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Stationner un train sur la voie principale, une « chose très rare », selon Transports Canada

Le Bureau de la sécurité des transports fait le point

Des responsables de Transports Canada ont indiqué mardi que même si cela est une « chose très rare », il n'est pas interdit de laisser un train avec le moteur allumé sans surveillance la nuit, sur la voie principale, comme cela a été le cas avant la tragédie de Lac-Mégantic.

Malgré tout, Gerard McDonald, sous-ministre adjoint pour la sécurité et la sûreté, a admis que des changements pourraient venir. « On est en train de revoir les règles et règlements par rapport à cela », a-t-il expliqué en conférence de presse. Gerard McDonald, sous-ministre adjoint pour la sécurité et la sûreté à Transports Canada.

Selon les informations recueillies par le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST), le convoi pétrolier qui a déraillé après avoir dévalé la pente entre Nantes et Lac-Mégantic, provoquant une série d'explosions qui ont fait au moins 15 morts dans la nuit de vendredi à samedi, n'était pas stationné sur la voie de service, qui est équipée d'un « dérailleur ». Le BST cherche à comprendre si le conducteur a respecté les règles en vigueur en laissant le train sur la voie principale pendant la nuit. De plus, ils savent dans quelle position les commandes du train ont été trouvées après l'accident.

Il est « très rare » de stationner un train sur la voie principale, pendant une longue période, a expliqué Luc Bourdon, directeur général pour la sécurité ferroviaire à Transports Canada. Pour des raisons pratiques, les trains sont généralement stationnés sur la voie secondaire afin de ne pas gêner le trafic. Il n'est pas interdit de laisser une locomotive avec les portes débarrées.

Un seul conducteur peut conduire un train de façon sécuritaire

Transports Canada a aussi indiqué que deux compagnies au Canada, à savoir la MMA et la Quebec North Shore and Labrador, ont demandé l'autorisation de pouvoir laisser leurs convois être conduits par un seul employé. Généralement, les convois sont opérés par deux employés. L'autorisation a été accordée, étant donné que les deux entreprises ont démontré à Transports Canada que les convois pouvaient être conduits par un seul employé de manière sécuritaire.

MMA avait été souvent inspecté par Transports Canada

La Montreal, Maine and Atlantic Railway (MMA) a souvent fait l'objet de vérifications de la part de Transports Canada, au même titre que toutes les autres compagnies de chemins de fer. « Nous avons régulièrement inspecté et vérifié cette compagnie en particulier », a expliqué M. McDonald.

En fait, les wagons du train et les freins ont subi une inspection complète le jour de l'accident, vendredi. Toutefois, Transports Canada ne peut confirmer si les locomotives ont été inspectés, vendredi, puisque le couplage avec les wagons n'était pas fait au moment des vérifications sur ces derniers.

Par ailleurs, Transports Canada a procédé à l'inspection de 827 kilomètres de rails, 517 wagons, 20 locomotives et 37 passages à niveau de la MMA, en 2012. L'entreprise n'a pas fait l'objet d'une attention particulière, les autres compagnies de chemins fer sont surveillées de la même manière, selon Transports Canada.

L'organisme gouvernemental compte 101 inspecteurs en sécurité du matériel roulant et 35 inspecteurs en matières dangereuses.

Une chronologie établie, un type de wagon critiqué

L'enquête du BST s'annonce longue et complexe, mais une chronologie de l'événement a déjà pu être établie par les enquêteurs. Fait à noter : le BST critique déjà le type de wagons utilisés par la compagnie MMA.

L'enquêteur principal du BST, Ed Belkaloul, a déclaré que son équipe se penchait sur le type de wagons qui étaient utilisés par la MMA. Le BST estime déjà que les wagons de « catégorie 111 », utilisés dans le convoi de la MMA, ne sont pas assez sécuritaires. Le BST les avait déjà critiqués par le passé.

« Nous faisons pression pour que nous puissions avoir des wagons plus forts et plus sécuritaires », a indiqué Donald Ross, enquêteur avec le BST. « Nous avons, bien sûr, demandé à ce qu'il y ait des améliorations sur les wagons 111 », a expliqué M. Ross.

M. Belkaloul a expliqué que les wagons de catégorie 111 sont à « usage général » et qu'ils sont « couramment utilisés en Amérique du Nord » pour transporter toutes sortes de substances, aussi bien du pétrole brut que de « l'huile de maïs ». Leur usage est très répandu dans l'industrie ferroviaire.

D'ores et déjà, il apparaît clair que les enquêteurs vont de nouveau recommander au ministère des Transports que des changements soient apportés à la réglementation entourant ces wagons. « Ce ne sont pas des wagons qui sont protégés », a indiqué M. Belkaloul lors d'une conférence de presse. « La résistance de ces wagons-là [...] va être couverte par cette enquête », a-t-il ajouté.

Transports Canada revoit les normes pour les wagons à catégorie 111

Les wagons-citernes de catégorie 111 sont critiqués au Canada, depuis une vingtaine d'années. Le BST avait fait des recommendations à Transports Canada afin d'en améliorer la sécurité, dès les années 1990. Des améliorations ont été apportées aux wagons depuis. À titre d'exemple, en 2005, à la suite d'un accident de train en Ontario, le BST relevait que que la majorité de ces wagons présentaient toujours des faiblesses. Un train de marchandises avait alors déraillé à Maxville. Un wagon chargé d'alcool dénaturé avait été perforé.

La conclusion du rapport mettait notamment en cause la fragilité des wagons de catégorie 111.« Il s'en suit que la majorité du parc de wagons-citernes de catégorie 111A seront toujours vulnérables aux risques de perforation et continueront de présenter des risques, même à la suite d'impacts à faible vitesse », expliquait le rapport d'enquête.

En conférence de presse, les fonctionnaires de Transports Canada ont précisé que toutes les recommandations du BST n'avaient pas encore été prises en compte, dans le cas des wagons de catégorie 111. « Le standard est présentement en train d'être révisé suite à un rapport du BST », a expliqué Marie-France Dagenais, directrice générale pour le transport de marchandise à Transports Canada, mardi.

Le BST établit une chronologie

  • Le train de la Montreal, Maine and Atlantic Railway (MMA) s'est arrêté à 23 h à Nantes, a dit Ed Belkaloul, gestionnaire des opérations ferroviaires de la région de l'Est pour le BST et enquêteur principal chargé de trouver les causes de l'accident.
  • Un incendie à bord d'une des locomotives du train a été signalé au « contrôleur de la circulation ferroviaire » de la compagnie, vers 23 h 50.
  • Par la suite, un employé de la MMA est venu aider les pompiers de Nantes, qui se trouvaient déjà sur place, car des témoins avaient contacté le service d'incendie.
  • Vers minuit, le feu a été éteint, et le moteur de la locomotive a été coupé.
  • Vers une heure du matin, le train a déboulé la pente qui relie Nantes au centre-ville de Mégantic à une vitesse élevée, peu de temps après le départ des pompiers et du « représentant » de la MMA, selon M. Belkaloul.
  • Le déraillement s'est produit vers 1 h 14, dans une courbe, à Lac-Mégantic.

Les enquêteurs sont fatigués

Le BST a affecté 14 enquêteurs pour tenter de comprendre les causes de l'accident de Lac-Mégantic. La plupart sont arrivés sur place samedi matin. L'enquête s'annonce longue et « très complexe », a fait savoir M. Belkaloul, lors de la conférence de presse. « L'équipe est très fatiguée », a expliqué l'enquêteur.

De plus, le travail du BST est ralenti, car plusieurs enquêtes en parallèle sont en cours, notamment celle de la Sûreté du Québec (SQ). Le BST n'a toujours pas pu examiner une partie du site de l'explosion et compte analyser minutieusement le périmètre de l'accident.

L'organisme souhaite aussi comprendre les causes du feu qui s'est produit dans la locomotive à Nantes. « On ne veut pas manquer notre coup », a mentionné M. Belkaloul, se disant conscient que les attentes du public envers le BST sont élevées.

Toutefois, le BST ne veut pas rendre public l'ensemble des informations qu'il possède déjà, afin de ne pas compromettre les autres enquêtes en cours, particulièrement celle de la SQ.

Les enquêteurs ont déjà retrouvé le consignateur du train. Celui-ci enregistre différents paramètres, notamment la vitesse, la pression, l'utilisation du klaxon et le freinage.

« C'est une enquête à 360 degrés », avait souligné plus tôt M. Belkaloul, précisant qu'elle porte tant sur la mécanique du train que sur les procédures, l'opération du train ou l'infrastructure.

Le Syndicat des Métallos aux côtés des employés de MMA

Dans un communiqué publié mardi, la direction du Syndicat des Métallos, qui représente 75 employés du transporteur ferroviaire MMA, a d'abord exprimé ses condoléances aux sinistrés et aux victimes de la tragédie de Lac-Mégantic.

Le syndicat a également assuré tout son soutien aux employés de MMA, membres de la section 1976, ainsi qu'à leurs membres qui vivent à Lac-Mégantic ou qui travaillent dans des usines environnantes.

En raison des enquêtes en cours sur les événements qui ont conduit à la catastrophe ferroviaire, la direction du Syndicat des Métallos s'abstiendra de commenter davantage cette tragédie qui affecte directement ses membres.

Le syndicat assure cependant demeurer à la disposition des « autorités compétentes pour faire toute la lumière sur cet événement tragique ».

Les 75 employés de la section locale 1976 chez MMA sont représentés par les Métallos depuis 2000, soit avant l'achat de la compagnie en 2003, par Rail World Inc.

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