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A Badalona, l'idée d'une Catalogne indépendante inquiète aussi

A Badalona, l'idée d'une Catalogne indépendante inquiète aussi

"Quand je vois ça, les bras m'en tombent", lâche Enrique Sanchez, en désignant un drapeau indépendantiste qui flotte dans une rue de Badalona: dans cette ville de la banlieue de Barcelone, l'idée d'un Etat catalan suscite aussi des inquiétudes.

"Je suis né ici, dans cette rue. Juste à côté il y avait un terrain vague où je jouais au football", se souvient Enrique, âgé de 84 ans, au visage tanné et couvert de rides. "Je suis catalan parce que je suis né ici, mais je me sens espagnol", assure cet homme, dont les parents, un couple modeste de Murcie (sud-est), sont venus s'installer en Catalogne au début du siècle dernier.

Comme lui, une partie des 220.000 habitants de Badalona se méfie du projet d'Artur Mas, le président nationaliste de la région, d'organiser un référendum sur l'indépendance le 9 novembre 2014.

Difficile de savoir si cette consultation aura lieu ou pas, car à Madrid, le gouvernement espagnol la considère inconstitutionnelle et devrait tout faire pour l'empêcher.

"Si finalement elle a lieu, moi je ne voterai ni pour ni contre. Actuellement j'ai d'autres soucis plus importants", soupire Rafael Lorenzo, 36 ans, au chômage depuis plusieurs mois.

"Penser à la Catalogne comme pays indépendant... Je ne me l'imagine pas. Je me sens catalane mais aussi espagnole et je ne veux pas cesser de l'être", confie Marta Fernandez, étudiante de 19 ans. "Ma famille est d'Andalousie (sud de l'Espagne, ndlr) et je ne veux pas qu'ils soient d'un autre pays (que le mien)", s'exclame-t-elle.

Située sur la côte méditerranéenne, à une dizaine de kilomètres au nord de Barcelone, Badalona est la troisième ville la plus peuplée de Catalogne, et l'une des rares gouvernées par le Parti populaire (droite), le parti au pouvoir au sein du gouvernement central et totalement opposé au référendum.

Et si elle est la ville natale de Pompeu Fabra (1868-1948), père de la grammaire catalane moderne, à Badalona on parle majoritairement l'espagnol.

Cité-dortoir, elle abrite beaucoup d'Espagnols venus d'autres régions pour chercher du travail en Catalogne, qui a longtemps été le moteur économique du pays avant de se retrouver confrontée à de graves problèmes financiers.

"Si nous n'avons pas d'argent même pour payer les fonctionnaires, qui ne toucheront pas leur prime de Noël, pourquoi dépenser de l'argent dans quelque chose comme un référendum?", s'indigne Vicenta Lopez, septuagénaire qui joue avec sa petite-fille sur une petite place de Badalona.

L'économie est pourtant l'un des arguments phare des indépendantistes, qui assurent que la région est victime d'une répartition injuste des richesses.

"Moi je n'ai jamais été indépendantiste, mais aujourd'hui je voterais pour", assure Eva Casals, universitaire de 23 ans.

Au marché municipal, le boucher, Manel Millan, 55 ans, est du même avis: "ils devraient nous laisser gérer notre argent et peut-être que les choses se calmeraient un peu", dit-il en découpant des filets de viande.

C'est justement le rejet, par le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, de concéder à la Catalogne une plus grande autonomie fiscale, en septembre 2012, qui a déclenché un regain de vigueur indépendantiste dans la région, amenant Artur Mas à promettre un référendum, avant d'en fixer la date la semaine dernière.

Mais les partisans du "non" commencent aussi à se faire entendre.

Le 12 octobre dernier, jour de la fête nationale, des dizaines de milliers d'entre eux ont manifesté à Barcelone, en réponse à l'immense chaîne humaine indépendantiste organisée un mois plus tôt.

Selon un sondage publié samedi par le journal régional El Periodico, 44% des Catalans voteraient pour l'indépendance et 36% contre. Mais les 20% restants n'ont pas encore décidé.

"Nous allons voir ce qui se passe. Mais si nous devenons indépendants, je sais déjà que je ne toucherai pas ma pension de retraite au cours des dix prochaines années", prédit Vicenta, avant d'ajouter: "pourvu que ça ne se passe pas comme ça".

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