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Le Gripen, un choix économique autant que géostratégique

Le Gripen, un choix économique autant que géostratégique

Pourquoi acheter un avion de chasse sophistiqué quand un autre, moins cher, répond aux besoins ? Le choix du Gripen par le Brésil illustre une logique autant géostratégique qu'économique ouvrant de belles perspectives à son fabricant suédois.

Le Brésil a annoncé mercredi avoir sélectionné le Gripen de Saab aux dépens du Rafale français et du F/A-18 Super Hornet américain pour un contrat d'achat de 36 appareils estimé à plus de cinq milliards de dollars. Il emboîte ainsi le pas à la Suisse.

"Si l'on tient compte de la géographie physique et du contexte géostratégique, on ne peut pas dire que le Brésil ou la Suisse aient des velléités d'intervention" militaires, commente Loïc Tribot La Spière, délégué général du Centre d'études et de prospective stratégique (CEPS). "Ni le Brésil, ni la Suisse n'ont en outre à craindre de forces extérieures, dit-il. Il n'y a pas de menace".

Or, si le Rafale, construit par Dassault Aviation, est un produit "de très grande qualité", selon l'expert, - plus 40% d'emport par exemple par rapport au Gripen -, il est surtout d'une très grande sophistication. Et plus cher, de l'ordre de 100 millions de dollars contre 60 pour son concurrent suédois, sans compter les coûts de maintenance et de formation qui peuvent sensiblement augmenter la facture.

"Avec le Gripen, les Brésiliens ont finalement un rapport qualité/prix excellent", poursuit Philippe Plouvier, du cabinet de consultants en stratégie Roland Berger.

Une équation essentielle en période de restrictions budgétaires.

"Il y a quatre ans, le Brésil aurait pu faire le choix du Rafale. La situation économique était un peu meilleure , il n'y avait pas cette crise de la classe moyenne. Et, il n'y avait pas la perspective du financement des Jeux Olympiques et de la Coupe du monde", explique Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).

Pour Philippe Plouvier, il faut en outre voir dans le choix du Brésil un repositionnement économique et stratégique. "Le choix du Gripen est aussi un choix de neutralité, de non-alignés. Les Suisses comme les Brésiliens ne veulent pas dépendre des Etats-Unis ou de la France".

Les Brésiliens veulent diversifier leurs fournisseurs après avoir fait appel à la France pour leur marine.

En 2009, le groupe français de construction navale DCNS avait en effet signé un contrat de 6,7 milliards d'euros pour la construction avec la marine brésilienne de cinq sous-marins dont un sous-marin nucléaire d'attaque.

Jean-Pierre Maulny souligne que la compétition "féroce" pour l'obtention de ces contrats est aussi affaire de diplomatie.

"On savait que c'était perdu pour Dassault surtout après l'épisode de l'élection à l'OMC (Organisation mondiale du commerce) où la France avait soutenu le candidat mexicain. Les Brésiliens ne l'ont pas oublié", dit-il.

Les Etats-Unis avaient eux longtemps été donnés gagnants avant que les révélations sur l'espionnage de la présidente brésilienne Dilma Rousseff par la National security agency (NSA) ne viennent anéantir leurs chances.

Au final, cela reste une mauvaise nouvelle pour Dassault Aviation et ses partenaires Safran et Thales positionnés sur le haut de gamme "où la fenêtre d'opportunité va être courte en raison de l'arrivée prochaine du F35 américain", estime M. Plouvier.

"Cet avion sera certes plus cher que l'avion français mais si les Etats-Unis veulent asseoir leur suprématie, ils joueront sur les prix", selon lui.

Le Brésil pérennise en revanche l'industriel suédois.

"Pour Saab, cela renforce des possibilités d'obtention de contrats en Bulgarie, en Croatie, au Danemark, en Malaisie et en Corée du Sud car ces pays doivent eux aussi se doter d'une aviation militaire mais pas nécessairement de premier ordre", commente Philippe Plouvier.

Au total, 166 Gripen sont déjà en service dans le monde, dont 100 en Suède, 26 en Afrique du Sud, 14 en République Tchèque, 14 en Hongrie et 12 en Thaïlande, selon des chiffres communiqués par le constructeur.

Un référendum en Suisse doit en outre valider en 2014 le contrat conclu fin 2011 pour 22 appareils.

Dassault Aviation espère lui signer le premier contrat d'exportation du Rafale en Inde, qui a choisi l'appareil début 2012 mais tarde à conclure le contrat.

Dt/pmr/fz/via

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