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Les 5 défis de Xi Jinping, le nouveau président de la république populaire de Chine

Les 5 défis de Xi Jinping
AFP

CHINE - Dans l'empire du milieu, la politique ne fonctionne pas comme en occident. Alors qu'aux Etats-Unis le suspens fut total jusqu'à la dernière minute pour savoir qui de Romney ou d'Obama allait l'emporter, en Chine, on connait depuis plus de deux ans le nom du futur président de la république populaire: Xi Jinping.

Avec son 18e congrès clôturé jeudi 14 novembre, le Parti communiste chinois (PCC) a officiellement nommé Xi Jinping, 59 ans, à la tête du parti unique. Une fonction qui lui permettra, comme le veut l'usage, de devenir ensuite président de la république populaire de Chine en mars 2013.

Le nouveau président chinois n'est pas encore aussi connu que son prédécesseur Hu Jintao. Fils d'un proche de Mao tombé en disgrâce, Xi Jinping a gravi petit à petit tous les échelons du pouvoir. Discret, le nouveau maître de la deuxième puissance mondiale est apprécié des dirigeants occidentaux mais n'a pas la langue dans sa poche, précise France 24 dans un portrait du dirigeant. Aussi, Xi Jinping connaît la misère: jeune étudiant à l'époque de la révolution culturelle lancée par son père, il sera intégré dans un centre éducatif où, pendant sept ans, il vécut la faim et le froid comme des millions de chinois.

Xi Jinping aura besoin de tout son talent pour gouverner la future première puissance économique mondiale. Dans les dix années que dureront son mandat, le dirigeant devra relever avec brio 5 défis, tous interdépendants. Analyse.

1. Asseoir le poids international de la Chine

Le ministre des Affaires étrangères Yang Jiechi en compagnie de Ban Ki-Moon à l'ONU

Depuis 1949, le chemin parcouru est gigantesque. La Chine a réussi à devenir un acteur incontournable, tant diplomatiquement (le pays est l'un des cinq à disposer du droit de véto à l'ONU) qu'économiquement (premier exportateur mondial).

Pour autant, le pays de Xi Jinping ne peut se permettre de se reposer sur ses acquis. "La Chine doit développer une politique multipolaire, développer des partenariats tout en évitant une coalition anti-chinois", explique au HuffPost Pierre Picquart, docteur en géopolitique de l'Université de Paris-VIII, spécialiste de la Chine. Sur ce point, peu de changements à prévoir de la part du nouveau président. Ainsi, sa position non-interventionniste, qui s'illustre en Syrie par le refus de s'immiscer dans la guerre civile, ne devrait pas changer outre mesure.

Mais surtout, Xi Jinping aura besoin d'un environnement international stable pour permettre à sa nation de progresser. "La Chine est ouverte à l'extérieure, mais elle est surtout dépendante en termes de matière première, ce qui explique ses investissements en Afrique, en Australie ou en Amérique du Sud", précise Mary-François Renard, professeur à l'Université d'Auvergne et responsable de l'Idrec (Institut de Recherche sur l'Economie de la Chine) interrogée par Le HuffPost. La Chine a en effet investi dans divers pays, comme la République démocratique du Congo afin de pouvoir utiliser les ressources minières du pays en échange de la construction d'infrastructures.

"Sa stratégie au Moyen-Orient est d'ailleurs liée à cette dépendance aux ressources, et donc à sa croissance", précise-t-elle. Dernier point: la Chine devrait continuer à tenter d'imposer sa domination en mer de Chine, riche en gisements d'hydrocarbures et en ressources halieutiques, rappelle Le Monde Diplomatique dans son édition de novembre. Les tensions entre la Chine et le Japon au niveau des îles Senkaku illustre parfaitement ce problème.

2. Maintenir la croissance

La croissance, le fer de lance de l'économie chinoise. Après avoir longtemps atteint des sommets à deux chiffres, l'augmentation du PIB est redescendu depuis fin 2010 sous les 10%. Encore suffisant? Oui, répondent en cœur Mary-François Renard et Pierre Picquart, qui estiment qu'une croissance autour de 7% sera suffisante pour continuer sur la même voie.

Mais encore faut-il les atteindre. "La croissance dépend de trois facteurs: les exportations, l'investissement et la consommation intérieure", précise la directrice de l'Idrec. Pour que ce triptyque fonctionne, plusieurs améliorations doivent être mises en place, selon l'économiste:

  • Amélioration du marché du travail, avec en particulier des offres dans des secteurs à forte valeur ajoutée, un chemin que la Chine a commencé à emprunter dans les économies vertes, en devenant la première puissance éolienne du monde en 2011.
  • Amélioration du fonctionnement du système bancaire. "Actuellement, les entreprises privées ont du mal à être financées, tout comme les particuliers", précise-t-elle.
  • Poursuivre et approfondir les réformes. "Il y a encore trop de différence entre le secteur public, privilégié, et le secteur privé", lance Mary-François Renard.
  • Prendre en charge le vieillissement de la population. La politique de l'enfant unique rend aujourd'hui le système de retraite défaillant.

3. Gérer l'ascension des classes moyennes

Des Chinois font la queue pour acheter le dernier iPhone 4 d'Apple

C'est peut-être la plus grande chance et le plus grand problème de la Chine: l'avènement des classes moyennes. Dans ce pays d'1,3 milliard d'habitants, l'émergence de classe moyenne permettra de tirer la croissance du pays vers le haut via la consommation et la création de secteurs d'emplois à forte valeur ajoutée (voir plus haut). Une consommation qui semble marquer le pas pour la première fois en 2012 (article en anglais). Hu Jintao a d'ailleurs précisé dans son discours lors du congrès du PCC que la consommation intérieure était l'un des enjeux majeurs de la Chine. De nombreuses études indiquent que la Chine sera bientôt le premier marché pour de nombreux secteurs (les smartphones, le luxe, etc).

D'un autre côté, la montée des classes moyennes implique historiquement une émancipation, une meilleure éducation et une volonté d'indépendance de sa population. "Le Parti communiste sait qu'après une période de développement dirigiste, avec l'évolution du niveau de vie, les questions environnementales, plus de réformes seront nécessaires", analyse Pierre Picquart. "Mais il y a un vrai processus de démocratisation en Chine, pas à l'occidentale mais pragmatique. On peut imaginer que le Parti s'adaptera aux différentes tendances et écoutera les problématiques des plus pauvres et des classes moyennes, c'est le sens de l'histoire", croît-il savoir.

Les nombreux épisodes de censure et les contournements de celle-ci sur Internet sont un exemple parmi tant d'autres de l'évolution des mentalités chinoises, qui sont pour autant différentes des standards occidentaux. Reste à voir comment Xi Jinping prendra en compte cette évolution rapide de la société.

4. La décentralisation

Dans les prochaines années, la redistribution géographique des richesses et des investissements sera aussi l'un des grands chantiers du gouvernement. La Chine s'est construite sur ses régions côtières de l'est, délaissant pendant de nombreuses années les régions de l'ouest et du centre.

"Il y a eu beaucoup d'améliorations avec de nombreux investissements dans des provinces auparavant délaissées. Néanmoins, les inégalités demeurent importantes et il faut continuer l'effort", précise Mary-Françoise Renard. Dans les années 2000, la Chine a ainsi lancé sa "grande stratégie de développement de l'Ouest", visant à redistribuer une partie de l'investissement public dans ces régions, permettant la construction de nombreuses infrastructures et l'installation d'entreprises.

Aussi, Xi Jinping devra faire attention aux minorités chinoises. "La Chine est à l'échelle d'un continent et dirige un immense territoire à la manière d'un énorme paquebot. Elle doit avoir une stabilité politique tout en étant attentif aux demandes des minorités", affirme Pierre Picquart.

Plusieurs minorités (les tibétains, bien sûr, mais aussi les Ouïghours par exemple, une minorité musulmane) sont pour le moment opprimées par le gouvernement communiste.

5. Endiguer la corruption

Wen Jiabo, le Premier ministre chinois dont la fortune dépasserait les 2,7 milliards de dollars

Le désormais ex-président Hu Jintao a mis en garde son parti: la corruption endémique du pays pourrait s'avérer "fatale" au régime. Selon l'ONG Transparency International, la Chine est 75e sur 183 Etats dans son classement des pays les plus corrompus.

Et même si le gouvernement a voté plus 1200 lois et directives pour l'endiguer, les résultats sont pour le moins contestables. Les révélations concernant la fortune du Premier ministre chinois Wen Jiabao est un exemple parmi tant d'autres. D'ailleurs, la plupart des sondages montrent que la corruption est l'un des sujets de préoccupation les plus importants pour les citoyens chinois.

"La corruption, en plus de déstabiliser la société, pénalise l'activité économique et implique l'ensemble de la population, notamment concernant l'absence de contrôle des normes, comme par exemple avec les scandales du lait frelaté", explique Mary-François Renard.

Comment réduire cette corruption? Peut-être, comme le souhaite le gouvernement chinois, en séparant plus clairement les rôles du Parti et de l'Etat et en laissant les citoyens s'immiscer dans la vie publique afin d'apporter "plus de démocratie". L'avenir le dira.

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