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L'écrivain Simon Boulerice: aux portes d'un grand succès populaire (ENTREVUE)

L'écrivain Simon Boulerice: aux portes d'un grand succès populaire (ENTREVUE)
Marie-Michèle Dion Bouchard.

Hyperactif de l’écriture, Simon Boulerice publie cet automne trois nouveautés jeunesse : un livre illustré, Un verger dans le ventre (Courte échelle), ainsi que deux romans pour ados, Jeanne Moreau a le sourire à l’envers (Leméac) et M’as-tu vu (Les Malins), qui pourrait enfin valoir à l’écrivain de 31 ans la renommée qu’il mérite.

Entre la fin de son programme en interprétation au Cégep Lionel-Groulx en 2007 et l’été 2013, Simon Boulerice a publié plus d’une douzaine de romans (Les Jérémiades, Javotte, Les monstres en dessous), de pièces de théâtre (Danser à capella, Les Mains dans la gravelle) et de recueils de poésie (Saigner des dents, La sueur des airs climatisés), en plus de jouer une multitude de personnages dans ses pièces et celles des autres.

Même si son nom apparaîtra probablement d’ici quelques années à côté du mot «prolifique» dans le dictionnaire, Boulerice affirme que l’écriture aurait pris une place bien moins importante dans sa vie, si sa carrière d’acteur avait été plus imposante. Six ans après avoir obtenu son diplôme en théâtre, il précise toutefois que l’écriture est devenue nécessaire à sa vie. «J’ai besoin que les histoires sortent de ma tête et j’ai un désir de reconnaissance et d’amour, dit-il sans détour. Puisque je croyais passer inaperçu à l’école, je trouve ça grisant d’obtenir de l’attention pour mon travail aujourd’hui. Je ne veux pas qu’on m’oublie. On me dit parfois que je vais me brûler en écrivant autant, mais j’ai beaucoup d’énergie et je n’ai pas l’impression de me répéter. Pour moi, l’écriture, c’est quelque chose de simple et de sain.»

Jeanne Moreau a le sourire à l’envers

Première des trois sorties automnales de Boulerice, Jeanne Moreau a le sourire à l’envers raconte le drame de Léon, un jeune adolescent qui a des allures de «machine à neige artificielle», tant les pellicules s’accumulent en quantité dans sa tignasse. Vivant la chose comme un véritable drame, Léon tentera de se changer les idées avec sa correspondante Léonie, qui vit à Lévis, son meilleur ami Carl, qui est le sosie d’un acteur musclé de Twilight, et son frère Antoine, qui est amateur des films de la Nouvelle Vague.

À 15 ans, Léon se décrit lui-même comme un être banal, à l’image de tous les antihéros en quête de grandiose qui peuplent l’imaginaire de l’auteur. «Mes personnages ne savent pas que l’extraordinaire est à portée de main, parce qu’ils se croient d’une criante banalité, résume Simon Boulerice. Récemment, on m’a aussi fait remarquer que lorsque j’écris pour les lecteurs de 8-12 ans, mes personnages masculins sont fragiles et que les filles ont plus de répartie. Les garçons vulnérables viennent clairement de moi. Et je trouve ça beau des filles qui prennent leur place.»

L’écrivain ajoute qu’il apprécie spécialement les personnages aux multiples contradictions. «Léon incarne bien ça, avec son admiration binaire pour son meilleur ami, un exemple de modernité, et son frère qui est un peu décalé dans ses goûts. Je me rappelle d’ailleurs que lorsque j’étais à l’école de théâtre, j’avais beaucoup moins de plaisir à jouer des personnages linéaires. À un moment donné, ma professeure, Catherine Bégin, m’avait fait jouer Achille. Elle voulait que je rentre sur scène fâché et que je sorte fâché, avec la veine qui pulse dans le cou. J’aurais de loin préféré le jouer avec plein de nuances…»

Masturbation et anorexie

Fier partisan de la spontanéité et de l’absence de censure, Simon Boulerice n’a pas hésité à parler de la vie sexuelle des parents d’un personnage, de masturbation écologique et de l’anorexie masculine dans son roman jeunesse. «Dans ma tête, c’est naturel d’aborder ces sujets. Au secondaire, j’ai moi-même vécu de brefs problèmes alimentaires. J’éprouvais une fierté de peser 115 livres entre 10 et 17 ans. Je déjeunais, je dinais très peu, je soupais, j’allais vomir et j’étais heureux de dormir en ayant mal au ventre. En troisième secondaire, lorsque j’ai partagé mon problème à ma meilleure amie, une fille tout à fait brillante, elle m’a dit que ça ne se pouvait pas que je sois anorexique, parce que j’étais un garçon… Et l’année dernière, à l’émission Les Docteurs, j’ai entendu un médecin parler d’anorexie uniquement du point de vue féminin. Ça m’avait choqué. J’imaginais un garçon écouter ça et se dire que sa maladie ne se peut pas… J’ai donc voulu écrire sur le sujet.»

Pendant le mois d’octobre, Simon Boulerice sera en pleine tournée de la pièce Les Mains dans la gravelle, lorsque sortira Un verger dans le ventre, un livre illustré par Gérard Dubois, et le premier tome de la trilogie M’as-tu vu, une idée qui lui est venue dans un salon du livre. «Quand je regardais le kiosque des éditions Les Malins, je voyais une longue file de jeunes qui venaient faire signer une copie de La vie compliquée de Léa Olivier. Une amie qui travaille pour la maison d’édition me faisait remarquer que je pourrais obtenir le même succès et m’a proposé de leur suggérer une idée de série.»

M’as-tu vu?

C’est ainsi qu’est né le projet construit autour de Cybelle, une étudiante d’une des écoles secondaires retenues pour une téléréalité où le but est d’élire la meilleure école et l’élève le plus cool. Méprisant sans répit la greluche qui a eu l’idée d’inscrire son école et qui ne recule devant rien pour obtenir l’attention des caméras, Cybelle fera tout pour les éviter. La direction l’aide indirectement dans le processus en reléguant son «physique peu avantageux» au fond de la classe, là où elle se fera ses premiers amis sincères et où elle pourra observer le comportement des professeurs et des étudiants qui rêvent à leurs 15 minutes de gloire.

«J’avais envie d’écrire sur la soif de reconnaissance des gens et celles des ados en particulier. Quand j’ai créé le personnage de Cybelle, je me suis souvenu d’un détail quand je regardais La Fureur dans le temps. J’avais remarqué qu’on voyait seulement du beau monde derrière les vedettes. J’avais aussi lu une lettre dans le Journal de Montréal où un homme racontait avoir été placé dans le fond du studio avec son fils parce qu’ils n’étaient pas télégéniques. Je trouvais ça intéressant d’imaginer la directrice d’une école refaire la configuration des classes pour des prétextes esthétiques, avec l’arrivée de la télé. Il y avait beaucoup de matière là-dedans.»

Simon Boulerice ne s’en cache pas, il espère un grand succès pour la série. «Je veux rejoindre plus de gens, j’ai envie d’être lu et j’aimerais faire plus d’argent. Si je n’étais pas comédien et si je n’écrivais pas de théâtre, je ne pourrais pas vivre de mes romans. Quand j’ai deux ou trois pièces qui roulent en même temps, les sous rentrent. Mais pour les romans, je fais seulement 10 % des recettes. Et les livres ne se vendent pas au Québec.»

En plus de plancher sur le deuxième tome de M’as-tu vu prévu pour la fin de l’hiver et sur le troisième prévu à l’automne 2014, Simon Boulerice tient une chronique radio à l’émission Plus on est de fous, plus on lit, à ICI Première.

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