Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Des Tchadiens rentrés à N'Djamena racontent des journées d'horreurs à Bangui

Des Tchadiens rentrés à N'Djamena racontent des journées d'horreurs à Bangui

"Ils sont venus tuer mon mari devant sa boutique qu'ils ont pillée ensuite. Je suis née en Centrafrique, je ne connais personne au Tchad. Je vais faire comment?", désespérée Mariam Moussa, 40 ans, évacuée sur N'Djamena par l'armée tchadienne témoigne des journées d'horreurs à Bangui.

Mariam Moussa fait partie de ces milliers de Tchadiens qui ont fui les tueries intercommunautaires ayant fait un millier de morts en Centrafrique depuis le 5 décembre, date du début de l'intervention française, et sont rentrés dans leur pays.

Ils craignent d'être victimes de représailles de milices d'autodéfense chrétiennes "anti-balaka" (anti-machettes) ou de foules les accusant de connivence avec les Séléka, des rebelles majoritairement musulmans et pour certains venus du Tchad qui ont renversé le président François Bozizé en mars 2013.

Pendant des mois, les ex-rebelles ont mutiplié en toute impunité les exactions contre la population très majoritairement chrétienne du pays, nourrissant ressentiment, soif de vengeance et créant un climat délétère de haine religieuse.

"Quand ils ont ensuite attaqué notre maison, j'ai pu m'échapper pour passer quatre jours dans la mosquée et deux jours à l'aéroport avant de quitter en avion pour N'Djamena. Mais j'ai une fille de 15 ans qui est partie visiter quelqu'un dans une localité environnante de Bangui. Je n'ai plus de ses nouvelles et je ne sais comment faire", ajoute Mariam, hébergée temporairement dans un des trois centres d'accueil d'urgence de la capitale tchadienne abritant les "retournés forcés", comme on les appelle déjà.

Dans le centre social No1 de N'Djamena, les témoignages fusent, tous plus atroces les uns que les autres.

Mahamoud Amine Moussa, 25 ans, étudiant à Bangui raconte: "j'ai perdu plusieurs collègues de l'université qui ont été lapidés, découpés en morceaux avec des machettes et des houes par des Centrafricains. Dieu merci, j'ai eu la vie sauve. Je préfère rester au Tchad pour commencer une nouvelle vie".

Faiseur de roi en Centrafrique, N'Djamena a armé et soutenu la Séléka, selon les spécialistes de la région, dix ans après avoir favorisé le coup de force de François Bozizé et la proximité des soldats tchadiens de la force africaine en Centrafrique (Misca) avec des ex-rebelles auteurs d'exactions - meurtres, viols, pillages - a été dénoncée à plusieurs reprises.

Olivier Toguiam, 20 ans, lycéen, se souvient: "j'ai vécu des moments les plus cauchemardesques de ma vie. J'ai vu les Centrafricains décapiter leurs semblables comme des animaux. Je les ai vu tuer deux étudiants tchadiens que je connais bien. Ils étaient sortis pour chercher à manger, c'est ainsi qu'ils ont été rattrapés par les soi-disants anti-balaka".

"J'ai trop peur pour mon père qui est toujours là-bas, puisque je suis rentré au Tchad avec ma mère et mes trois petits frères seulement", ajoute-t-il.

Au centre social No3, Amina Youssouf, 45 ans, veuve, mère de huit enfants témoigne: "j'ai vu des scènes horribles là-bas. J'ai vu les anti-balaka décapiter même les enfants".

"J'ai pu m'échapper avec trois de mes enfants, les cinq autres sont restés terrés dans notre maison. Je m'inquiète beaucoup pour eux. Je les laisse entre les mains de dieu. J'ai quitté (la Centrafrique) sans rien prendre. Je suis veuve, je souhaite que mes cinq enfants reviennent au Tchad pour qu'on y reste définitivement, puisque je ne veux plus repartir à Bangui".

Mahamoud Moussa, 47 ans, garagiste à Bangui, assis par terre, la tête baissée, abattu: "je ne comprends pas ce qui est arrivé à mes frères centrafricains. On ne peut pas imaginer qu'on s'en prenne aux cinq cent mille Tchadiens qui vivaient en paix avec eux".

Selon la ministre tchadienne de l'Action sociale, Rosine Baïwong Djibergui, "plus de 5.000 Tchadiens sont déjà rapatriés de RCA à N'Djamena, pour la plupart des enfants, des femmes et des vieillards, et environ 8.000 sont en train d'être acheminés par la voie terrestre de RCA vers le sud du Tchad".

Dans ce déluge d'horreurs, une petite lueur d'espoir. Olivier, le lycéen: "je souhaite retourner vite à Bangui, dès que la guerre va finir, pour reprendre mes études".

str-mc/jlb

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.