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Centrafrique: le Tchad à tous les étages

Centrafrique: le Tchad à tous les étages

"Incontournable mais pas clair", résume un observateur avisé: le rôle du Tchad en Centrafrique, où les dernières violences inter-religieuses ont fait plus de 600 morts et entrainé l'intervention de l'armée française, suscite beaucoup d'interrogations.

Le Tchad est omniprésent à tous les niveaux en République centrafricaine. D'abord, avec la présence de 7 à 15.000 ressortissants à Bangui mais aussi d'innombrables Centrafricains originaires du nord du pays, et considérés par la population comme des "Tchadiens". Des "Arabes" qui sont l'un des poumons de l'économie avec leurs commerces.

Au plus haut niveau de l'Etat, avec des conseillers tchadiens affichés à la présidence qui font dire depuis de nombreuses années que la RCA est une province du Tchad et son président un "préfet de Deby".

Le président tchadien, Idriss Deby, est le "kingmaker" (faiseur de roi), selon l'expression d'un diplomate occidental. En 2003, François Bozizé avait pris le pouvoir avec le soutien des Tchadiens -et l'aval de Paris-. Dix ans plus tard, c'est aussi Deby qui a armé et soutenu la coalition rebelle Séléka lors de son offensive victorieuse de mars 2013 sur Bangui.

Sur le plan diplomatique et militaire, le Tchad, qui est en train d'émerger comme une grande puissance régionale, est aussi incontournable. Il exerce actuellement la présidence tournante de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC) et dirige l'agenda de l'Afrique centrale sur le dossier.

Deby dispose en plus de moyens de pression sur la France. Il a offert un soutien capital à l'opération Serval au Mali et la France utilise le Tchad comme plaque tournante pour ses troupes, notamment ses Mirage qui ont survolé Bangui, dans le cadre de l'opération Epervier depuis 1986. Avec 950 hommes, il s'agit de la plus grosse concentration de troupes françaises après Djibouti (2.000 hommes), et un point stratégique dans la lutte contre les groupes islamistes dans la bande sahélienne. Paris ne peut se permettre de se mettre à dos son allié.

La France fait-elle confiance à Deby? "Nous l'encourageons à rester engagé au côté de ses partenaires de la CEEAC, nous l'encourageons dans son rôle de présidence régionale favorisant la coopération entre les Etats pour régler la crise en RCA", répond le Quai d'Orsay, dans un inimitable jargon diplomatique.

Des ONG dénoncent de leur côté "le rôle trouble" du Tchad. Fabrice Tarrit, de Survie, relève "la grande responsabilité d'Idriss Deby dans la situation actuelle" en RCA.

Avec plus de 650 hommes, le contingent tchadien a longtemps été le plus important au sein de la Force africaine qui doit compter à terme 3.600 militaires. Mais, là-aussi, son rôle est particulier. "On fait comme si les Tchadiens obéissaient au commandement gabonais mais les soldats tchadiens prennent leurs ordres du Tchad avant de faire quoique ce soit. On fait semblant, sinon ça nous donne des migraines", résume un membre de la Force, sous couvert de l'anonymat.

Pendant les pillages, les soldats tchadiens ont été les seuls à tirer sur les fauteurs de trouble et ont souvent braqué leurs armes de manière menaçante sur la foule qui les insulte copieusement à chacun de leur passage, a constaté un journaliste de l'AFP.

Les soldats tchadiens, qui ont logiquement évacué leurs ressortissants pendant la crise, assurent également la sécurité de personnalités centrafricaines comme le président de la transition (et ex-chef rebelle) Michel Djotodia mais aussi des grands chefs Séléka, qui n'occupent pas forcément de postes officiels.

Selon certains soldats français, là-aussi sous couvert de l'anonymat, des soldats tchadiens ont fourni leur brassard Fomac (force militaire de la Mission africaine) à des Séléka leur permettant ainsi de conserver leurs armes et de continuer à circuler.

Ce mélange contribue à rendre un peu plus confuse une situation déjà trouble. "Les Fomac tchadien nous tuent. Ils sont avec la Seleka, pas avec la Fomac", accusent de nombreux Centrafricains, dans un pays en très grande majorité chrétien.

Dans un pays où les instrumentalisations sont légion, des textos circulent régulièrement sur ces mêmes militaires tchadiens, alimentant fantasmes et rumeurs.

"Il y a des centaines de milliers de musulmans en Centrafrique. Deby a dit qu'il ne resterait pas les bras croisés si on continue de s'en prendre à eux", rappelle un interlocuteur proche des Tchadiens.

"Rien ne se fait et ne se fera sans Deby", conclut un politicien centrafricain.

pgf/jpc/hba

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