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Jocelyn Dupuis donnait des coups de main à divers mafieux

Jocelyn Dupuis donnait des coups de main à divers mafieux
CEIC

Jocelyn Dupuis reconnaît avoir fait des démarches en 2008 auprès de diverses personnes du Fonds de solidarité FTQ au profit du frère d'Antonio Pietrantonio, un individu relié au crime organisé. Il admet aussi, après quelques problèmes de mémoire, avoir aidé un entrepreneur sur un chantier à la demande de Tony Volpato, lui aussi relié à la mafia.

Interrogé par le procureur en chef adjoint de la commission Me Denis Gallant, l'ex-directeur général de la FTQ-Construction convient qu'il savait que M. Pietrantonio, connu sous le nom de Tony Suzuki, avait été condamné par le passé pour ses activités mafieuses.

Il soutient cependant qu'il n'y avait rien d'illégal dans ce dossier, qui concernait le domaine pharmaceutique.

M. Dupuis estime que ce n'est pas à lui de toute façon de se préoccuper si derrière une compagnie se trouve des Hells Angels ou des mafieux : « Pour moi, si la compagnie est vraiment légale et investit dans la société, je pense que c'est ce qui est important et le reste ne me concerne pas ». Il précise cependant qu'il n'accepterait pas qu'il y ait du blanchiment d'argent.

« Mon ami était Johnny Bertolo, Tony Suzuki était un de ses amis, et il m'a demandé de cheminer le dossier et je l'ai fait. »

— Jocelyn Dupuis

Les comptes de dépenses de M. Dupuis présentés à la commission démontrent par ailleurs que les deux hommes ont mangé ensemble. M. Dupuis a aussi reconnu que l'entrepreneur Joe Borsellino de Garnier, qu'il fréquentait, connaissait M. Suzuki.

Le procureur Gallant s'étonne que M. Dupuis accepte de faire la promotion de dossiers qui n'ont rien à voir avec la FTQ-Construction, mais M. Dupuis estime que c'était dans ses tâches:

« Peu importe le domaine des investissements qui seraient potables pour le Fonds, on apportait les dossiers et on leur demandait de cheminer et de faire les études. C'est ça que j'ai fait avec le frère de Tony, et Tony à l'intérieur de ça. C'est ça que j'ai fait [...] c'est normal qu'on le fasse pour s'assurer qu'il y a du rendement au Fonds. Pas juste dans l'industrie de la construction » a-t-il plaidé.

Dupuis a aidé « un ami » de Volpato

M. Dupuis a aussi admis ce matin connaître Tony Volpato, un autre individu relié à la mafia qui vend de la céramique au détail. L'ex-directeur général de la FTQ-Construction avait pourtant soutenu hier que ce nom ne lui disait rien.

Dans un extrait d'écoute électronique du 1er juillet 2008 entendu à la commission, M. Volpato lui demande s'il peut aider un ami, qu'il présente comme un « gros contracteur ».

M. Dupuis a soutenu dans un premier temps n'avoir aucun souvenir du sujet de cette conversation, ou encore qu'ils se seraient rencontrés par la suite au restaurant Cavalli, comme l'indique une seconde écoute.

« Je voulais juste parler d'une petite affaire (...) un de mes amis a besoin d'aide sur quelque chose. »

— Tony Volpato s'adressant à M. Dupuis

Une autre écoute, datée du 8 juillet, dans laquelle M. Volpato lui donne rendez-vous sur un chantier avec l'entrepreneur, un certain Peter, le laisse tout aussi de glace.

« Je ne m'en souviens pas, et si je m'en souvenais je le dirais », affirme Jocelyn Dupuis, qui soutient que son oubli n'a rien à voir avec la peur qu'il pourrait avoir de certains individus.

La mémoire lui reviendra cependant après la pause du midi, après que le procureur lui a demandé s'il n'était pas là question d'un entrepreneur qui avait des problèmes sur le chantier de son hôtel en construction à Montréal.

M. Dupuis admet alors être intervenu pour régler des problèmes que cet ami de M. Volpato avait avec ses travailleurs. Il a précisé qu'il ne s'agissait pas de membres de la FTQ-Construction, mais qu'il était normal de faire de « l'entraide syndicale ».

Il dément s'être fait offrir 150 000 $ pour régler les problèmes de productivité sur le chantier, comme le laisse entendre Me Gallant.

« Les vendeurs de céramique, ce n'est pas dans votre mandat? À la FTQ-Construction, on peut intéresser autant les employeurs que les fournisseurs. Mais ce n'est pas un employeur de vos membres? Vraiment pas. »

— Échange entre Me Gallant et Jocelyn Dupuis

Johnny Bertolo, porte d'entrée dans la mafia

Tant MM. Volpato que Desjardins et Suzuki lui ont été présentés par le défunt mafieux et syndicaliste Johnny Bertolo, frère de Joe Bertolo, avec qui il était impliqué dans Carboneutre, a souligné le procureur en chef adjoint Denis Gallant, ce dont M. Dupuis convient.

Il précise cependant que ce n'est qu'avec M. Desjardins qu'il a développé des liens d'amitié.

M. Dupuis a par ailleurs reconnu avoir déjà rencontré une fois le parrain présumé de la mafia, Vito Rizzuto, au Centre Bell (vers 2004-2005). Il admet aussi avoir rencontré ses fils Léonard et Nicolo au restaurant Cavalli « à quelques reprises » Ce dernier a depuis été assassiné.

M. Dupuis ne peut cependant dire qui les lui a présentés, mais admet que ce pourrait bien être par Johnny Bertolo.

« Votre porte d'entrée de vos connaissances dans le crime organisé italien, c'est Johnny Bertolo? On s'entend là-dessus? », lui propose M. Gallant. « Oui. Johnny Bertolo. Il était un permanent syndical. Il ne m'a vraiment pas caché d'où est-ce que c'est qui venait, qui est-ce qui connaissait et ainsi de suite. Vraiment pas », répond M. Dupuis.

« Est-ce que c'est une coïncidence, ou monsieur Bertolo vous présente juste des bandits? »

— Me Denis Gallant

M. Dupuis reconnaît aussi qu'il connaissait Francesco Bruno, de BT Céramique, mais ignorait qu'il était dans l'entourage de Vito Rizzuto.

Le nom de M. Bruno a déjà été soulevé devant la commission Charbonneau. L'entrepreneur Martin Carrier, de la compagnie Céramiques Lindo, est venu raconter comment la mafia l'a harcelé sans relâche après qu'il eut décroché un contrat que convoitait M. Bruno.

M. Dupuis admet enfin avoir été souvent manger au restaurant La Cantina, associé au clan mafieux Rizzuto. Il ne se souvient pas cependant y avoir rencontré les Rizzuto, mais sinon, peut-être quelques fois, Raynald Desjardins et Tony Suzuki.

Il dit par ailleurs avoir été y manger avec des membres de l'exécutif de la FTQ-Construction et des entrepreneurs.

M. Dupuis soutient que jamais un dirigeant du Fonds ou de la FTQ-Construction ne lui a dit que certaines de ses fréquentations risquaient de nuire à leur image, que ce soit Michel Arsenault, Henri Massé ou Jean Lavallée.

« Moi, je pense qu'ils étaient au courant des personnes que je rencontrais. »

— Jocelyn Dupuis

M. Dupuis a cependant dû admettre que Michel Arsenault n'était pas au courant de ses liens avec Raynaald Desjardins en février 2009, comme en fait foi une conversation qu'il a eue avec Rénald Grondin de l'Association des manoeuvres inter-provinciaux, et qui a été diffusée par la commission.

La commission a aussi produit une série de cartes d'affaires saisies par la police chez M. Dupuis lors d'une perquisition en 2009. On y apprend notamment que Raynald Desjardins était le patron de Summum entrepreneur général et de Desj & Co, deux entreprises dont il dit tout ignorer.

Summum, officiellement enregistrée sus le nom de Joe Bertolo, lui a pourtant offert une porte d'acier pour accéder à son garage, comme le démontre une facture.

S'y trouvait aussi une carte d'affaires de l'ex-ministre libéral Tony Tomassi, un individu qu'il soutient n'avoir croisé qu'une fois à Québec, lors d'une commission parlementaire. Il n'avait pas été question de Carboneutre à cette occasion, a-t-il dit.

Il reconnaît cependant que le patron officiel de Carboneutre, Domenico Arcuri, entreprise où il occupait en 2008-2010 le poste de DG, « essayait d'utiliser le domaine politique » pour obtenir un certificat d'autorisation. D'autres témoins ont déjà évoqué que Tony Tomassi avait fait des démarches à ce sujet.

Des factures parlantes...

Les factures somptuaires de Jocelyn Dupuis de 2007-2008 présentée aujourd'hui à la commission, dont la divulgation au sein de la FTQ-Construction par l'ex-syndicaliste Ken Pereira y a entraîné sa chute, révèlent aussi bien d'autres choses.

M. Dupuis invitait ainsi fréquemment au restaurant des entrepreneurs, dont certains de ses amis au passé criminel, et les réglait au frais de la FTQ-Construction.

« Moi j'étais très à l'aise de payer la facture pour des entrepreneurs. »

— Jocelyn Dupuis

Les noms de ses invités sont connus, puisqu'ils sont inscrits à l'endos des factures. On y retrouve notamment les noms de Joe Bertolo, Raynald Desjardins, Ronald Beaulieu, Eugène Arsenault de Ganotec, Louis-Pierre Lafortune de Grues Guay et Martin Benoit du groupe Benoit.

M. Dupuis a notamment reconnu avoir aidé ce dernier, à la demande de Rénald Grondin, à obtenir un appui du Fonds. M. Benoît aurait récompensés les deux hommes en posant de la brique chez eux.

Il soutient aussi que les rencontres avec MM. Bertolo et Desjardins pouvaient être liées à Carboneutre, pour lequel M. Dupuis tentait d'obtenir du financement du Fonds; celles avec M. Beaulieu pouvaient tout aussi concerner le Fonds.

Une facture démontre par ailleurs qu'il aurait mangé, en janvier 2008, avec Ronnie Beaulieu et Gilles Cloutier, possiblement cet organisateur politique, spécialiste des élections clés en main, venu longuement témoigner devant la commission au printemps.

M. Dupuis a aussi eu des repas avec l'entrepreneur Joe Borsellino de Garnier Construction, dont un en compagnie de l'entrepreneur Normand Trudel. Ce dernier est alors un partenaire de la compagnie Écolosol avec M. Accurso, qui œuvre dans le même domaine que Carboneutre.

M. Dupuis a admis lors de ce segment de l'interrogatoire que des noms figurant sur les factures pouvaient être ceux de gens qui n'avaient pas vraiment mangé avec lui. Il a aussi allégué que deux personnes inscrites sur une facture pouvaient en fait avoir mangé à deux tables différentes dans le même restaurant. Certaines rencontres au restaurant, dit-il, étaient purement fortuites.

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