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France: l'opposant et oligarque kazakh Abliazov face aux demandes d'extradition de Moscou et Kiev

France: l'opposant et oligarque kazakh Abliazov face aux demandes d'extradition de Moscou et Kiev

La justice française examinait jeudi la demande d'extradition vers l'Ukraine et la Russie de l'ancien banquier kazakh Moukhtar Abliazov, ennemi juré du régime autoritaire du président Noursoultan Nazarbaïev, mais présenté comme un escroc financier de haut vol par ses détracteurs.

La chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (sud) devait d'abord se saisir de la demande de Kiev, avant celle de Moscou, dans une audience prévue pour durer toute la journée. Le consul d'Ukraine à Marseille et de hauts magistrats russes assistent à l'audience.

En jeans et pullover bleu, M. Abliazov, rejoint par deux interprètes derrière le box vitré, est soupçonné de détournements de fonds de plusieurs milliards de dollars, notamment lors d'opérations en Russie et en Ukraine alors qu'il dirigeait la banque kazakh BTA de 2005 à 2009.

Aux yeux des avocats de cet homme de 50 ans écroué depuis le 31 juillet, Kiev et Moscou ne sont en réalité que les "faux nez" du Kazakhstan dans ce dossier.

L'un comme l'autre remettraient in fine leur client à cette ex-République soviétique d'Asie centrale où il serait soumis au pire traitement, affirment-ils, même si, de source judiciaire, on souligne que la convention du conseil de l'Europe de 1957 interdisant toute ré-extradition, signée par Kiev et Moscou, n'a jamais été violée. Et qu'en agissant ainsi les deux pays seraient immédiatement mis au banc de la communauté internationale.

L'Ukraine et la Russie ne présentent de surcroît "aucune garantie de respect de la Convention européenne des droits de l'Homme concernant les conditions de détention et l'exercice d'une justice équitable", selon l'avocat Bruno Rebstock.

Les conseils de M. Abliazov produisent également une lettre du président de la commission des affaires étrangères du Parlement européen à la chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, mettant en garde contre "les conséquences des extraditions vers le Kazakhstan".

De fait, M. Abliazov est considéré comme l'un des principaux opposants au président Nazarbaïev, dont il a régulièrement dénoncé les dérives autocratiques et les actes de corruption, cofondant le parti Choix démocratique en 2002, ce qui lui valut disgrâce et emprisonnement en 2003.

Cet homme d'affaires ayant fait fortune dans les années 1990, fut pourtant longtemps un proche du président, exerçant la fonction de ministre de l'Energie entre 1998 et 1999.

Les demandes de Kiev et Moscou concernent aujourd'hui avant tout son activité de patron et actionnaire ultra-majoritaire de la BTA, où il se serait livré à des détournements de fonds considérables, notamment sur leur territoire.

Il aurait ainsi "octroyé 75% des prêts à des entreprises dont il était le bénéficiaire économique caché, sans contrepartie, centrant ses investissements dans l'immobilier, par exemple dans un centre commercial à Kiev ou des terrains près de l'aéroport de Moscou", affirment les conseils de la BTA, Antonin Lévy et Chris Hardman.

"Il avait mis en place un schéma pyramidal, contractant de nouveaux emprunts pour payer les anciens, un modèle à la Bernard Madoff (l'escroc financier américain, ndlr). Quand bien même il serait un opposant politique, cela ne lui donne pas le droit de voler de l'argent", ajoutent-ils, chiffrant à 16 milliards de dollars le total du préjudice aujourd'hui, intérêts compris.

Pour ses défenseurs, M. Abliazov aurait simplement tenté de protéger ses actifs, pour ne pas les laisser aux mains du régime kazakh lors de la nationalisation de l'établissement en 2009, au moment où il a fui le pays pour le Royaume-Uni.

Londres lui a accordé l'asile politique en 2011, mais la BTA lui intente depuis une série de procès au civil. L'un d'entre eux l'a condamné en février 2012 à 22 mois de prison pour outrage à la cour, pour avoir dissimulé certains de ses actifs. C'est le moment où il disparaît, évoquant des questions de sécurité. Sur renseignement de détectives de la BTA, la France l'interpelle le 31 juillet, hélicoptère à l'appui, dans une somptueuse villa du sud du pays. Depuis, il continue d'être jugé, par défaut, en Angleterre, où il a déjà été condamné à rembourser quelque 3,7 milliards de dollars.

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