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Le festival français de Saint-Malo ouvre une fenêtre sur la nouvelle littérature sud-africaine

Le festival français de Saint-Malo ouvre une fenêtre sur la nouvelle littérature sud-africaine

Près de 20 ans après l'élection de Nelson Mandela, les écrivains sud-africains, qui seront à l'honneur au festival français Etonnants Voyageurs de Saint-Malo ce week-end, brossent le tableau amer d'un pays hanté par la recherche d'un introuvable avenir meilleur, et n'hésitent plus à critiquer le nouveau pouvoir noir.

Préambule à la saison de l'Afrique du Sud en France, forte de plus de 150 manifestations jusqu'en décembre (http://france-southafrica.com), Saint-Malo (ouest de la France) accueillera ce week-end onze auteurs, de la jeune romancière noire de 28 ans Kopano Matlwa ("Coconut", 2007) à l'auteur blanc afrikaner André Brink, 78 ans, mondialement connu pour "Une saison blanche et sèche" (1980).

"Quand Nelson Mandela a été libéré (en 1990), c'était l'euphorie et le soulagement parmi les écrivains" après des décennies obnubilées par l'apartheid et marquées par la censure, se souvient Marlene van Niekerk, acclamée pour son roman "Triomf" (1994).

Mais "à mesure que la poigne des nouveaux gouvernants se renforce, les auteurs deviennent plus critiques", dit-elle à l'AFP.

Voire versent dans un cynisme à peine atténué par l'humour, la satire ou l'ironie, pour parler des démons de la société sud-africaine: la violence, la misère, la criminalité, le sida, la persistance des préjugés, les tensions d'une société à plusieurs vitesses, moderne en ville, sous-développée ailleurs.

"Il y a une nouvelle distanciation que l'on ne trouvait pas il y a dix ans. Beaucoup de livres traitent de la déception ou s'interrogent sur la façon de gérer le pays. Nous entrons dans la troisième décennie post-apartheid et beaucoup de promesses et d'attentes n'ont pas porté leurs fruits", constate Charles Cilliers, jeune chroniqueur littéraire au quotidien City Press.

"Les auteurs deviennent beaucoup plus critiques envers le gouvernement, la lune de miel est finie et l'on n'écrit plus sur les terribles crimes du passé, mais l'on traite de la dure réalité comme le chômage", ajoute-t-il.

C'est cette tension entre les attentes et la réalité d'une société toujours puissamment inégalitaire que l'on retrouve chez le jeune Nthikeng Mohlele, repéré pour "Small Things" (2013). Son héros, "Camarade Q", libéré après des années de prison sous l'apartheid, n'aura, en échange de son sacrifice, qu'une une vie de mendiant au milieu de laquelle il tente de maintenir son intégrité et ses rêves.

"Disgrace", parabole du déshonneur publiée en 1999 par le prix Nobel J.M. Coetzee, a clairement marqué le passage de l'enthousiasme de la libération à une littérature du désenchantement.

"La littérature sud-africaine reste encore imprégnée par l'apartheid même si les jeunes auteurs ne l'abordent pas directement", constate Georges Lory, traducteur de la prix Nobel Nadine Gordimer et de la poétesse Antje Kroog. "Ils parlent de leurs traumatismes, du sida ou de la violence, notamment la violence faite aux femmes qui revient beaucoup chez les slameurs."

On pense à Sello Duikers, mort prématurément en 2005, ou à l'écrivaine afrikaner Lauren Beukes dont le dernier roman se déroule dans le Chicago des années 1930. Ou encore Kgebtli Moele, invité à Saint-Malo ("Chambre 207" en 2008) et qui se voit reprocher ses personnages trop machistes.

"Le grand jeu, ces dernières années, sont les mémoires ou les biographies. Les gens sont davantage intéressés par la vie des autres et la compréhension du pays où ils vivent et qui n'est plus un pays de Blancs", constate Corina van der Spoel, ancienne libraire indépendante à Johannesburg.

Dans cette veine, on peut mentionner Ashrad Kagee, pour "Kalil's Journey" (2012) qui raconte la ville du Cap à travers l'histoire d'une famille des années 1930 à 1970.

Le tout premier roman de Claire Robertson, "The Spiral House" (2013) évoque la vie d'une esclave affranchie à la fin du XVIIIe siècle au Cap et celle d'une infirmière des années 1960. Ou encore Jacob Dlamini pour "Native Nostalgia" (2009), qui revisite les souvenirs positifs de son enfance dans une township sous l'apartheid.

Sur un plan formel, les nouvelles plumes s'inspirent davantage de la littérature africaine avec le réalisme magique, mais les auteurs noirs continuent de ne pas écrire dans leur langue maternelle, mais en anglais. L'écriture est aussi plus sophistiquée, plus complexe, loin du réalisme de dénonciation cultivé sous l'apartheid, selon Willie Burger, professeur à l'université de Pretoria.

Mais surtout, dit-il, "tout le monde regarde le futur et se demande comment le construire".

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