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Année noire en Irak en l'absence du médiateur Talabani

Année noire en Irak en l'absence du médiateur Talabani

En l'absence de son président Jalal Talabani, hospitalisé depuis un an en Allemagne, l'Irak s'est retrouvé privé d'un médiateur clé dans la grave crise politique doublée d'une escalade des violences, selon des analystes.

M. Talabani, un leader kurde élu président de l'Irak en 2005, a quitté son pays le 20 décembre 2012, deux jours après avoir été victime d'une attaque cérébrale, et n'est pas revenu depuis.

Lors des diverses crises qu'a connues le pays depuis l'invasion menée par les Etats-Unis en 2003, cet habile négociateur, âgé aujourd'hui de 80 ans, s'était toujours évertué à rassembler une classe politique minée par les divisions entre musulmans chiites et sunnites d'une part, et Arabes et Kurdes d'autre part.

"L'absence de Talabani a grandement affecté l'élite politique et les relations" entre les différents groupes, parce qu'il "était en mesure de réguler le jeu politique et empêcher la situation de déraper", estime Ihsan al-Shammari, un professeur de sciences politiques de l'université de Bagdad.

"Cette année a été la plus dure pour l'Irak depuis des années, et le pays l'a vécue sans le protecteur et le garant de la Constitution", a-t-il ajouté, en référence au rôle de M. Talabani en tant que président.

Sans lui, les différents organes du gouvernement et les institutions "ont sombré dans le chaos".

Le jour-même de son départ du pays, les forces de sécurité ont arrêté les gardes du ministre des Finances d'alors, Rafeh al-Issawi, un influent homme politique sunnite, pour des accusations de terrorisme.

Pour la communauté sunnite, minoritaire dans le pays, il s'agissait du dernier exemple des attaques du gouvernement, dirigé par les chiites, contre leurs leaders. Et la situation n'a pas tardé à exploser.

Elle a lancé des manifestations, qui durent toujours, se plaignant, au-delà de l'affaire Issawi, d'être marginalisée ou visée par le gouvernement.

La colère sunnite a par ailleurs été un facteur clé dans l'escalade des violences de cette année, stimulant le recrutement chez les groupes insurgés.

Les violences du premier trimestre de 2013 étaient déjà supérieures à celles des mois précédents. Mais elles ont redoublé à partir de la fin avril après qu'un assaut des forces de sécurité contre des manifestants sunnites dans le nord du pays a dégénéré en heurts meurtriers.

Et les bilans ont renoué avec des niveaux de 2008, lorsque le pays sortait tout juste d'une guerre confessionnelle.

Exacerbées par ailleurs par la guerre civile dans la Syrie voisine, ces violences ont fait plus de 6.550 morts, selon un bilan de l'AFP.

Le gouvernement y a principalement répondu avec la force, en ignorant les causes profondes.

Selon Issam al-Faili, un professeur de sciences politiques à l'université Mustansiriyah de Bagdad, M. Talabani aurait pu limiter les dégâts s'il avait été dans le pays.

"Talabani était la soupape de sécurité, parce qu'il se trouvait au-dessus de toutes les divisions confessionnelles et ethniques", indique-t-il.

"Il était capable d'avoir (...) des initiatives politiques qui auraient pu rendre cette année moins douloureuse", selon lui.

Sur le plan constitutionnel, l'absence de M. Talabani a laissé un Irak sans président, la loi fondamentale étant floue sur les dispositions quant à un éventuel remplacement.

Le Constitution stipule que "le vice-président devrait remplacer le président en cas d'absence" mais aussi que si la présidence devient "vacante", un nouveau président doit être élu dans les trente jours. Or elle n'établit pas de liens entre les deux scénarios.

Pour M. Shammari, il manque par ailleurs une volonté politique pour résoudre le problème d'une éventuelle succession, les alliances politiques étant notamment "fragiles". "Talabani restera à son poste (...) jusqu'à la fin de son mandat en 2014", prédit-il ainsi.

Le bureau du président a cependant régulièrement publié des communiqués assurant que sa santé s'améliorait, dont un ce mois-ci accompagné de photos de lui et de son épouse. Mais il n'a toujours rien dit sur un éventuel retour au pays, ou s'il était en mesure d'assurer ses fonctions.

"En tous les cas, c'est très difficile actuellement de trouver un remplaçant à Talabani qui ait le même charisme que lui", estime M. Shammari.

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