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Une porte de sortie pour Harper?

Une porte de sortie pour Harper?

BLOGUE DE DENIS FERLAND - Le Sénat est-il en train de devenir un enjeu populiste dont pourrait se servir Stephen Harper pour reprendre la main à Ottawa? À première vue, les chiffres des derniers sondages ne sont pas très encourageants pour le premier ministre. Deux Canadiens sur trois ne croient pas à son ignorance en ce qui concerne les gestes de son chef de cabinet Nigel Wright. Même proportion pour ceux qui estiment qu'il n'a pas bien géré l'affaire Wright/Duffy.

Pire, du moins à première vue, de 60 % (Ipsos) à 90 % (Ekos) des répondants disent suivre les développements de l'affaire avec une certaine ou une grande attention. S'ensuit une série de données, dont certaines régionales, qui ne comportent que très peu de bonnes nouvelles pour M. Harper : les gens font plus confiance au sénateur délinquant Duffy qu'à lui sur ce qui s'est réellement passé, le scandale est plus sérieux que celui des commandites, etc.

Depuis le tout début de cette controverse, on remarque une autre constante dans les sondages : l'intérêt renouvelé et sans cesse grandissant pour l'abolition du Sénat, en raison des turpitudes de certains de ses membres. La proportion de Canadiens qui y sont favorables s'accroît plutôt lentement, mais est quand même en hausse, après des années de stabilité ou de simple apathie face à la question. N'oublions pas que le gouvernement Harper, dans un renvoi à la Cour suprême qui sera entendu dans deux semaines, pose au sujet de cette abolition la question sur la recette constitutionnelle (à suivre).

Et c'est un scénario qui est parfois évoqué dans la capitale fédérale ainsi que par certains commentateurs. Si la dynamique proabolition prenait un certain élan, M. Harper serait-il tenté de la récupérer et de laisser tomber son projet de réforme pour reprendre l'initiative? D'en faire l'enjeu de la prochaine élection, d'un référendum pancanadien? Avant ou en même temps que l'élection? Hypothèse farfelue? Disons possible, mais loin d'être évidente.

Les conservateurs sont passés maîtres dans l'art de mener des campagnes sur des enjeux qui touchent le quotidien et le porte-monnaie des Canadiens. Les libéraux, avec de grands projets comme le Tournant vert de Stéphane Dion en 2008 ou la campagne Michael Ignatieff en 2011 sur le mépris des institutions et de la démocratie du gouvernement Harper, ne les ont pas empêchés de progresser. Or, c'est là que les sondages comportent une nouvelle en apparence préoccupante, mais potentiellement récupérable pour Stephen Harper. La crise entourant le Sénat, avec l'intérêt qu'elle suscite, comme je le mentionnais plus haut, et la tournure croustillante qu'elle prend, est peut-être en train de devenir une question dont on parle pendant la pause au boulot ou autour de la table de cuisine.

M. Harper risque fort de se faire dire par la Cour suprême que l'abolition du Sénat requiert l'appui unanime des provinces, si on se fie du moins au tout récent jugement de la Cour d'appel du Québec. Ainsi, s'il voulait prendre cette direction, il pourrait forcer la main des provinces réticentes en s'adressant directement à l'électorat. Pas certain que le gouvernement du Québec, peu importe sa couleur, apprécie beaucoup d'être contourné par le fédéral sur une question aussi sensible.

Il y a cependant un hic, ou même deux. Le premier est qu'il serait difficile de justifier un tel changement de priorité de la part du gouvernement, qui dit placer l'économie et la création d'emploi au sommet de l'ordre du jour. Mais bon, on pourra toujours dire qu'on peut marcher et mâcher de la gomme en même temps.

Le deuxième est plus problématique. Il faut supposer que le navire conservateur, qui prend déjà l'eau, et son commandant ne recevront pas d'autres torpilles de sous-marins qui se cachent dans les eaux troubles dans lesquelles ils naviguent. Un Mike Duffy suspendu sans salaire, même s'il perd son immunité parlementaire, pourrait toujours passer à l'action dans des limites définies par son avocat. On chuchote que dans ses « j'en ai d'autres », en parlant des lapins dans son chapeau, il n'y a pas que des faits « intéressants » sur l'affaire Wright/Duffy récente, mais aussi sur son utilisation par le Parti conservateur lors des événements de financement ces quatre dernières années.

Duffy et Wright pourraient aussi faire des révélations fort dérangeantes s'ils ont à se défendre d'accusations criminelles. Et c'est loin d'être exclu. Il y a d'autres enquêtes de la GRC. Et le vérificateur général est aussi dans le paysage.

Et là, on ne parle que du Sénat. Les enquêtes du Commissaire aux élections sur les fameux appels automatisés, dont le Parti conservateur serait l'auteur, devraient être complétées au printemps. En plus, le procès du travailleur d'élection conservateur Michael Sona va arriver un jour. Élection Canada a Dean Del Mastro, ancien secrétaire parlementaire et chien d'attaque du premier ministre, dans sa ligne de mire pour des dépenses illégales. Vous pouvez ajouter à cela le cas du ministre démissionnaire Peter Penashue, qui est l'objet d'une enquête pour des raisons semblables et désavoué en partielles malgré l'appui inconditionnel de M. Harper.

Bref, avant de penser sérieusement au scénario abolition/référendum, M. Harper a une pente à remonter pour ce qui est de la perception de son travail. Et il doit espérer qu'aucune autre tuile ne lui tombe sur la tête, ce qui est quand même loin d'être évident.

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