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Al-Qaïda et l'Iran, méfiance mutuelle et collaboration ponctuelle

Al-Qaïda et l'Iran, méfiance mutuelle et collaboration ponctuelle

Un texte de Bahador Zabihiyan

Les deux présumés terroristes arrêtés lundi pour avoir comploté en vue de commettre un attentat au Canada ont reçu des « directions et des informations » de certains éléments d'Al-Qaïda en Iran, selon la GRC. Mais la présence de djihadistes sunnites dans un pays que beaucoup considèrent comme étant peuplé et dirigé par « des infidèles » chiites a de quoi étonner.

Un texte de Bahador Zabihiyan

Cette présence n'est pas nouvelle, mais elle a toujours été discrète, et surtout surveillée de près par la République islamique. Le pays n'a jamais vu d'un bon il cette organisation qui est responsable de la mort de nombreux chiites en Irak.

Et la méfiance est mutuelle. Ainsi, dans une lettre datant de 2004, Abou Moussab Al-Zarqaoui, le leader décédé d'Al-Qaïda en Irak, décrivait les chiites comme « l'obstacle insurmontable, le serpent qui se cache, le scorpion rusé et astucieux », explique Seth G. Jones, spécialiste de l'Iran pour la RAND Corporation, dans un article publié dans Foreign Affairs, en 2012.

Les djihadistes liés à Al-Qaïda en Syrie voient dans l'Iran l'allié indéfectible du régime de Bachar Al-Assad et ne manquent jamais de qualificatifs lorsqu'il est temps de dénoncer l'implication iranienne dans leur pays.

Les autorités canadiennes ont écarté la possibilité que le gouvernement iranien soit impliqué dans le complot terroriste. De son côté, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, Ramin Mehmanparast, a soutenu que les objectifs politiques et idéologiques d'Al-Qaïda étaient incompatibles avec ceux de l'Iran.

Une relation très limitée, mais une collaboration ponctuelle

Malgré le fossé qui les sépare, l'Iran a su bâtir à l'occasion quelques ponts avec Al-Qaïda. En 2001, la République islamique a laissé entrer sur son territoire, en toute discrétion, plusieurs membres importants du réseau terroriste, alors que les États-Unis amorçaient leur invasion de l'Afghanistan.

Parmi eux se trouvait Yassine Al-Souri, un agent de liaison d'Al-Qaïda, qui s'occupait de faire transiter de l'argent et des recrues à travers le Moyen-Orient pour le compte de l'organisation, explique M. Jones.

L'Iran avait d'ailleurs déjà utilisé la présence de membres d'Al-Qaïda pour faire avancer ses intérêts en 2011.

« Après que les États-Unis eurent envahi l'Afghanistan, l'Iran a commencé à vendre des armes à des groupes talibans afin qu'ils les utilisent contre les troupes françaises et britanniques », affirme le spécialiste de l'Iran au Centre interdisciplinaire d'Herzliya en Israël, Meir Javedanfar. Mais cette collaboration a été ponctuelle et s'est limitée à l'Afghanistan, précise-t-il.

La présence d'Al-Qaïda en Iran est donc tolérée par Téhéran, mais à une condition, selon Seth G. Jones. « Ma déduction, c'est que le gouvernement iranien a généralement fixé une ligne rouge aux agents d'Al-Qaïda de ne pas s'impliquer dans des complots externes, à partir du sol iranien », dit-il.

Cette ligne rouge semble toutefois avoir été franchie, si l'on en croit les évènements des derniers jours.

Reste à savoir si la République islamique et le Canada et ses alliés vont collaborer ensemble pour arrêter les personnes du réseau qui ont joué un rôle dans le complot terroriste déjoué par la GRC.

La collaboration s'annonce ardue, car l'Iran et le Canada n'entretiennent plus de relations diplomatiques. De plus, il n'est pas certain que le Canada et les États-Unis souhaitent transmettre des informations à l'Iran en vue d'une arrestation, car cela risquerait de dévoiler leurs méthodes d'enquêtes, souligne M. Jones.

Qui ne dit mot consent?

Si l'Iran tenait un il sur les membres d'Al-Qaïda présents sur son territoire, comment se fait-il que l'un d'entre eux ait pu entrer en contact avec des personnes qui voulaient se livrer à des actes de terrorisme au Canada?

Notons que la plupart des membres sur le territoire de la République islamique se trouvent à la frontière entre l'Iran, l'Afghanistan et le Pakistan.

« Gardez à l'esprit que le gouvernement iranien ne réussit pas à très bien contrôler cette zone, [...] même du temps du shah », affirme M. Nader.

En fermant les yeux sur les activités d'agents d'Al-Qaïda, l'Iran a-t-il donné son accord tacite à la préparation d'un complot terroriste au Canada? M. Javedanfar se montre très sceptique. « Si le gouvernement iranien veut attaquer le Canada, pourquoi confier ça à Al-Qaïda? [...] ils peuvent donner ça au Hezbollah », conclut-il.

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