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Une logique de compromis chez les islamistes tunisiens pour sauver leur bilan

Une logique de compromis chez les islamistes tunisiens pour sauver leur bilan

Les islamistes d'Ennahda semblent se tenir à une stratégie de compromis sur les sujets les plus litigieux de la future Constitution tunisienne pour sauver leur bilan dans un contexte politico-social tendu et en vue d'élections en 2014, selon des experts.

Les islamistes ont promis de quitter le pouvoir dans les prochains jours, après la formation d'une instance électorale et l'adoption de la Constitution.

Et lors du vote article par article de la Loi fondamentale depuis vendredi, ils ont accepté une place réduite pour l'islam, le principe d'une égalité des droits pour les femmes et se sont tenus à leur promesse de ne pas "criminaliser les atteintes au sacré".

Malgré des séances houleuses, une quarantaine d'articles ont été approuvés avec des majorités assez large par la Constituante, laissant espérer une adoption du texte dans son ensemble à la majorité des deux-tiers des 217 élus, ce qui éviterait un recours au référendum.

Pour Selim Kharrat, expert politique indépendant, Ennahda se tient à la logique du consensus, plus de deux ans après avoir remporté les élections de la Constituante, pour sortir la tête haute de cette période au pouvoir.

"Le seul bilan qu'Ennahda peut encore valoriser, c'est l'adoption de la Constitution", assène-t-il, dans la mesure où l'économie est toujours en berne et le pays se voit confronté à l'essor de groupes jihadistes armés.

"Leur défi est aussi de montrer au monde que l'islam politique peut être compatible avec les standards démocratiques internationaux, surtout si l'on regarde ce qu'il se passe dans les autres pays arabo-musulmans", souligne cet observateur.

Et jusqu'à présent, le parti a réussi à contrôler ses éléments les plus radicaux et à les pousser à accepter ces compromis difficiles.

Un des faucons d'Ennahda, Habib Ellouze, a ainsi été rappelé à l'ordre après avoir qualifié un député de gauche d'ennemi de l'islam, des propos qui auraient conduit à des menaces contre l'élu d'opposition.

Les islamistes, confrontés à une levée de boucliers du camp laïc, se sont même résolus à d'inscrire "l'interdiction des accusations d'apostasie" dans la future Loi fondamentale.

"Il y a un réel effort d'Ennahda de respecter les accords de consensus (avec l'opposition), alors que son groupe d'élus est loin d'être homogène", souligne M. Kharrat.

Mourad Sellami, journaliste politique au journal Le Quotidien, juge aussi qu'Ennahda veut démontrer "que l'islam et la démocratie peuvent aller ensemble".

Mais pour lui, les islamistes ont aussi senti le vent du boulet après le renversement des Frères musulmans en Egypte par l'armée, d'autant que l'opposition tunisienne a peu après mobilisé la rue à la suite de l'assassinat d'un opposant attribué aux jihadistes.

"Je pense qu'Ennahda a tiré les leçons de l'échec égyptien des Frères. C'est pour ça qu'elle a accepté la liberté de conscience, des concessions sur le rapport entre religion et Etat", relève M. Sellami.

Autre facteur pour le journaliste, Ennahda, confronté à une multiplication des foyers de tensions sociales, veut se désengager au plus vite du pouvoir en vue des élections.

Agriculteurs, médecins, chômeurs: les frondes, manifestations, mouvements de grèves continuent de se multiplier, alors que les caisses de l'Etat sont vides et des augmentations d'impôts impopulaires prévues.

"Il y a des nids explosifs partout, la stratégie de la modération d'Ennahda, c'est aussi faute de mieux. Ils savent que le prochain gouvernement n'aura pas de baguette magique, qu'il aura toujours les mêmes problèmes et qu'ils pourront dire +vous voyez, cela ne dépendait pas de nous+", relève M. Sellami.

Quels que soient les compromis constitutionnels votés ces derniers jours, le véritable défi sera de les transcrire dans le code pénal et le droit civil, une mission qui reviendra au futur Parlement.

"Que Ennahda ou l'opposition dite démocrate gagne les élections, rien ne garantit aujourd'hui que la Constitution sera appliquée comme il faut", tempère M. Kharrat.

alf/fcc

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