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Nicolas Sarkozy redevient un justiciable comme les autres : le retour des affaires Bettencourt, Kadhafi, Karachi...

Fin de son immunité présidentielle
LIONEL BONAVENTURE / AFP

AFFAIRES - S'il n'a pas encore repris son métier d'avocat, Nicolas Sarkozy n'en a pas pour autant fini avec la justice. Un mois jour pour jour après son départ de l'Elysée et la passation de pouvoir avec son successeur, Nicolas Sarkozy redevient ce vendredi 15 juin un justiciable comme les autres avec la fin de son immunité présidentielle.

Cette immunité, définie par l'article 67 de la Constitution et que François Hollande s'est engagé à modifier, prévoit que le président de la République en exercice ne peut "être requis de témoigner" ni "faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite". La jurisprudence a étendu cette protection aux affaires antérieures à l'élection du chef de l'Etat, ce qui n'a pas manqué de semer la zizanie sous les mandats de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy.

Cette interdiction est levée un mois après la cessation de ses fonctions, autorisant désormais les magistrats à interroger, voire poursuivre l'ancien président de 57 ans, comme n'importe quel autre Français.

La justice a d'ailleurs fait la preuve de sa capacité à sanctionner les délits des hommes politiques, même si elle y a mis le temps. Jacques Chirac avait été le premier chef d'Etat français rattrapé par ses démêlés judiciaires après la fin de sa présidence. Cité dans plusieurs affaires, il avait été entendu comme témoin dans quelques unes, la première fois deux mois après son départ de l'Elysée, le 19 juillet 2007. Mais c'est dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris qu'il avait été condamné à deux ans de prison avec sursis, le 15 décembre 2011. Une première.

Cité dans quatre affaires distinctes, Nicolas Sarkozy connaîtra-t-il le même destin?

L'AFFAIRE WOERTH-BETTENCOURT

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CE DONT IL S'AGIT: A l'évidence, le dossier le plus chaud reste celui de l'affaire Woerth-Bettencourt, une tragédie familiale impliquant la première fortune de France aux multiples ramifications sur fond de financement illégal de la campagne présidentielle de 2007. Les premiers à vouloir entendre Nicolas Sarkozy pourraient donc être les juges bordelais en charge de l'affaire.

L'instruction a connu une brutale accélération ces derniers mois, qu'il s'agisse du volet familial, tranché en faveur de l'héritière de Liliane Bettencourt par la juge des tutelles, ou des soupçons de trafic d'influence, qui ont abouti à la mise en examen et l'incarcération le 23 mars dernier, de Patrice de Maistre, l'ex-conseiller financier de Liliane Bettencourt.

Reste le volet présidentiel de l'affaire, dans lequel Eric Woerth, alors trésorier du candidat Sarkozy, et le président lui-même ont été accusés d'avoir touché des enveloppes d'argent liquide pour financer la campagne de 2007. Ces enveloppes ont-elles réellement existé? Nicolas Sarkozy a-t-il réellement perçu de l'argent en liquide des mains du clan Bettencourt? Et si non, était-il au courant des activités présumées de son trésorier?

CE QU'IL EN DIT:L'intéressé a toujours tout démenti en bloc. "Sur les ragots, sur la médisance, sur la méchanceté, sur la volonté de détruire et de démolir, permettez-moi de vous opposer le mépris le plus cinglant", avait-il répondu à Eva Joly par médias interposés pendant la campagne présidentielle. Sur le fond de l'affaire, Nicolas Sarkozy a rappelé pendant la campagne de 2012 que ses comptes de 2007 ont été validés au lendemain de la présidentielle.

CE QU'IL RISQUE: Le code électoral prévoit une peine d'un an de prison et/ou une amende de 2 250 à 3 550 euros pour tout don (reçu ou donné) supérieur au 4 600 euros en période de campagne (et 7500€ hors campagne). Les dons en liquide ne peuvent excéder 150 euros.

Le délai de prescription pour financement illégal de campagne n'est que de 3 ans. Mais l'article 67 de la Constitution rappelle que l'immunité présidentielle, qui repousse toute procédure judiciaire visant le chef de l'Etat, prévoit également que "tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu" le temps du mandat.

L'AFFAIRE KADHAFI

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CE DONT IL S'AGIT: L'affaire Kadhafi, portant sur des soupçons de financement illégal de la campagne de 2007 par la Libye, n'en est pas une en tant que telle, aucune enquête officielle n'étant actuellement en cours. Nicolas Sarkozy a donc peu de chance d'être entendu, du moins à brève échéance, sur les documents révélés par le site d'investigation Mediapart faisant état d'un "accord de principe" conclu en 2006 avec Tripoli pour apporter à la campagne du candidat Sarkozy 50 millions d'euros.

Des accusations du même acabit, mais sans grande précision, avaient été proférées par le clan Kadhafi lui-même, en pleine guerre contre la Libye, ce qui ne joue pas en faveur de la crédibilité de l'accusation.

CE QU'IL EN DIT:Nicolas Sarkozy a porté plainte pour "faux" et "publication de fausses nouvelles" contre Mediapart. Lequel a riposté en déposant une plainte en dénonciation calomnieuse contre le président sortant. "infamie".

CE QU'IL RISQUE: Comme pour l'affaire Bettencourt, la règle du financement des campagnes limitant les dons à 4600€ par personne pendant les élections pourrait s'appliquer. Les dispositions de trahison en lien avec une puissance étrangère prévues par le code pénal ne peuvent s'appliquer ici.

L'AFFAIRE KARACHI

karachi

CE DONT IL S'AGIT: Dans l'affaire Karachi, les juges enquêtent sur un éventuel financement occulte de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, par le biais de rétrocommissions présumées versées dans le cadre de contrats d'armement, mises en lumière dans l'enquête sur l'attentat de Karachi (Pakistan) du 8 mai 2002.

Nicolas Sarkozy était en 1995 ministre du Budget et porte-parole de campagne de M. Balladur mais "il y a beaucoup d'investigations à réaliser avant son éventuelle audition" par les enquêteurs, estime un avocat interrogé par l'AFP sous couvert d'anonymat. "Le coeur de l'enquête, c'est François Léotard - alors ministre de la Défense - Balladur et le financement du Parti républicain", selon cet avocat qui ne juge pas "urgente" l'audition de l'ex-président.

La déclassification de certains documents, aujourd'hui protégés par le secret défense mais que François Hollande s'est engagé à rendre publics, pourrait également changer la donne. En bien comme en mal.

CE QU'IL EN DIT: Dans ce dossier, comme dans l'affaire Bettencourt, Nicolas Sarkozy a démenti toute irrégularité, rappelant à juste titre qu'il "n'a jamais exercé la moindre responsabilité dans le financement de cette campagne". En septembre 2011, l'Elysée indiquait que le nom du chef de l'Etat "n'apparaît dans aucun des éléments du dossier", "d'autant plus qu'à l'époque où il était ministre du Budget, il avait manifesté son hostilité à ce contrat comme cela apparaît dans les pièces de la procédure".

CE QU'IL RISQUE: Difficile d'évaluer les éventuelles charges qui pourraient peser sur le chef de l'Etat, dont la responsabilité devra être démontrée à plusieurs niveaux. Une chose est sûre, le versement de commissions était à l'époque légal. De là à démontrer l'implication de Nicolas Sarkozy dans l'organisation du versement des rétrocommissions...

L'AFFAIRE DES SONDAGES DE L'ELYSÉE

giacometti buisson

CE DONT IL S'AGIT: L'affaire dite des sondages de l'Elysée, visant une convention signée entre l'Elysée et le cabinet d'études Publifact, dirigé par Patrick Buisson, un proche de Nicolas Sarkozy, conseiller très spécial durant ses deux campagnes présidentielles, devrait rebondir après la levée de l'immunité présidentielle qui, en novembre 2011, avait fait barrage à l'enquête.

L'Elysée est soupçonné d'avoir commandé un pléthore d'études d'opinion à des sociétés dont les dirigeants sont des proches du chef de l'Etat sans être passé par un appel d'offre public. Après la publication d'un rapport de la Cour des comptes épinglant des cas de surfacturation, la cour d'appel de Paris s'était opposée, en novembre 2011, à ce qu'un juge d'instruction enquête sur le contrat, sans mise en concurrence, conclu en 2007 entre l'Elysée et Publifact pour la réalisation de sondages.

L'affaire a pris une nouvelle tournure en avril 2012 après les révélations du militant écologiste Raymond Avrillier, qui a obtenu du tribunal administratif copie d'une partie des très nombreux sondages commandés par l'Elysée. Or, "264 sondages pour un montant de 6,35 millions d'euros ont été commandés par la présidence de la République entre juin 2007 et juillet 2009 dont certains ont été clairement utilisés par l'UMP notamment en vue de l'élection présidentielle de 2012", a-t-il annoncé.

François Hollande a pour sa part annoncé que l'Elysée ne commanderait plus de sondages et s'appuierait sur ceux publiés dans la presse.

CE QU'IL EN DIT: Nicolas Sarkozy ne s'est jamais exprimé directement sur la question.

CE QU'IL RISQUE: Le délit de favoritisme est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende par l'article 432-14 du code pénal, rappelle l'association Anticor, qui a porté plainte. Mais si certains bons de commande pouvaient venir à manquer, Encore faut-il prouver la responsabilité du président dans l'affaire.

LE CAS DE L'APPARTEMENT DE L'ÎLE DE LA JATTE

Loin des soupçons de financement illégal, l'affaire dite de l'Île de la Jatte est un dossier purement privé. Fin mars 2012, le site d'investigation Mediapart a mis en doute la légalité de l'achat par Nicolas Sarkozy en 1996 d'un appartement de 216 m² en duplex sur l’île de la Jatte, quartier cossu de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).

Pour acquérir cet appartement, l'ex-maire de Neuilly affirme avoir contracté plusieurs emprunts, dont un de 3 millions de francs auprès de l’Assemblée nationale qui proposait alors des taux très avantageux (2% pendant cinq ans, puis 0%). Problème: Mediapart avait obtenu confirmation auprès de l'Assemblée nationale qu’un député ne pouvait emprunter plus de 196.000 euros (soit 1,183 million de francs). Où l'ancien président a-t-il trouvé les 2 millions de francs manquants? Interrogé pendant sa campagne de 2012, Nicolas Sarkozy avait botté en touche. Pour rappel, en 2007, une enquête préliminaire avait été ouverte à propos de l’appartement de Nicolas Sarkozy par le nouveau procureur des Hauts-de-Seine, Philippe Courroye, un proche du chef de l'Etat. Elle avait été classée sans suite.

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