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A Qunu, Mandela va reposer sur les terres de son enfance de liberté

A Qunu, Mandela va reposer sur les terres de son enfance de liberté

Qunu, le village du Cap Oriental où Nelson Mandela sera inhumé dimanche, détient l'âme de ce "campagnard" devenu géant politique. C'est le lieu d'une enfance en paix, d'une liberté que rien encore ne troublait, bien avant les luttes qui forgèrent sa vie.

Les avions de chasse qui répétaient leur parade aérienne, le va-et-vient des hélicoptères de l'armée et des blindés de transport de troupe, les barrages de police aux routes menant chez Mandela: Qunu a été traversé ces derniers jours par une agitation de surface, en préparation des funérailles d'Etat de dimanche.

Mais à bien des égards, dans le rythme de vie au ralenti, dans l'habitat dispersé --huttes rondes ou maisons aux couleurs vives-- à perte de vue sur les collines en pente douce baignées de lumière, peu de choses semblent avoir changé depuis l'époque -- les années 1920 -- où Mandela enfant gardait les troupeaux avec ses amis. Une époque heureuse sur laquelle il écrivit avec tendresse.

"Nous, les garçons, étions pratiquement livrés à nous-mêmes (...). La nature était notre terrain de jeu. (...) C'est de cette époque que date mon amour du veld (la prairie d'Afrique australe, ndlr), des grands espaces, de la beauté simple de la nature, de la ligne pure de l'horizon", narra-t-il dans son autobiographie.

Mandela "avait certes jeune des qualités de leader le distinguant de ses pairs, mais un garçon reste un garçon. Et il adorait jouer aux jeux de garçons", explique Bayanda Nyengule, qui dirige le Musée Mandela de Qunu, en montrant le gros bloc de roche, à quelques centaines de mètres, que Mandela enfant s'amusait avec ses amis à dévaler sur le postérieur. Une partie du musée est bâtie sur le sommet d'une colline, là même où avaient lieu les combats de bâton où il excellait.

Celui qui allait devenir l'avocat citadin, le militant, puis l'homme d'Etat planétaire, a évoqué dans son livre son déchirement quand à l'âge de 9 ans, il dut après la mort de son père quitter Qunu : "tout ce que je connaissais et aimais sans réserve, comme un enfant aime le premier lieu où il a vécu".

En prison à Robben Island, c'est "dans la campagne et les buissons" que le détenu 46664 parvenait à s'échapper en pensée.

Devenu président, Mandela fit construire une maison à Qunu, un peu en contrebas des huttes où il avait vécu enfant.

Et dès sa retraite politique, il partagea sa vie entre Johannesburg, où il restait peu, et Qunu, où il séjournait le plus possible. Il y donnait des réceptions pour les enfants à Noël, recevait des amis et quelques célébrités. Jusqu'à ce que son état de santé l'oblige à revenir à Johannesburg.

"Il avait une grande passion pour ce lieu. Il y revenait dès qu'il pouvait. Il allait voir les gens chez eux, leur demandait s'ils allaient bien, s'ils ne manquaient de rien", se souvient Nozuko Yokwana, directrice de la Commission du Musée. "C'était vraiment un garçon de la campagne, vous savez. Il n'y a qu'à voir comme il détestait les costumes".

Totalement indifférente vendredi au ballet logistique et des médias, Zidlele Nonneth, une habitante de Qunu de 72 ans, fait une pause dans sa marche lente et balaie l'horizon du bras: "l'électricité, l'école secondaire ici, le centre de soins là-bas,... nous n'avions rien de tout cela avant qu'il devienne président".

"Très triste" à la mort de Mandela, elle sent bien que cette manne pourrait se tarir avec son décès, mais salue son départ car dans la maladie "il était devenu un jouet" aux mains des autres.

"Siyakukhula (nous te laissons partir) Madiba", "Lala Ngoxolo" (repose en paix) clament les panneaux, omniprésents cette semaine sur les routes du Transkei depuis la mort du grand homme, comme un symbole de cette liberté enfin retrouvée. Celle dont il jouissait enfant courant dans le veld, se baignant dans les ruisseaux, à une époque ou les Blancs étaient, écrivit-il, "des personnages étranges" ne jouant dans sa vie qu'un "rôle lointain".

Car, résumait-il dans "Un long chemin vers la liberté", son autobiographie, "je ne suis pas né avec une faim de liberté. Je suis né libre --libre de toutes les façons que je pouvais imaginer (...) Ce n'est que lorsque j'ai appris que la liberté de mon enfance était une illusion, et que j'ai découvert, jeune homme, qu'on m'avait déjà pris ma liberté, que j'ai commencé à avoir faim d'elle".

pbl/cpb/de

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