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La grâce de Khodorkovski consacre la toute-puissance de Poutine

La grâce de Khodorkovski consacre la toute-puissance de Poutine

La grâce accordée à Mikhaïl Khodorkovski consacre la toute-puissance de Vladimir Poutine mais trahit aussi la volonté d'améliorer l'image du pays à la veille des JO de Sotchi et dans un contexte économique tendu.

Cette annonce retentissante et inattendue est à rapprocher de l'amnistie adoptée mercredi, qui devrait lever les poursuites contre l'équipage de Greenpeace, dont 26 étrangers, et libérer les deux jeunes femmes emprisonnées du groupe contestataire Pussy Riot, deux dossiers qui ont contribué à détériorer encore l'image de la Russie dans le monde.

"Mikhaïl Borissovitch (...) s'est adressé à moi pour me demander sa grâce", a confié Vladimir Poutine, dans une révélation plus ou moins improvisée devant quelques journalistes jeudi.

Khodorkovski, qui devait être libéré à l'été 2014, a invoqué la maladie de sa mère en présentant sa demande de grâce, selon M. Poutine.

Indiquant qu'il avait décidé d'accéder à la demande de l'ex-magnat du pétrole et critique du Kremlin, en prison depuis 10 ans, le président russe l'a appelé par son prénom et son patronyme, une marque de respect selon la tradition russe.

Cela tranche avec l'hostilité que n'avait pas cachée par le passé l'ex-agent du KGB à l'égard d'un patron qui avait financé l'opposition, et l'avait contredit publiquement.

Il l'avait alors comparé au mafieux américain Al Capone et à l'escroc financier américain Bernard Madoff, affirmant même qu'il avait du sang sur les mains.

"Il semblait que tant que Poutine est au pouvoir, Khodorkovski resterait en prison, on parlait déjà d'un troisième procès", après ses condamnations successives en 2005 et 2008 pour fraude fiscale, escroquerie, vol de pétrole et blanchiment, a souligné Maria Lipman, de l'antenne moscovite du Centre Carnegie.

Mais la grâce accordée est "l'affirmation et la confirmation qu'il est le chef dans le pays", a-t-elle ajouté.

Au pouvoir depuis 2000, revenu au Kremlin en mai 2012 pour un troisième mandat présidentiel après un intermède à la tête du gouvernement, M. Poutine a fermement repris la situation en mains après une vague de contestation à l'hiver 2011.

Concernant Mikhaïl Khodorkovski, le Kremlin a pris soin d'affirmer -- ce qui est contesté -- que la demande de grâce constituait une reconnaissance de culpabilité, ce que le détenu avait jusqu'à présent refusé d'écrire.

"Poutine a attendu très longtemps la demande de Khodorkovski. C'est important pour lui qu'il ait présenté une demande de grâce, et ce faisant qu'il reconnaisse son pouvoir. Il a eu ce qu'il voulait", a estimé Alexeï Makarkine, du Centre de technologies politiques.

"Il n'y a guère de doute que dans le cas contraire, il y aurait eu un troisième procès, encore plus scandaleux que le deuxième du point de vue de l'image de la Russie et de la justice russe", a ajouté cet analyste.

La direction russe, irritée par les déclarations occidentales et ce qu'elle considère comme des tentatives d'ingérence lors des manifestations d'opposition de l'hiver 2011-2012 à Moscou, comme ces dernières semaines en Ukraine, a démonstrativement ignoré toutes les critiques ces derniers mois.

Elle a été encouragée sur le plan international par les difficultés économiques occidentales et par son rôle renforcé dans la crise syrienne.

La confrontation sur les questions de société comme les droits des homosexuels -- notamment la loi contre la "propagande homosexuelle" adoptée en Russie -- en est une illustration.

Mais alors que le ralentissement économique rattrape le pays, que l'évasion de capitaux atteint des niveaux record, l'affaire Khodorkovski, interprétée en Occident comme l'exemple d'une justice sélective et instrumentalisée, qui s'était soldé par l'expropriation du premier groupe pétrolier du pays, restait emblématique des risques pour les investisseurs.

L'annonce de la grâce accordée à Mikhaïl Khodorkovski est à ce titre "un signal non équivoque pour l'amélioration du climat d'investissement dans le pays", a souligné Mikhaïl Abyzov, un membre du gouvernement chargé des relations avec la société civile.

Les différentes affaires liées aux droits de l'homme et aux libertés avaient également fini par menacer le bon déroulement des Jeux Olympiques d'hiver de Sotchi, un projet personnellement piloté par M. Poutine qui a voulu en faire une opération de prestige pour le pays.

"Cela va améliorer l'atmosphère médiatique dans le monde à la veille des JO de Sotchi", a souligné l'analyste Stanislav Belkovski.

Le président allemand Joachim Gauck a été le premier au début du mois à faire savoir qu'il ne se rendrait pas à la cérémonie d'ouverture, suivi notamment dernièrement par le chef de l'Etat français François Hollande.

lpt/nm/via

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