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Le contrôle des zones rebelles au coeur de la guerre entre jihadistes et insurgés

Le contrôle des zones rebelles au coeur de la guerre entre jihadistes et insurgés

Les rebelles syriens se sont unis pour chasser les jihadistes les plus radicaux afin de reprendre le contrôle de zones tenues par ces combattants mais aussi, selon les experts, pour retrouver un capital de sympathie auprès des Occidentaux qui ont suspendu leur aide.

Depuis vendredi, de violents affrontements opposent trois coalitions rebelles à l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), un groupe originaire d'Irak, qui était il y a peu l'allié de la rébellion face aux forces du président Bachar al-Assad.

"Une convergence de facteurs internes et externes ont facilité cette +union sacrée+ contre l'EIIL", note Romain Caillet, spécialiste du salafisme contemporain.

Pour lui, "les facteurs internes sont essentiellement la dégradation des rapports de l'EIIL avec l'ensemble des autres brigades de l'opposition armée, qui n'acceptaient pas sa volonté d'hégémonie sur l'ensemble des territoires libérés".

A cela s'ajoute selon ce chercheur de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO), les multiples exactions attribuées à cette organisation, qui a par ailleurs pris le contrôle ces derniers jours de zones urbaines en Irak.

"La mort sous la torture d'un commandant du Front Islamique dans une prison de l'EIIL a profondément choqué l'opinion publique de la région d'Alep, ce qui a permis de légitimer cette vaste offensive contre l'EIIL", explique M. Caillet.

Il faisait référence à un médecin rebelle très populaire connu sous le pseudonyme d'Abou Rayyan et dont le "meurtre" par l'EIIL a été annoncé la semaine dernière.

Une série de meurtres similaires et d'enlèvements attribués par les militants à l'EIIL depuis l'été 2013 ont poussé des bataillons insurgés à déclarer une guerre ouverte au groupe extrémiste.

Pour un autre spécialiste de l'Islam en Syrie, Thomas Pierret, "le comportement de l'EIIL devenait insupportable pour la plupart des groupes armés (...) notamment les tentatives de prendre le contrôle des zones frontalières, coupant de ce fait les réseaux logistiques des rebelles".

Selon ce maître de conférence à l'université d'Édimbourg, "de nombreux groupes voulaient agir depuis longtemps mais ils étaient bloqués par les réticences d'Ahrar al-Cham qui coopérait étroitement avec l'EIIL" dans le nord.

Ahrar al-Cham, composante clé du Front Islamique --une puissante coalition rebelle--, "a probablement donné son feu vert après une attaque de l'EIIL contre l'une de ses bases près d'Alep et l'exécution du médecin" membre de son organisation.

En outre, "les différents groupes ont été désinhibés par les condamnations du comportement de l'EIIL par de nombreux oulémas, y compris des figures acquises à l'idéologie jihadiste", estime l'auteur de "Religion et Etat en Syrie"

L'EIIL a été créé en janvier 2012, à l'initiative de l'Irakien Abou Bakr al-Bagdadi, chef d'Al-Qaïda en Irak. Selon M. Caillet, la grande majorité de ses chefs militaires sont des Irakiens ou des Libyens, ses chefs religieux, plutôt des Saoudiens et des Tunisiens, tandis que les combattants sur le terrain en Syrie sont en majorité syriens.

La guerre contre l'EIIL a été bénie par l'opposition syrienne en exil, qui accuse le groupe d'avoir "volé" la révolution contre Assad à cause de ses abus. Le groupe jihadiste a de son côté dénoncé une "campagne médiatique" visant à le "diaboliser".

M. Caillet relève également des facteurs externes.

"L'opposition veut faire bonne figure à l'égard des gouvernements occidentaux", en se démarquant des jihadistes, explique-t-il.

Le 11 décembre, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont annoncé la suspension de leur aide non létale à la rébellion, craignant la montée des radicaux dans le conflit.

Selon M. Pierret, "certains groupes rebelles peuvent avoir agi ainsi dans l'espoir de convaincre les USA de les aider mais je doute fort que cela fonctionne eu égard à la stratégie américaine de désengagement" de la région, note-t-il.

Mais pour un expert proche du régime de Damas, ces affrontements sont liés à l'approche de la conférence de paix prévue en Suisse, le 22 janvier, et doivent permettre de rendre des organisations islamistes présentables aux yeux des Occidentaux.

"Cette bataille vise à justifier l'envoi de lettres d'invitation pour Genève-2 à des groupes islamistes, financés par les pays du Golfe, en donnant l'impression qu'ils combattent le terrorisme selon le concept occidental", estime Bassam Abou Abdallah, directeur du centre de Damas d'études stratégiques.

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