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Le Chant de Sainte-Carmen de la Main: René Richard Cyr et Daniel Bélanger revisitent Michel Tremblay (CRITIQUE, VIDÉO, PHOTOS)

Théâtre: Le Chant de Sainte-Carmen de la Main (CRITIQUE)

Promesse d’avenir, éclat de lumière dans un ciel orageux, Jeanne d’Arc des âmes esseulées, les qualificatifs sont nombreux pour décrire le personnage principal du Chant de Sainte-Carmen de la Main. Après avoir triomphé en signant l’adaptation musicale des Belles-Sœurs, René Richard Cyr et Daniel Bélanger revisitent un autre grand classique de Michel Tremblay. Si les qualités de la production sont indéniables, on doute pourtant d’un élément fondamental: la musique.

Lors du travail d’adaptation de Sainte-Carmen, Daniel Bélanger a choisi de s’éloigner du folk et des mélodies fort bien tournées des Belles-Sœurs. Misant sur l’audace et l’originalité, le compositeur a enveloppé les mots de Tremblay dans un mélange de gospel, de chant religieux, de chanson à texte, et d’une trame de fond métallique, grise et trash digne de la Main. Si ses choix rappellent avec cohérence la faune iconoclaste du boulevard Saint-Laurent et l’atmosphère glauque des lieux, ils sont loin de donner envie aux spectateurs de s’acheter l’album et de fredonner les chansons.

Bien que certains titres offrent des moments magnifiques durant le spectacle, la majorité des pièces manquent de fluidité. On sent la mécanique, on entend le texte théâtral qui a servi à construire des chansons et on réalise bien vite qu’il y a des limites au nombre de mots qu’un interprète peut chanter par phrasé. Malgré le talent manifeste des musiciens et des acteurs-chanteurs pour livrer les différents morceaux, la musique ne coule tout simplement pas de source.

Au-delà de l’aspect musical à moitié réussi, Le Chant de Sainte-Carmen de la Main offre au public une soirée mémorable. Le chœur est composé d’une variété rafraîchissante de personnages en tous genres : travestis, prostitués, gais, lesbiennes, jeunes et vieux. Colorés, drôles, dynamiques, incarnés et débordant de vérité, chacun des acteurs apporte sa force à l’ensemble.

Normand D’Amour livre avec brio son personnage de manipulateur obnubilé par les profits. Évelyne Gélinas est franchement attachante dans son rôle de Bec-de-lièvre. Maude Guérin est une fois de plus grandiose et magistrale, en allant puiser dans les registres de la lumière et de la mélancolie avec un doigté dont elle seule a le secret: sa Carmen est à la fois puissante, fragile, criblée de doutes et pleine de détermination. L’actrice démontre d’ailleurs à quel point sa voix chantée s’est embellie et raffinée depuis Frères de Sang en 2006 et Belles-Sœurs en 2009, même si on l’entend bien peu chanter durant le spectacle.

Elle aussi trop peu présente, France Castel est la véritable star de la soirée. En interprétant Gloria, une vedette déchue qui vibre encore aux sons des bongos de Miami Beach, l’actrice offre un personnage hilarant, punché et brûlant de vérité, en plus de chanter avec un talent indéniable pour mettre tous les spectateurs dans sa poche. Sa prestation est à couper le souffle!

Le Chant de Sainte-Carmen de la Main est également l’occasion de découvrir ou de redécouvrir l’un des grands textes de Michel Tremblay. Symbolisant avec une acuité et une lucidité fascinante un Québec qui tarde à croire en lui et à prendre les rênes de sa destinée, l’histoire de la Main est à la fois touchante, provocante, drôle et brillante.

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Le Chant de Sainte-Carmen de la Main en photos

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