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Les humoristes gagnent-ils tous bien leur vie?

Les humoristes gagnent-ils tous bien leur vie?

Au Québec, les spectacles d'humour en salle tournent à plein régime. Aux quatre coins de la province, les représentations affichent souvent complet. Mais que se cache-t-il derrière les gros canons de l'humour?

Nous avons comparé les données disponibles en humour, en théâtre, en musique (instrumentale) et en danse. L'humour se démarque dans plusieurs catégories, notamment en ce qui a trait au revenu moyen par représentation et par spectacle.

En 2011, cinq spectacles d'humour se sont classés dans le palmarès des dix spectacles les plus populaires au Québec. Avec Torture, Jean-Marc Parent n'a été devancé que par Totem du Cirque du Soleil et les deux concerts de U2 à Montréal (U2 story).

Pour la directrice de l'École nationale de l'humour, Louise Richer, une des explications du succès aux guichets de plusieurs spectacles d'humour est le fait qu'il s'agit d'un quasi-monople.

« Le consommateur d'humour achète québécois, il n'y a pas de compétition venant de l'étranger, explique-t-elle. En musique, s'il paie 600 $ pour un billet des Rolling Stones, il lui reste bien peu pour aller voir un chanteur québécois. En humour, un Jerry Seinfeld vient très rarement au Québec. »

La longévité et le nombre de représentations des spectacles d'humour expliquent également les revenus importants générés en humour, selon Louise Richer.

« Il y a une écologie particulière en humour. Les spectacles roulent beaucoup plus qu'au théâtre par exemple, où on crée de nouvelles pièces rapidement au lieu de partir pour de longues tournées. »

Bien que les données de l'industrie soient claires quant au statut privilégié de l'humour au Québec, il n'existe pas de données sur le revenu moyen d'un humoriste au Québec, comme c'est le cas en musique ou en théâtre.

Derrière les Martin Matte, Rachid Badouri, Laurent Paquin et compagnie, de nombreux humoristes de la relève peaufinent leurs gags dans des conditions beaucoup moins roses.

Se faire un nom dans les bars

L'humoriste Simon Leblanc a connu une année 2012 de rêve. En plus de présenter son premier spectacle solo Union libre en compagnie de François Bellefeuille, il a réalisé des capsules web pour l'émission Les enfants de la télé.

Pour l'homme de 25 ans, qui a confié à son épouse la gestion de sa carrière, ce premier spectacle en salle survient après plusieurs années de vaches maigres. Sans diplôme de l'École nationale de l'humour, Simon Leblanc a d'abord trimé pour présenter ses numéros dans les bars. Des soirées à perte, il en a connu beaucoup.

« Il y a des soirées d'humour dans les bars à Montréal. En moyenne, il y a huit humoristes qui sont payés 25 $ pour 15 minutes. On appelle plus ça un dédommagement. Puis, lorsque les bars t'engagent comme tête d'affiche d'une soirée, tu peux t'attendre à être payé 350 $. Et tu as le loisir de négocier. »

En avril 2010, après plusieurs mois à présenter ses gags dans les bars partout au Québec, il a pris la décision de quitter son emploi régulier et de se consacrer exclusivement à la scène, investissant quelque 3000 $ reçus en héritage. Au mois d'août de la même année, il était sans le sou.

Heureusement, sa présence en finale de l'émission En route vers mon premier gala Juste pour Rire 2010, lui a ouvert des portes. C'est également là que son chemin a croisé celui de François Bellefeuille.

Sa tournée Union libre, qu'il a entamée il y a deux ans, lui permet maintenant de respirer mieux. L'humoriste estime son revenu global de la dernière année entre 50 000 $ et 60 000 $, chaque spectacle lui rapportant environ 750 $. C'est toutefois peu, en comparaison des prestations privées, appelées « corpos » dans le milieu de l'humour.

« Ça peut aller de 2000 $ à 2500 $ pour une heure. Mais ça monte vite, 5000 $ n'est pas farfelu. Les humoristes de la trempe de Laurent Paquin et Rachid Badouri peuvent demander plus de 10 000 $. »

Faire rire à la hauteur de ses moyens

Certains humoristes établis optent également pour des spectacles au déploiement modeste pour ainsi réduire leur coût de production.

C'est le cas de Boucar Diouf, qui a lui-même déboursé les 70 000 $ nécessaires à la production de son spectacle, Pour une raison X ou Y, qu'il présentera l'automne prochain. Cette somme va essentiellement à la publicité, aux communications, à la location des salles, à l'éclairage et à la mise en scène.

« J'ai toujours pensé qu'on n'a pas besoin d'un camion pour faire un spectacle d'humour. Je suis de l'école d'Yvon Deschamps, j'ai seulement besoin d'un micro. Quand je pars en tournée, tout doit rentrer dans une petite voiture. »

Cette stratégie facilite la tâche à Boucar Diouf lorsque vient le temps de vendre son spectacle, particulièrement en région.

« Le coût de mon spectacle est raisonnable et il se vend bien. C'est pourquoi les diffuseurs l'aiment. En novembre, je vais faire mon spectacle au Gèsu, qui est petit et intimiste, parce que je ne suis pas capable de me payer le St-Denis. »

Son modèle d'affaires, le coloré humoriste le résumé en une phrase :

« Certains ont décidé de prendre la 20 [autoroute], moi, j'ai pris la 132. Je suis un humoriste de la 132! »

Un texte de Félix-Antoine Viens

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