Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Les Européens en ordre dispersé pour commémorer la Première guerre mondiale

Les Européens en ordre dispersé pour commémorer la Première guerre mondiale

Une Europe secouée par la crise et le doute s'apprête à commémorer en 2014, en ordre dispersé, le centenaire de la Première guerre mondiale, l'une des pires catastrophes de son histoire et dont le monde porte encore aujourd'hui les marques.

Un temps envisagée, notamment en France, l'idée forte d'une commémoration internationale à Sarajevo, où l'assassinat le 28 juin 1914 du prince héritier autrichien François-Ferdinand par le nationaliste serbe bosniaque Gavrilo Princip fut l'étincelle qui déclencha la guerre, a été rapidement abandonnée, faute de consensus.

Seuls quelques "évènements culturels" européens devraient être organisés en juin dans la capitale bosnienne, où les différentes communautés demeurent divisées sur la lecture de cet attentat.

Les commémorations politiques ont été, classiquement, rapatriées dans les deux pays théâtre des combats sur le front ouest : la France -où des "délégations" des ex-belligérants ont été conviées à une "grande manifestation pour la paix" lors de la fête nationale du 14 juillet- et la Belgique, envahie par les troupes allemandes le premier jour de la guerre le 3 août 1914.

Le président allemand Joachim Gauck sera en France le 3 août pour marquer "dans la gravité et le recueillement" avec son homologue François Hollande le début du conflit, et une cérémonie germano-britannique est prévue le lendemain en Belgique, mais aucune manifestation collective des dirigeants européens n'a été annoncée.

Un siècle après, les Européens "continuent à envisager cet événement transnational dans le cadre étroit de leurs mémoires nationales", constate l'historien australien John Horne, professeur à l'Université de Dublin et spécialiste internationalement reconnu de la Grande guerre.

Souvent considérée comme la première "guerre totale" de l'histoire, ce conflit a pourtant aspiré près de la moitié de la population mondiale dans un cycle de violence sans précédent par son ampleur et son intensité. Il fera en 52 mois quelque 10 millions de morts et 20 millions de blessés sur les champs de bataille, et des millions de victimes parmi les populations civiles occupées, affamées ou déportées, dont un million d'Arméniens systématiquement massacrés par les forces turques. Sans compter les millions de morts que provoqueront jusqu'en 1923 les contrecoups du séisme en Russie, en Europe orientale, en Turquie et jusqu'en Irlande.

Quatre des plus grands empires de l'époque -russe, allemand, austro-hongrois et ottoman--disparaitront dans la tourmente, redessinant la carte politique du monde avec l'apparition de dizaines de nouveaux pays et d'idéologies nouvelles : communisme, fascisme, nazisme, anticolonialisme, pacifisme, dont l'affrontement avec les démocraties occidentales triomphantes marquera les relations internationales pendant des décennies.

Vainqueurs ou vaincus, les Européens sortiront du conflit ruinés économiquement, politiquement et moralement, laissant émerger une nouvelle superpuissance économique, et bientôt militaire et politique, qui dominera le 20e siècle : les Etats-Unis.

De ce naufrage collectif --certains parleront de "suicide"-- les Européens et leurs alliés conservent, un siècle plus tard, une perception très variable selon leur histoire : du souvenir entretenu et vivace d'une victoire juste malgré son coût effroyable chez Britanniques et Français, jusqu'à un oubli quasi-total en Allemagne ou en Russie, où le cataclysme de la seconde guerre mondiale vingt ans plus tard a occulté --pour des raisons opposées-- le souvenir de la première.

Autant de diversités qui compliquent, sinon empêchent, toute idée de commémoration commune du conflit par les anciens belligérants, alors que l'Europe secouée par la crise économique est partout en proie au doute et à un euroscepticisme croissant, sur fond de résurgence des nationalismes et de montée d'une extrême droite xénophobe.

Sans surprise, la France, la Grande-Bretagne mais aussi l'Australie et la Nouvelle-Zélande -deux nations dont l'identité s'est forgée dans le sang de la Grande guerre- vont accorder une large place au centenaire, qui a suscité des centaines de projets officiels et un engouement exceptionnel des médias. La Serbie, de son côté, veut profiter de l'événement pour présenter "la vérité et les faits" sur le déclenchement du conflit, dont elle rejette la responsabilité sur "la politique hégémonique de l'Autriche-Hongrie" plutôt que sur l'attentat de Sarajevo.

Dans le même veine nationaliste, la Russie de Vladimir Poutine a affirmé son intention de redonner toute sa place au souvenir d'un conflit "injustement oublié" durant 70 ans par le régime soviétique, qui aurait "trahi les intérêts nationaux" en capitulant devant l'Allemagne en 1917.

L'Allemagne, l'Italie ou la plupart des pays d'Europe centrale, en revanche, n'ont pour l'instant guère manifesté d'enthousiasme pour cet anniversaire toujours très ambivalent pour eux.

Ce centenaire "demeure un moment identitaire différent pour chaque pays", et met en lumière le fait qu'il n'y a "pas de mentalité ni de sensibilité européenne commune, mais que l'Europe demeure une construction de la raison", note l'Allemand Gerd Krumeich, professeur à l'Université de Düsseldorf et historien internationalement reconnu de la Première guerre mondiale.

lma/hr/jr

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.