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Hicham et Pascale, le "luxe" d'être pensionnaires à Villa Médicis

Hicham et Pascale, le "luxe" d'être pensionnaires à Villa Médicis

Pascale est "chercheuse de traces" sur les moulages de Villa Médicis, Hicham s'improvise laborantin pour créer des paysages imaginaires, leur point commun ? ils sont tous deux pensionnaires de la prestigieuse Académie de France à Rome.

Dans son atelier aux larges baies vitrées, Hicham ressemble plus à un scientifique un peu "allumé" qu'à un artiste plasticien. Il verse dans un bécher des cailloux, un produit indigo et des morceaux de plastique, tout en filmant son expérience projetée en temps réel sur un écran.

L'idée est "de faire naître un paysage en quelques minutes, je fais des expériences chimiques pour enrichir ma palette", souligne Hicham en faisant disparaître d'une pincée de poudre noire sa poétique installation.

"Comme artiste je me sens régisseur d'énergies, entre le protocole scientifique et le jeu d'enfants", explique à l'AFP ce Franco-Marocain de 27 ans qui s'est déjà fait remarquer dans des performances au Palais de Tokyo à Paris.

Tout près, dans une sorte d'aquarium où tourne une hélice, ce fils de scientifiques a immergé un gant blanc sur lequel il a braqué des lumières artificielles pour le faire "vieillir".

Il dit suivre une démarche similaire à celle d'un peintre avec ses pigments et pinceaux auxquels il substitue la "connaissance du monde physique et chimique pour agir sur la réalité à travers des vecteurs comme le chaud, le froid, le magnétisme, l'électricité, le vent".

Arrivé en septembre, Hicham apprécie énormément son statut de pensionnaire pour 12 mois à la Villa Médicis.

"C'est une des seules résidences à temporalité longue, ce qui permet de mener une recherche même sans but précis, sans entrer dans une logique de production d'une pièce", souligne-t-il.

Son atelier est aussi sa maison: son lit dans une mezzanine, une petite cuisine où le mobilier est réduit à l'essentiel au milieu d'un bric-à-brac d'accessoires et d'appareils au fonctionnement mystérieux.

Pour l'artiste, le cadre idyllique et silencieux de Villa Médicis, créée en 1666 par Louis XIV pour permettre aux jeunes peintres français de venir étudier à Rome, facilite la concentration.

Habitué à travailler avec des musiciens ou des scientifiques, il compte "collaborer avec des chercheurs du laboratoire du Gran Sasso (spécialisé dans les neutrinos) pour leur rendre visite et leur montrer (son) atelier".

Il se réjouit aussi des échanges avec les autres pensionnaires, avec "des profils complètement différents, des musiciens, des scénographes, des historiens de l'art, ce sont des collisions très riches".

Hicham collabore en matière de vieillissement des sculptures avec Pascale Roumégoux une restauratrice de sculptures, en résidence jusqu'en mars pour étudier la collection de moulages de Villa Médicis.

"Mon sujet de recherche consiste à enrichir l'oeil et les connaissances de la restauratrice", souligne cette jeune femme de 38 ans originaire du Sud-Ouest et qui vit à Nantes.

Passant ses doigts fins sur les coutures visibles à la surface du plâtre, elle s'enthousiasme de découvrir, ici les traces d'un estampage à la terre, là la preuve que l'artisan a effectué un surmoulage. Un tas d'informations qui "permettent de faire des suppositions de datation".

Pascale sait qu'elle ne parviendra pas à analyser les 380 moulages de la collection de la Villa. Mais elle savoure "l'occasion unique d'avoir un an pour observer tout un corpus d'oeuvres et établir des ensembles pour en extraire des données techniques".

Autre avantage de son statut de pensionnaire: "un confort financier auquel (elle) n'est pas habituée: comme restauratrice libérale il faut toujours aller chercher du travail".

Sa fille, 2 mois et demi à son arrivée, a fait ses premiers pas dans les magnifiques jardins de la Villa. "C'est un luxe de vivre ici avec ma famille alors qu'avant j'étais toujours en déplacement", dit cette spécialiste qui a travaillé entre autres sur la collection de moulages du Musée du Louvre, entreposée à Versailles.

Vivre à Rome et découvrir -- "le week-end seulement" -- les richesses de la capitale et de l'Italie est "un avantage évident" tout comme les échanges avec les autres pensionnaires et les experts italiens.

Elle est fière que son travail fasse comprendre l'importance du moulage, "témoin archéologique primordial et souvent unique,lorsque les originaux ont disparu ou ont subi des restaurations mal faites".

fka/mle/cac

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