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Dead Obies: un rap salement audacieux (ENTREVUE)

Dead Obies: un rap salement audacieux (ENTREVUE)
Courtoisie

1995 a proposé l’an dernier son Paris Sud Minute. Dead Obies lancera mardi son Montréal $ud. Pur hasard. Mais il faut croire que la relève du rap grandit en périphérie des grands centres. «Sud sale, Montréal-Sud, on a toujours utilisé ça en malade parce que c’est notre identité», affirme Yes Mccan, l’un des six membres du groupe. «On vient tous de backgrounds différents, mais on s’est rencontré à Montréal. On est tous des expats de la banlieue qui viennent de familles modestes» poursuit-il avant de laisser la place à RCA. «Par définition, Montréal-Sud signifie la vieille ville de Longueuil, les racines ouvrières. Quand on a vu ça…c’était ÇA», explique-t-il à son tour.

La formation en a parcouru du chemin depuis la dernière année; des nombreux spectacles qui ont suivi le concours tempétueux des Francouvertes, il faut aussi souligner que les gars sont passés du statut de collectif à celui de groupe. Résultat: la mixture musicale de ces six personnalités crée des pièces extrêmement riches. On y reconnaît certes quelques clins d’œil à leurs inspirations rap, mais le rendu demeure unique, justement par cet éclectisme et cette diversité d’influences.

Le Sud sale, le pur Nord

Par besoin de se retrouver et de travailler dans un environnement créatif, le disque Montréal $ud n’a pas été conçu que dans la métropole. En effet, il s’est également construit pendant deux «retraites chalet», dont l’une en Abitibi. Snail Kid avouant d’emblée que le sextuor rap n’aurait pas pu arriver au même résultat sans ces deux voyages, RCA évoque en appui les distractions citadines. «Ta blonde t’attend chez vous, tu n’as pas mangé… On n’atteint pas le même professionnalisme en faisant des séances de trois heures qu’en étant ensemble 24 heures sur 24 pendant une semaine». Puis, Snail Kid renchérit: «Par contre, ce qu’il faut dire, c’est que nos chansons représentent aussi ce qui s’est passé dans nos vies, en ville, pendant un an… dans nos multiples jobs. On a vécu plein de trucs. […] Tout ça, c’est chargé émotivement sur l’album. »

Leur vrai Sud sale

Lorsqu’on demande aux gars de décrire ce qu’est leur Montréal-Sud, ils tentent d’abord de positionner quelques villes et quartiers par ordre de saleté…en vain. Tous n’étant pas d’accord sur ce palmarès ghetto incluant les Verchères, Contrecoeur, Varennes et Sainte-Julie. Yes Mccan laisse tomber les énumérations pour décrire l’essence pure de leur effort. «Nous, ce qu’on s’est dit, c’est que plus c’est sud, plus c’est sale. Et pour nous, ça reflète aussi les désirs enfouis, le mindstate du 9 à 5, le virgin suicide et le fait d’être aliéné en région. Il y a le fait d’être le seul kid isolé, d’être le seul asiatique ou le seul black en ville. Il y a un exode des jeunes et c’est pour cela que tous les centres de région meurent. L’album traite de ça».

Sud sale, langue sale…

Chose que l’on remarque rapidement en écoutant Dead Obies; l’emploi de l’anglais est omniprésent. Le franglais fait loi. Certains diront que cela leur a carrément coûté le podium des Francouvertes, mais c’est ce métissage qui rend leur musique aussi captivante. En mélangeant la langue de Shakespeare à celle de Molière, on a l’impression que RCA, Yes Mccan, Snail Kid, 20some et O.G BEAR gagnent en fluidité dans la livraison des textes. Ils prennent le meilleur de chaque langue pour que cela coule le mieux possible. Le flow diront-ils… Et ils l’ont, le flow. Et si on leur demande quels mots sortent de leur bouche lorsqu’ils se cognent le petit orteil quelque part, Snail Kid admet lâcher d’abord un gros «tabar****», suivi d’un bon «f***» bien senti.

Ont-ils l’impression d’être de mauvaises langues ou du moins, de ne pas s’en servir comme il faut en chantant en franglais? Non. Certainement pas. Ils représentent ce qu’ils considèrent comme le Québec d’aujourd’hui, avec ce mix de cultures archi présent dans la métropole. «Notre album parle d’enjeux québécois tellement actuels, de symboles religieux, d’identité culturelle, de métissage, de consumérisme nord-américain, mais ce n’est pas dit grossièrement dans les textes», relate Yes Mccan. On pourrait presque dire qu’ils sont engagés... «Au Québec, j’ai l’impression qu’on est obsédé par l’expression ‘’musique engagée’’. Vous faites du rap? Est-ce que c’est engagé? First, tous les êtres humains sont engagés dans quelque chose. Deux, est-ce que c’est de la bonne musique ?», lance-t-il à ce sujet. «La musique peut être mauvaise, mais si le message est engagé et positif, c’est comme si soudainement ça devenait bon», poursuit-il.

Engagés ou pas, Dead Obies a tout donné sur Montréal $ud. Textes lourds, ambiances angoissantes réussies, on ponctue également les pièces de quelques échantillonnages. De la Française insultante, à la voix de Félix Leclerc, au gamin qui joue les durs, les six rappeurs ont su ratisser large pour en arriver à ce résultat créatif et hyper audacieux pour un premier disque.

Le lancement de Montréal $ud aura lieu au Cabaret du Mile End mercredi, 13 novembre à compter de 21h.

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