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Commission Charbonneau: le maire Tremblay savait que son parti tenait une double comptabilité, dit Martin Dumont (TWITTER)

Gérald Tremblay SAVAIT, selon l'ancien organisateur de son parti
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Le maire de Montréal Gérald Tremblay a été informé que son parti pratiquait une double comptabilité lors d'élections partielles organisées en décembre 2004 dans l'arrondissement Saint-Laurent, a raconté un ex-organisateur politique du parti Union Montréal devant la commission Charbonneau.

La déclaration est tombée alors que le maire présentait son budget 2013.

« Tout ce que je peux vous dire, c'est que c'est totalement faux » a réagi Gérald Tremblay.

Martin Dumont a affirmé à la commission qu'il était mécontent de ne pas être tenu au courant des dépenses électorales faites par le parti dans le cadre de ces élections, organisées à la suite des départs des conseillers Irving Grundman et René Dussault. M. Dumont organisait la campagne, mais ne s'occupait pas du financement, qui relevait de Bernard Trépanier.

Deux semaines avant l'élection, Martin Dumont dit s'être plaint de la situation et avoir demandé une rencontre avec l'agent officiel du parti, Marc Deschamps.

C'est lors de cette rencontre avec M. Deschamps, en présence du maire Gérald Tremblay, qu'il a appris l'existence d'une double comptabilité.

« À cette rencontre là, dans mon bureau et à portes fermées, en bon français j'ai pété une coche. J'ai dit : "je ne sais pas ce qui se passe, vous ne me mettez pas au courant du financement, il y a des téléphonistes que je sais rémunérées qui ne se présentent même pas à moi, mais directement à M. Trépanier [...] Je veux savoir ce qui se passe, est-ce qu'on [...] risque de dépasser le budget électoral?'' À ce moment-là, l'agent officiel m'a sorti un document imprimé [...] et c'était deux budgets. Et c'est là qu'il m'a dit : "Mais Martin, c'est pour ça qu'on a un budget officiel et un budget officieux de campagne" [...] Dans le premier, le budget officiel, on était rendu à 43 000 $ et dans le deuxième, dit le budget officieux, on était rendu à 90 000 $ ».

« Quand M. Deschamp a sorti la feuille [...], c'est à ce moment que le maire de Montréal Gérald Tremblay s'est levé et a dit : "moi j'ai pas à savoir ça". Il a quitté, il est parti et il a fermé la porte en sortant. » — Témoignage de Martin Dumont

Selon M. Dumont, le maire n'était donc pas dans la pièce lorsque les montants ont été évoqués. Il affirme que le plafond de dépenses électorales avait été fixé à 46 000 $ pour ces élections partielles.

Selon le témoin, Bernard Trépanier lui a confirmé ultérieurement que le parti avait dépensé 110 000 $ au terme de l'exercice.

Il affirme par ailleurs que dans la double comptabilité que Marc Deschamps lui avait montrée, le montant versé aux téléphonistes était officiellement de 5000 $, mais dans le budget officieux, c'était 18 000 $ ou 19 000 $.

Marc Deschamps en bref

Marc Deschamps était jusqu'au début août 2012 l'agent officiel de la Coalition avenir Québec (CAQ), et à ce titre, celui qui autorisait toutes les dépenses électorales. Il a quitté cette fonction alors que s'amorçait la campagne électorale afin de ne pas nuire à la CAQ, en raison d'allégations à son endroit en lien avec le scandale du Faubourg Contrecoeur.

M. Deschamps a fait partie du comité de sélection qui a choisi la firme controversée Construction Frank Catania pour le projet immobilier du Faubourg Contrecoeur, à l'époque où il occupait des fonctions officielles au sein d'Union Montréal.

M. Deschamps a aussi été par le passé l'agent officiel du ministre libéral Raymond Bachand avant de rejoindre la CAQ.

Union Montréal veut faire entendre deux témoins

« Tout ce que je peux vous dire, c'est que c'est totalement faux » a réagi le maire, alors qui dévoilait son budget 2013.

« Je ne peux pas tous les jours répondre à ces questions. Je vais continuer à gérer la Ville de Montréal dans le meilleur intérêt des citoyens. Alors si vous continuez sur ce sujet, je ne vous répondrai plus », a-t-il lancé.

L'avocat d'Union Montréal, Me Michel Dorval, a fait savoir aux journalistes en début d'après-midi qu'il avait demandé à la commission d'entendre le contrôleur et l'agent officiel du parti. Ces témoignages, a-t-il dit, permettront de rétablir la « probité du maire ».

Me Dorval a soutenu que le procureur de la commission Claude Chartrand prenait cette demande très au sérieux. Il a laissé entendre que la commission serait responsable d'une « crise politique » si elle refusait d'entendre les témoins proposés.

Me Dorval a aussi dit que le maire Tremblay était prêt à témoigner devant la commission, mais que celle-ci ne voulait pas l'entendre en ce moment.

De mystérieuses visites au bureau de M. Trépanier

Martin Dumont a aussi expliqué en matinée que de nombreux représentants de firmes de génie-conseil se présentaient au bureau de M. Trépanier, à la permanence de l'Union des citoyens et citoyennes de l'île de Montréal, comme se nommait le parti du maire Tremblay à l'époque.

À chaque fois, a-t-il raconté, l'argentier fermait la porte et les stores verticaux de son bureau.

Martin Dumont avoir notamment aperçu les personnes suivantes:

  • Michel Lalonde, du groupe Séguin (à plus de 10 reprises);
  • M. Lanni, aussi du groupe Séguin (à 2 ou 3 reprises);
  • Yves Cadotte, responsable du développement des affaires chez SNC-Lavalin (au moins 5 reprises);
  • Bernard Poulin du groupe SM (à cinq reprises);
  • Charles Meunier, responsable du développement des affaires chez BPR (à 3 ou 4 reprises);
  • Jean-René ou Jean-Pierre Sauriol du groupe Dessau (à 2 reprises);
  • Kazimir Olechmowicz de la firme CIMA+ (à 3 reprises);
  • Rosaire Sauriol, de Dessau (à 5 reprises);
  • Yves Théberge de CIMA+ (à 3 ou 4 reprises);
  • Gilles Cloutier, de la firme Roche (à 3 ou 4 reprises).

Selon Martin Dumont, la plupart de ces personnes assistaient souvent voire tout le temps aux activités de financement qu'organisait l'UCCIM à l'époque. Il n'a cependant pas eu l'occasion de préciser si c'était le cas pour Bernard Poulin.

Deux entrepreneurs en construction, Paolo Catania de Frank Catania et associés, et Lino Zambito d'Infrabec, sont aussi venus rencontrer Bernard Trépanier à la permanence du parti, a affirmé le témoin.

Martin Dumont était à l'époque directeur de l'organisation pour 10 arrondissements de l'est et du centre de Montréal pour le parti du maire Tremblay, qui s'appelait alors Union des citoyens et des citoyennes de l'île de Montréal (UCCIM). Son bureau était situé non loin de celui de M. Trépanier.

Le comptant très présent dans les activités de financement

Martin Dumont avait précédemment raconté que beaucoup d'argent comptant circulait lors des activités de financement organisées par l'UCCIM.

Il a raconté que lors d'une activité organisée en novembre 2004 au profit du parti dans l'arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, il avait été fortement incité à aller aux toilettes par l'entrepreneur en construction Nicolo Milioto. Ce dernier lui avait alors remis une enveloppe qui aurait contenu 10 000 $ en argent comptant.

Mal à l'aise, Martin Dumont raconte être allé remettre le tout à Bernard Trépanier, qui était présent. Par la suite, deux autres entrepreneurs ont aussi voulu « aller aux toilettes » avec M. Dumont. Ce dernier dit leur avoir répondu d'y aller avec M. Trépanier.

M. Dumont dit que lors de cette activité, le parti avait amassé 50 000 $, soit la moitié de l'objectif fixé. Deux jours plus tard, a raconté le témoin, Bernard Trépanier l'a appelé pour qu'il aille chercher les 50 000 $ manquants au restaurant Onyx de Laval. L'argent devait lui être remis par Tony Accurso.

M. Trépanier a finalement rappelé M. Dumont pour lui dire qu'il n'avait pas besoin d'aller chercher l'argent.

Pourquoi ne pas dénoncer?

Martin Dumont s'est fait demander pourquoi il n'avait pas dénoncé les situations irrégulières dont il avait été témoin. Avant même qu'on ne lui présente une double comptabilité en décembre 2004, l'ex-organisateur du parti avait pourtant aperçu un coffre-fort bourré d'argent dans le bureau de M. Trépanier et s'était fait remettre une enveloppe par Nicolo Milioto.

M. Dumont a répondu qu'il avait déjà questionné le directeur général du parti Christian Ouellet à ce sujet, et que ce dernier lui avait dit que tout était légal. Il lui avait aussi recommandé de se concentrer sur ses activités d'organisateur et de ne pas se soucier du financement.

M. Dumont dit qu'il a aussi songé à prévenir la police et le Directeur général des élections du Québec, mais qu'il ne l'avait pas fait. Il n'a pas davantage parlé de la situation avec le maire Tremblay, dont il avait été conseiller municipal de 2001 à 2004, puisque celui-ci avait prouvé en décembre 2004 qu'il ne voulait « pas savoir ça »

Luindi, M. Dumont avait révélé qu'il avait vu à l'automne 2004 un coffre-fort bourré d'argent dans les bureaux que M. Trépanier occupait à la permanence du parti, située rue Saint-Jacques.

Appelé en renfort par M. Trépanier, qui n'arrivait pas à fermer le coffre-fort, M. Dumont dit avoir été « choqué » et « ébranlé » de constater qu'il était bourré de billets de 50 $, de 100 $ et de 1000 $.

Le problème s'est résolu lorsque M. Trépanier a retiré quelques billets de banque du coffre-fort de 60 cm par 60 cm pour les mettre dans ses poches. Peu après, un coffre-fort deux fois plus grand avait été acheté.

Le témoignage de M. Dumont n'a pas permis d'établir d'où provenait l'argent qui se trouvait dans le coffre-fort, ni à quelle fin il devait être utilisé.

Bernard Trépanier a été accusé de fraude, de complot et d'abus de confiance dans l'affaire du Faubourg Contrecoeur. L'ex-président du comité exécutif de la Ville Frank Zampino et l'entrepreneur en construction Paolo Catania sont aussi accusés dans cette affaire.

Trépanier aurait été actif sans être rémunéré

Selon Martin Dumont, Bernard Trépanier a été rémunéré pour ses services de responsable du financement de l'UCCIM entre le moment de son embauche, en 2004, et son départ « officiel », en 2006.

Le témoin a cependant affirmé que M. Trépanier avait continué de remplir ses fonctions, même après qu'il eut cessé de travailler à la permanence du parti, en 2006.

Martin Dumont a soutenu que c'était Bernard Trépanier lui-même qui l'avait informé de cette situation en 2007. Le témoin était alors devenu chef de cabinet du maire de l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, Cosmo Maciocia.

Avant de devenir organisateur politique pour l'UCCIM, en 2004, Martin Dumont a aussi été conseiller spécial du maire Tremblay pour les dossiers relatifs à la jeunesse.

Des entrepreneurs dans le camp du non aux défusions

Un peu plus tôt, Martin Dumont avait raconté qu'une quinzaine de personnes, dont des entrepreneurs en construction et des employés de firmes de génie, avaient légalement donné des chèques de 10 000 $ à Bernard Trépanier au printemps 2004.

L'argent avait été versé lors de la période d'enregistrement pour les comités du oui et du non qui devaient être formés en vue de la campagne sur les défusions municipales. L'UCCIM était alors dans le camp du non.

Selon Martin Dumont, le Directeur général des élections du Québec avait publié une directive qui spécifiait qu'au cours de cette période s'étendant du 22 avril au 20 mai 2004, les dons politiques n'étaient pas plafonnés, et leur provenance n'avait pas à être spécifiée.

Bernard Trépanier avait alors organisé un petit déjeuner à 10 000 $ le couvert, a dit le témoin. Nicolo Milioto, propriétaire de Mivela Construction, et quelqu'un de chez Garnier Construction ont notamment versé cette somme.

Lors de son témoignage à la commission Charbonneau, Lino Zambito a soutenu qu'Union Montréal percevait 3 % de la valeur des contrats truqués accordés par la Ville entre 2005 et 2009.

L'ingénieur à la retraite Gilles Surprenant a plutôt évoqué qu'une tranche de 3 % était destinée au comité exécutif de la Ville de Montréal.

Lundi matin, un ex-partenaire d'affaires de Paolo Catania, Elio Pagliarulo, a affirmé que l'ex-président du comité exécutif de la Ville de Montréal Frank Zampino a reçu des pots-de-vin totalisant 555 000 $ dans le cadre de ce scandale financier.

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