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En Turquie, Erdogan confronté à son plus grand défi depuis son arrivée au pouvoir

En Turquie, Erdogan confronté à son plus grand défi depuis son arrivée au pouvoir

Six mois à peine après la fronde populaire sans précédent qui a secoué la Turquie, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan se retrouve confronté à sa plus grave crise politique depuis son arrivée au pouvoir il y a dix ans, à quatre mois d'élections municipales déjà cruciales pour son avenir.

Après la rue, c'est un scandale financier sans précédent qui menace son gouvernement.

La semaine dernière, la justice a inculpé et mis sous les verrous une brochette d'hommes d'affaires, d'élus et deux fils de ministres mis en cause dans une affaire de corruption à tiroirs qui ébranle l'élite islamo-conservatrice qui dirige le pays depuis 2002.

Mis en cause en juin par la frange jeune, éduquée et laïque du pays pour ses dérives autoritaire et islamiste, M. Erdogan est cette fois contesté dans son propre camp, par la confrérie du prédicateur musulman Fetullah Gülen sur laquelle il s'était jusque-là largement appuyé pour conquérir et fortifier son autorité.

Comme il l'avait fait il y a six mois pour répondre et finalement triompher de la contestation, le chef du gouvernement a dénoncé un "complot", ourdi par un "Etat dans l'Etat" accusé de vouloir le "salir" et "détruire" les progrès, notamment économiques, accomplis par le pays depuis dix ans.

Longtemps larvée, cette guerre fratricide se joue désormais sur la place publique et a déjà modifié la donne politique nationale, à l'entrée du long tunnel électoral qui doit s'achever avec les législatives de 2015.

"Il apparaît déjà que nous allons assister aux élections les plus dures de toute l'histoire de la République", pronostique le journaliste et analyste Rusen Cakir en évoquant le scrutin local de 2014.

"Mais le fait que l'une des deux parties au conflit ne dispose pas d'un parti politique rend leur issue encore plus improbable", ajoute-t-il.

Dans ce contexte, les élections du 30 mars s'annoncent cruciales, notamment pour le contrôle de la plus grande ville du pays Istanbul.

"La bataille pour Istanbul a toujours été très serrée entre l'AKP et son opposition de gauche et laïque", rappelle Soner Cagaptay, directeur du programme de recherche sur la Turquie au Washington Institute.

L'enjeu est d'autant plus important pour le Premier ministre que ce scrutin local, dont son parti partait largement favori, doit lui servir de tremplin pour l'élection présidentielle du mois d'août suivant.

M. Erdogan n'a pas encore déclaré ses intentions mais, contraint par les règles en vigueur au sein de l'AKP à quitter la tête du gouvernement aux législatives de 2015, il ne fait plus guerre mystère de vouloir briguer le poste de chef de l'Etat, pour la première fois attribué au suffrage universel direct.

Mais, si l'AKP et son chef incontesté restaient jusque-là très populaires dans le pays, le scandale qui a éclaté la semaine dernière risque de porter un coup sérieux à l'image d'un parti qui s'était érigé en pourfendeur de la corruption.

Cette réputation n'est plus qu'une "idée fausse", a d'ores et déjà tranché l'éditorialiste vedette du quotidien libéral Milliyet Kadri Gürsel.

Conscient du danger, M. Erdogan a donc lancé une purge sans précédent dans les rangs de la haute hiérarchie policière du pays.

Il pourrait également profiter du remaniement de son équipe gouvernemental annoncé avant la fin de l'année pour remplacer les ministres candidats aux municipales pour se débarrasser de ses membres directement exposés par l'affaire en cours.

Mais cela pourrait bien ne pas suffire à éteindre l'incendie.

Le mouvement Gülen "dispose de ses propres médias, de ses universités, de ses cercles de réflexion, de ses soutiens dans les affaires et dans la fonction publique et apparaît comme la seule force capable de contester Erdogan", note Soner Cagaptay.

"Si l'organisation de M. Gülen est en mesure d'utiliser son influence auprès des électeurs et sa puissance financière pour faire pencher la balance en faveur de l'opposition, elle se placera alors en position de contre-pouvoir efficace à M. Erdogan", ajoute-t-il.

Mais si le Premier ministre emporte malgré tout largement les municipales, il deviendra alors "la figure politique la plus forte de la Turquie moderne", prévient M. Cagaptay.

fo-pa/mf

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