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Sables bitumineux : Ottawa cherche à contredire l'Union européenne

Sables bitumineux : Ottawa cherche à contredire l'Union européenne

Le gouvernement Harper tente de se procurer de nouvelles munitions contre la directive européenne sur les carburants, défavorable aux sables bitumineux, en s'en prenant à la crédibilité de l'étude qui la sous-tend. Mais cette remise en question de la validité scientifique de la recherche européenne en fait sourciller quelques-uns.

Ressources naturelles Canada a mis en ligne un appel d'offres afin de trouver une entreprise qui réalisera une nouvelle étude sur la pollution émise par le pétrole brut, catégorisé comme moins polluant par la directive européenne.

« La directive sur la qualité des carburants, telle que rédigée actuellement, n'est pas basée sur la science [...] », a affirmé à La Presse Canadienne le ministre des Ressources naturelles Joe Oliver, par courriel.

Calcul de la « valeur d'intensité »

L'Europe a accordé une « valeur d'intensité » en gaz à effet de serre (GES) au pétrole issu des sables bitumineux de 22 % supérieure à celle des bruts ordinaires.

Par ricochet, cela rend le pétrole albertain moins attrayant sur le marché européen, puisque catégorisé comme plus polluant. La situation a provoqué la colère d'Ottawa, qui fait des pieds et des mains pour que l'Europe abandonne cette directive.

Cet appel d'offres semble donc s'inscrire dans la contre-attaque du gouvernement conservateur.

Le soumissionnaire devra notamment passer en revue l'étude du consortium européen JEC, formé du Centre commun de recherche de la Commission européenne (JRC), et de chercheurs sur l'industrie automobile et pétrolière.

Il devra déterminer si ses données et sa méthodologie sont « assez robustes ». Dans le cas contraire, il devra suggérer une valeur d'intensité « plus exacte ».

Réactions des environnementalistes

Cette remise en question n'a toutefois aucun sens pour les environnementalistes européens.

« La proposition mise de l'avant par la Commission européenne est très scientifique, à notre avis. Elle est technologiquement neutre et basée sur une science révisée par les pairs », a avancé Nusa Urbancic, de l'ONG Transport & Environment, basée à Bruxelles. À ses yeux, l'expertise du JRC dans ce domaine n'est plus à prouver.

Au Canada, l'Institut Pembina croit toutefois en la validité de cette catégorisation, parce que les moyennes d'émissions de GES des pétroles classiques sont clairement moins élevées que celle des sables bitumineux (bitume naturel).

Le ministre Oliver déplore que l'Europe ne tienne pas compte du fait que certains bruts sont plus lourds que d'autres, donc plus polluants. Ils sont indistinctement classés dans la catégorie avantageuse des « bruts conventionnels ».

« Même en comparant les sables bitumineux avec un sous-ensemble des bruts les plus lourds qui entrent en Europe [...], il y a une différence claire entre les différentes moyennes. En raison de cette distinction claire, le traitement du bitume naturel comme une matière première séparée est bien justifié », peut-on lire dans un rapport préparé par Pembina en mars 2012.

L'étude, une perte d'argent?

L'entreprise qui remportera l'appel d'offres devra travailler à la vitesse grand V. Son étude finale, comportant entre 20 et 30 pages, devra être livrée au plus tard le 27 septembre.

Le montant maximal imposé aux soumissionnaires est de 200 000 $.

Pour le porte-parole néo-démocrate en matière de ressources naturelles, Peter Julian, le gouvernement conservateur jette l'argent des Canadiens par les fenêtres en payant pour une telle étude.

« Dépenser l'argent des contribuables pour essayer de défaire l'étude européenne, quand le gouvernement lui-même n'a pas la crédibilité requise, je pense que c'est une perte d'argent », a-t-il tranché en entrevue.

Selon lui, les troupes de Stephen Harper ont entaché la réputation du Canada à l'étranger dans le domaine environnemental.

Tournée européenne

Joe Oliver a effectué une tournée dans plusieurs pays d'Europe au mois de mai pour tenter de les convaincre d'abandonner la directive sur les carburants. Il était allé jusqu'à menacer de porter plainte à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) s'ils allaient de l'avant. Il a par la suite atténué ses propos.

« Je pense qu'il est allé trop loin en menaçant l'Europe avec l'OMC, c'était un peu déplacé », a soutenu Mme Urbancic.

M. Oliver a également rédigé une lettre à la commissaire européenne au climat, Connie Hedegaard, réitérant qu'à ses yeux, la directive n'avait pas de fondement scientifique.

« Nous recommandons qu'une organisation tierce experte et objective, comme l'Agence internationale de l'énergie, conduise une étude d'impact exhaustive, incluant une analyse scientifique sur les niveaux d'émission des différents pétroles bruts », a-t-il écrit dans une lettre datée du 16 mai 2013.

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