Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Shutdown: le monde peut maintenant se moquer des États-Unis

Le monde peut désormais rire des États-Unis
Reuters

"Lorsque ce moment d'absurdité politique sera derrière nous", déclarait devant la presse le secrétaire d'État John Kerry le 5 octobre dernier, "nous retrouverons un modèle que le monde entier nous enviera et auquel il voudra prendre part".

Si vous le dites, monsieur le ministre. Les hommes et femmes politiques, ainsi que les experts de la capitale américaine semblent sous-estimer les difficultés à venir pour corriger les dommages causés à la réputation des États-Unis par le "shutdown" , la fermeture temporaire du gouvernement fédéral qui a pris fin cette nuit.

Le monde rit au nez de l'Amérique. Cela n'avait pas été aussi facile de se moquer de la nation la plus puissante de la planète, depuis la débâcle des "bulletins fantômes" en Floride, lors des élections présidentielles de 2000, quand Fidel Castro et Robert Mugabe avaient proposé d'envoyer de l'aide.

En effet, les États-Unis. Le pays le plus riche de la planète. La nation la plus fière au monde. L'unique super-puissance mondiale. Mais qui ne dispose pas d'un gouvernement en état de marche. Par choix.

Sur le court terme, il pourrait y avoir quelques aspects positifs selon John Kerry. Le diplomate numéro 1 du pays, a essayé de contenir l'anti-américanisme montant, provoqué par "la guerre des drones" au Pakistan lancée par le gouvernement Obama, la fermeture encore inachevée de la prison de Guatanamo Bay et le scandale de la NSA.

Le monde est trop occupé à se moquer pour détester l'Amérique

Mais il est plutôt difficile de craindre ou de haïr un pays qui n'arrive même pas à conserver un gouvernement en état de marche. La vérité, c'est que le reste du monde ne peut pas détester les États-Unis car il est trop occupé à en rire. (Mon tweet favori pendant la crise? Le comédien britannique Tiernan Douieb se moquait: "Pssst ! La terre ! Pendant le "shutdown" des États-Unis, si on allait tous se cacher? Comme ça, quand ils reviendront, ils ne sauront pas où l'on est! Hi hi!")

Mais, il n'y a pas que les Britanniques, comme moi, qui se demandaient ce qui se passait en traversant la ville de Washington, anormalement calme – ou qui se demandent ce qui s'est passé sur le nouveau continent depuis que nos cousins américains nous ont mis à la porte en 1775. Le 9 octobre dernier, le présentateur de talk show, David Letterman, le mentionnait: "Nous en sommes au neuvième jour de la fermeture du gouvernement. Avez-vous le même sentiment que moi? Est-ce que vous commencez à vous dire que l'époque où nous étions gouvernés par un roi anglais fou n'était pas si mal que ça?"

Toutes les visites guidées du Capitol Hill ont été annulées depuis la fermeture du gouvernement en ce début du mois d'octobre. Les employés fédéraux commencent aussi à voir les bons côtés. "Tu veux qu'on aille boire un café pendant que tu es là?", m'a demandé une amie qui travaille au Secrétariat d'État, un grand sourire aux lèvres. "J'ai beaucoup de temps libre en ce moment."

Toute blague mise à part, bien évidemment, ce n'est pas drôle! Bon, c'est vrai, un peu, mais ça ne devrait pas l'être. La Belgique (qui a une population de 11 millions d'habitants) a survécu sans gouvernement élu pendant 589 jours entre 2010 et 2011 et le reste de l'Europe en a beaucoup ri. Mais les fonctionnaires belges ont continué à être payés et les services publics ont continué à fonctionner pendant ces 19 mois.

Chez les puissants américains, en revanche, où 800.000 personnes ont été renvoyées chez elles sans être payées, les malades du cancer n'ont pas pu se rendre dans les cliniques et tous les contrôles sanitaires ont été suspendus. Les États-Unis fonctionnent plutôt comme une république bananière, et non fédérale.

Les répercutions économiques de cette fermeture spontanée menacent le reste du monde, comme l'a rappelé le Premier ministre britannique, David Cameron, allié et ami proche du Président Barack Obama : "L'économie mondiale pourrait être en jeu si les États-Unis ne trouvaient pas de solution."

L'absurdité est loin de rester sans suite

Le véritable problème est le suivant : les hommes politiques, et c'est le cas de John Kerry, veulent "dépasser ce moment d'absurdité politique" mais il y en a beaucoup à venir. Cette crise, "l'absurdité", était loin de rester sans suite. Jeudi, l'Amérique a failli être dans l'impossibilité de subvenir à sa dette extérieure. J'ai rencontré par hasard Barbara Mikulski, une démocrate de longue date du Maryland, dans un couloir du Capitole.

"Les Etats-Unis n'ont pas un système parlementaire [comme en Grande-Bretagne]", explique-t-elle. À son avis, en tant que présidente du comité du Sénat en charge d'attribuer le budget, le système politique américain n'est pas hors service. Elle refuse de parler "d'âge d'or" pour décrire le passé, affirmant que l'impasse gouvernementale actuelle n'est pas différente des précédentes: le budget, les droits civiques et le reste.

La sénatrice Barbara Mikulski refuse de croire en cette gloire de la politique américaine. Elle devrait peut-être discuter avec Norman Ornstein et James Mann. En 2012, ces deux spécialistes du Congrès, installés à Washington DC depuis plus de quarante ans, ont coécrit un ouvrage intitulé C’est toujours pire que ça en a l’air, dans lequel ils qualifient le parti républicain moderne d’aberration, dont les représentants élus "à l'idéologie extrême" sont devenus "plus fidèles à leur parti qu'à leur pays".

Conséquences? Un système politique qui est, selon eux, "grièvement entravé à une époque où le pays doit faire face à de nombreux problèmes inhabituels et de graves menaces... Le pays gâche son futur économique et se met en danger à cause de son incapacité à gouverner de manière efficace."

Madame Mikulski et ses collègues, ainsi que John Kerry, devraient tous ressortir l'ouvrage de l'historien Arnold Toynbee ainsi que de celui d'Ornstein et Mann. "Les civilisations", a écrit le premier, "se suicident, elles ne sont jamais assassinées". Le Congrès, semble-t-il, veut donner raison à Arnold Toynbee.

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.

INOLTRE SU HUFFPOST

John Boehner, patron des représentants républicains

Les protagonistes du shutdown

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.