wagner s'est excusé, ce que ne fera pas Dieudonné, ajoute le professeur d'histoire de l'humour.

Sur sa page Facebook, Guillaume Wagner s'est exprimé sur le scandale autour de Dieudonné : « Le gouvernement français qui veut faire interdire un humoriste? Elle est bonne. [...] Quant à la censure. Toute voix qu'on fait taire, aussi discordante soit-elle, est une perte pour l'échange que doit constituer une société. Dieudonné soulève par l'outil de la provocation une multitude de points rarement soulevés dans le débat public », écrit l'humoriste.

« Dieudonné a acheté son théâtre, il a son groupe de fans. Elle est là, la liberté d'expression », dit M. Aird, qui, à l'instar de Guillaume Wagner, croit qu'il vaut mieux laisser s'exprimer les humoristes, même si leurs propos sont radicaux ou provocants. « Mais provoquer, pour provoquer, ne sert à rien », dit le professeur.

« Dans le cas de Dieudonné, conclut Christian Vanasse, tout ce qu'il fait est déjà sur Internet, mais interdire son show avant, ça ne se fait pas, malgré que l'on connaisse le personnage! »

Un texte d'Annabelle Moreau

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