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La Corée du Nord à l'aube de son troisième essai nucléaire

Essai nucléaire en Corée du Nord : les enjeux du troisième test
Reuters

La Corée du Nord devrait effectuer son troisième essai nucléaire dans les tous prochains jours, faisant fi des avertissements de la communauté internationale. Un geste "défiant l'imagination" de Séoul et Washington, comme l'a confirmé un communiqué sans concession dégainé par la dictature communiste le 5 février dernier.

Si la date exacte de cette nouvelle provocation de Pyongyang reste inconnue, les spécialistes sud-coréens estiment qu'elle devrait intervenir le 10 février, date du Nouvel an chinois, ou le 16 février, pour l'anniversaire de la naissance de Kim-Jong-il, le père défunt de Kim Jong-un. Un timing impeccable, renforcé par l'intronisation de Park Geun-hye à la tête de la Corée du Sud le 25 février prochain. Juliette Morillot, journaliste au mensuel La Revue et spécialiste de la Corée du Nord penche pour la seconde option : "J'aurai tendance à dire que le Nouvel an chinois n'est pas très symbolique pour la Corée du Nord", explique-t-elle. "Pyongyang ne va pas embêter la Chine en faisant un essai nucléaire ce jour là. J'ai l'impression que ce sera plutôt pour l'anniversaire de la mort de Kim Jong-il, le 16." Quoi qu'il arrive, "le moment est important", indique-t-elle. "On approche des grandes dates du régime et Kim Jong-un compte se servir de cet essai nucléaire pour asseoir sa popularité".

En annonçant un test nucléaire de "haut niveau", Pyongyang engage donc un nouveau bras de fer avec la communauté internationale qui n'a de cesse de souffler le chaud et le froid dans le dossier nord-coréen. Mais ce nouvel essai va surtout permettre de jauger où en est le programme nucléaire mené par les Nord-Coréens. Les stratèges du Pentagone et des alliés des Américains, Corée du Sud et Japon en tête, sont déjà en ordre de bataille et comptent bien profiter de ce nouvel essai pour tenter de glaner de nouvelles informations. Une attente renforcée par les déclarations de Pyongyang qui avait évoqué un essai "de haut niveau" lorsqu'elle avait affiché ses intentions le 24 janvier dernier.

Le HuffPost fait le point sur ce qu'il faut attendre de cet essai "de haut niveau".

Des tirs simultanés ou des armes nucléaires en tête d'ogive

Les experts s'attendent à des avancées technologiques par rapport aux essais de 2006 et 2009. Pour le président sud-coréen, la possibilité que Pyongyang effectue plusieurs tirs de missiles balistiques simultanés est réelle. Lee Myung-Bak estime ainsi qu'"il est très possible que la Corée du Nord procède à des essais nucléaires multiples à deux endroits ou plus, simultanément". Les autorités sud-coréennes sont persuadées que Pyongyang pourrait profiter de cet essai nucléaire pour en optimiser les bénéfices et prendre de court une probable aggravation des sanctions internationales à son encontre.

Au centre des attentions figure également sa capacité à miniaturiser la bombe nucléaire pour pouvoir la placer dans des têtes de missiles. Jusqu'à présent, l'incertitude demeure sur la capacité du régime communiste à développer une tête nucléaire pour missile à longue portée. Mais s'il parvient à mettre au point une bombe miniaturisée, la donne serait radicalement changée. "Si le Nord produit des armes miniaturisées susceptibles d'être utilisées comme têtes d'ogive sur des missiles, il poserait une véritable menace", a ainsi souligné le président sud-coréen, à quelques semaines de la fin de son mandat unique.

Reste que si Pyongyang est parvenu début décembre à envoyer dans l'espace une fusée témoignant de progrès significatif dans sa technologie balistique, elle n'a pas prouvé pour autant qu'elle était capable de le faire revenir sur terre. De nombreux experts ont ainsi souligné que si la fusée est bien entrée dans l'espace en décembre, elle n'a cependant pas embrassé une trajectoire de frappe sur un objectif terrestre.

Une bombe à l'uranium

Pour Juliette Morillot, cela ne fait pas un pli : Pyongyang pourrait tester pour la première fois une bombe à l'uranium. "Ces essais vont permettre de savoir si la Corée du Nord a réussi à enrichir l'uranium », explique la spécialiste. "Le Pakistan a livré douze centrifugeuses à la Corée du Nord qui en disposerait désormais d'une trentaine". Une telle éventualité marquerait alors un bon technologique considérable et confirmerait les doutes de la communauté internationale.

De quoi envenimer sérieusement la situation et mettre fin au jeu de dupes auquel se livre la Corée du Nord avec les États-Unis, sur fond de suspensions et de reprises de l'aide alimentaire américaine. L'usage d'uranium indiquerait que le régime communiste maîtrise désormais le processus d'enrichissement. Une possibilité qu'il avait déjà laissé poindre en 2010 lorsqu'un scientifique américain s'était dit stupéfait après avoir pu visiter une vaste usine consacrée à cette activité.

Car si une bombe à l'uranium n'est pas forcément plus puissante qu'une bombe au plutonium, le matériau fossile utilisé par Pyongyang pour les deux tests précédents, la Corée du Nord détient des réserves substantielles de ce métal en outre très facile à dissimuler. "Un programme d'enrichissement à l'uranium peut être conduit avec des centrifugeuses de la taille de machine à laver", précise Juliette Morillot. Ce qui rendrait quasiment caduque tout effort d'évaluation du parc nucléaire nord-coréen et constituerait une menace en matière de prolifération nucléaire.

Quelles réponses de la communauté internationale ?

Le Conseil de sécurité des Nations unies a d'ores et déjà affirmé, le 5 février dernier, qu'il prendra des mesures "très fortes" si la Corée du Nord mettait ses menaces à exécution. Les Etats-Unis et ses alliés ont également entamé des discussions sur la réponse à apporter. De nouvelles sanctions, économiques, semblent probables mais les autres options, militaire notamment, sont toujours aussi limitées.

De son côté, la Chine semble hésiter sur la position à adopter. Après avoir voté des sanctions élargies contre la Corée du Nord en janvier, le gouvernement chinois joue désormais l'apaisement et se refuse toujours à sanctionner trop sévèrement le régime, de peur qu'il s'effondre. Un embarras symbolisé par l'absence de réaction des autorités chinoises qui ont laissé le soin à sa presse officielle de distiller menaces et avertissement à Pyongyang. Le Global Times a ainsi indiqué que "si la Corée du Nord s'obstine (...) l'aide qu'elle reçoit de la Chine devra être réduite". Une charge inédite mais pas vraiment confirmée par le gouvernement chinois dont les moyens de coercition sont limitées face au risque d'une déstabilisation régionale.

"Il y a une espèce de statut quo international", analyse Juliette Morillot. "Jusqu'ici, Kim Jong-un a réussi à maintenir ce jeu de dupe parce qu'il sait pertinemment que personne n'a vraiment intérêt à quitter cette partie du monde. Face à la montée en puissance navale et militaire chinoise, les États-Unis ont besoin d'être présent en Asie Pacifique. Leur présence en Corée du Sud est indispensable donc je ne pense pas qu'ils durcissent la situation", ajoute-t-elle. "La chine n'a pas envie d'une Corée réunifiée potentiellement pro américaine et le Japon n'a pas envie d'une Corée réunifiée avec un fort sentiment anti-nippon. Quant aux Coréens du Sud, ils ne sont pas prêt à sacrifier leurs richesses pour s'ouvrir au Nord. Donc, sauf dérapage de la part de la Corée du Nord, le statut quo devrait continuer et Kim Jong-un devrait annoncer sa volonté d'un retour aux négociations à six sur la dénucléarisation de la péninsule sous peu." Des discussions qui réunissent les deux Corées, les Etats-Unis, le Japon, la Russie et la Chine sont au point mort depuis décembre 2008.

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