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Frankenburger: un premier burger artificiel conçu in vitro est servi aujourd'hui

Frankenburger: un premier burger artificiel conçu in vitro est servi aujourd'hui
Getty

Le faux-filet n'aura jamais aussi bien porté son nom. Lundi 5 août, un restaurant de la ville de Londres doit servir pour la première fois de l'histoire un burger… artificiel: 140 grammes de tissu musculaire conçus à partir de cellules souches de bœuf. Son surnom: le Frankenburger.

Une prouesse technologique? Pas vraiment. Les scientifiques savent créer ou reconstruire des organes et autres tissus organiques, alors pourquoi pas un steak? Conçu dans un laboratoire pendant le week-end qui précède l'événement, le procédé de fabrication est simple: les cellules souches sont plongées dans un liquide de culture contenant des acides aminés, des vitamines, du sucre, des hormones de croissance, mais aussi du sérum foetal de veau. Le prix est lui aussi hors norme: environ 400 000$CAN.

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Celui qui l'engloutira devant un parterre de journalistes triés sur le volet par l'agence britannique Ogilvy n'est autre que son concepteur, le biologiste néerlandais Mark Post. L'objectif pour ce chercheur de l'université de Maastricht: montrer au monde que la viande in vitro est une alternative crédible à un élevage trop gourmand en ressources, mais aussi à l'hécatombe animale provoquée par l'élevage industriel.

Une photo diffusée par l'université de Maastricht montre une culture de cette viande:

Car pour manger du boeuf, du porc ou du poulet, il faut cultiver des végétaux en très grandes quantités. Toutes espèces confondues, l'élevage monopolise actuellement 30% des terres arables de la planète contre seulement 4% pour l'alimentation humaine. C'est aussi 5% des émissions mondiales de CO2 et 40% de celles de méthane, un autre gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique.

Alors que la population mondiale devrait dépasser les 9 milliards d'individus d'ici 40 ans, le développement économique de géants à l'image de la Chine ou de l'Inde s'apprête à faire exploser la demande en viande. De ce point de vue, la viande cultivée in vitro pourrait considérablement réduire la facture énergétique. Selon des chercheurs de l'université d'Oxford, la viande synthétique nécessite 99% moins de terre de que la viande de bétail. Une prouesse dont la production conduirait à des réductions d'émissions de gaz à effet de serre oscillant entre 78 et 95% (Independent)

Mais vous l'aurez compris, le problème du steak artificiel, c'est son prix. Si Mark Post estime que sa viande in vitro pourrait être commercialisée à grande échelle d'ici 5 à 10 ans, concevoir les incubateurs qui permettront de passer à une production industrielle devrait néanmoins coûter cher, très cher. Jusqu'ici, ses travaux ont été financés par un par un mystérieux contributeur dont le nom devrait être lui aussi dévoilé lundi.

Récolter des fonds pour développer les incubateurs géants nécessaires au passage à l'échelle industrielle, telle est la véritable finalité de cet événement très médiatique. Car Mark Post n'est pas le seul à être sur le coup de la viande artificielle. Nous vous en parlions récemment, aux États-Unis, le biologiste Gabos Forcagz travaille sur l'impression en trois dimensions. Cellules souches, culture in vitro, le procédé est sensiblement le même, d'où l'importance pour Mark Post de prendre de l'avance sur son concurrent américain.

Pourtant, son challenger le plus sérieux ne se trouve pas aux Etats-Unis. Alors que Mark Post fera l'histoire en dégustant son steak artificiel à l'heure du déjeuner lundi 5 août, un autre restaurant londonien lui donnera la réplique immédiatement après. Ici pas de steak de cellules souches au menu, mais bien des hamburgers d'une autre sorte puisqu'ils seront entièrement végétariens.

Steak de cellules souches contre hamburger végétarien

Des hamburgers végétariens? A priori rien de révolutionnaire, à un détail près. Ceux-ci sont conçus par un autre néerlandais Jaap Korteweg. Lors d'un événement parisien, Le HuffPost a eu l'occasion de goûter ses drôles de steak hachés. Le résultat et bluffant: texture, goût, odeur, rien ne laisserait imaginer qu'ils puissent être d'origine végétale. Jaap Korteweg, qui a créé à La Haye la boucherie végétarienne, n'en est pas à son premier coup d'essai. Des brochettes de poulet sans poulet aux boulettes de viande sans viande, il est passé maître dans l'art de faire de la viande sans animaux, mais bien à l'aide de plantes comme le soja ou le lupin (voir diaporama).

Les steak in vitro? C'est déjà du passé pour notre boucher végétarien. "De notre point de vue, le steak de cellules souches est une idée intéressante mais elle nécessite toujours d'avoir recours aux animaux," explique-t-il. "Ce sera vraiment intéressant d'investir dans ces techniques dès lors qu'il sera possible de s'en passer. Pour l'instant, c'est seulement un détour, un rêve vieux de plusieurs décennies rendu obsolète par le développement de substituts entièrement végétaux qui pourront nourrir l'ensemble de la planète à moindre coût".

Si Jaap Korteweg est aussi confiant, c'est parce que pour tout steak de boeuf, 14 de ces steaks végétariens qu'il a baptisé mc2Burger peuvent être produits. Ceux-ci ne nécessitent que 7% du volume d'eau indispensables à la production de leur équivalent animal. Et si vous pensez qu'il s'agit d'une lubie de hollandais volant, détrompez-vous, les protéines végétales sont l'objet d'un véritable buzz qui touche également la France.

Le 30 juillet dernier, le gouvernement annonçait le lancement de "Improve", une plateforme d'innovation dont l'objectif numéro un est de valoriser la production de protéines végétales en Europe. Bienvenue dans l'ère du colbertisme végétal à la française: 3,7 millions d'euros de budget, une dotation en capital de la Caisse des Dépôts, un soutient des ministères de l'Agriculture et du Redressement productif mais aussi du commissaire général à l'investissement, Improve, qui signifie en Anglais "améliorer" n'aura d'autre ambition que de "développer de nouvelles applications industrielles aux cultures françaises et européennes de blé, de maïs, de colza, de pois, de pommes de terres ou encore de lupins.

"Aujourd'hui, les cultures sont mal valorisées," explique-t-on au Commissariat à l'investissement. "L'essentiel sert à l'alimentation humaine et le reste part au rebut: l'idée est de mieux utiliser une matière première dont on dispose, en cherchant des applications ayant la plus grande valeur ajoutée possible." Au programme: steaks végétariens à base de lupins comme chez Jaap Korteweg, ou encore crème anti-rides aux pois. Autant de projets auxquels seront associés des mastodontes de l'industrie agroalimentaire à l'image de la coopérative In Vivo.

Autant que du côté du steak de cellules souches, l'avenir pourrait bien pencher du côté des protéines végétales largement sous-exploitées aujourd'hui.

Saignant, bien cuit ou à point?

Mais au fait, ça a quel goût un steak de cellules souches? Seuls ceux qui le goûteront demain pourront en témoigner, mais ils risquent bien d'être déçus car une bonne viande ne saurait être uniquement composée de muscle, mais aussi de nerf, de gras et surtout de collagène. Sa conception en laboratoire pose un autre problème. Quid de la maturation de la viande, étape obligée de la boucherie traditionnelle qui attendrit la bidoche pour lui donner son caractère?

Mark Post estime qu'il devrait être en mesure de rajouter du gras et autres nutriments afin de rendre ses steaks in vitro plus goûteux, mais cela reste à démontrer. Néanmoins, son initiative répond à l'un des enjeux majeurs de notre époque: réduire une consommation de viande dont le volume - 88 kilogrammes par an et par habitant en France - pèse autant sur l'environnement que le système de santé publique, les études s'accumulant pour souligner l'impact de la bidoche sur certains cancers et autres maladies cardiovasculaires.

Certes, le steak in vitro comme le hamburger végétarien ne remplaceront jamais une véritable entrecôte. Mais est-ce vraiment là leur finalité? Alors que le cheval a remplacé le boeuf sans se faire remarquer dans bon nombre de plats préparés, pourquoi ne pas remplacer cette viande bon marché et de mauvaise qualité par d'authentiques substituts? Face à ces innovations, reste à déterminer la réaction du public et de consommateurs toujours plus désireux de reprendre le contrôle sur leur alimentation.

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