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Elections américaines: rien n'est joué

En politique, un mois équivaut à une année, et une année à toute une vie. Si certains donnent déjà Romney gagnant, il faut jeter un oeil aux chiffres d'Obama qui ne se sont pas -encore- effondrés. Romney a simplement amélioré les siens, après sa prestation doucement fuyante, apparemment raisonnable, et presque digne d'un gentleman, à Denver.
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A young girl waits as US Republican presidential candidate Mitt Romney shakes hands with supporters after speaking at Shelby County Fairgrounds during a victory rally in Sidney, Ohio, October 10, 2012. AFP PHOTO/Jim WATSON (Photo credit should read JIM WATSON/AFP/GettyImages)
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A young girl waits as US Republican presidential candidate Mitt Romney shakes hands with supporters after speaking at Shelby County Fairgrounds during a victory rally in Sidney, Ohio, October 10, 2012. AFP PHOTO/Jim WATSON (Photo credit should read JIM WATSON/AFP/GettyImages)

Le regretté Paul Tully était un agent très apprécié de la campagne démocrate, en avance sur son temps pour débusquer les électeurs à travers le pays.

Il est mort d'avoir mené une vie trop intense en 1992, à 48 ans. Mais s'il était encore en vie, il dirait aux démocrates: ne paniquez pas. Ce n'est pas fini tant que ce n'est pas fini.

Bien avant Facebook et Twitter, à l'aube de l'ère des emails, Tully a trouvé comment faire gagner Bill Clinton en 1992, en se focalisant sur les électeurs indécis le long de la rivière Ohio depuis Pittsburgh jusqu'à St Louis.

Après la convention démocrate, Bill Clinton et Al Gore sont montés dans un bus qui suivait l'itinéraire de Tully. Tully est mort un mois plus tard, mais le duo a ensuite remporté la Pennsylvanie, l'Ohio, la Virginie-occidentale, le Kentucky, le Tennessee et le Missouri -et ont éjecté de la Maison Blanche le président George Bush (père).

Un jour, j'étais dans un bar avec Tully à Boston et après quelques verres, il a eu cet éclair de lucidité dont je me rappelle parfaitement:

"La politique est un univers tout en courbes et interactif. Chaque action, chaque donnée ont un effet sur celles qui suivent." Il a continué: "Il n'y a pas d'extrapolations linéaires dans une campagne électorale. Tu ne peux pas tracer une ligne droite entre deux points et la poursuivre jusqu'au résultat final. Ca ne marche pas comme ça."

Exactement.

Il y a dix jours, les journalistes, les analystes, et autres idiots de ce genre se demandaient tout haut si le président Barack Obama allait écraser Mitt Romney, son rival alors bien malheureux.

Avant le débat de mercredi dernier, l'un des grands "vizirs" des sondages avait affirmé que personne s'étant trouvé en queue de peloton, comme alors Romney, n'en était revenu pour remporter la Maison Blanche.

C'est une déclaration qui prête désormais à sourire.

De mon propre point de vue, il était bien trop tôt pour juger Romney hors course. J'ai écrit et dit qu'un type qui avait fait autant d'erreurs -qui en avait reçu autant sur la tête et qui restait cependant à portée de voix du président dans la course- avait toujours une chance.

Moins d'une semaine plus tard, la situation semblait s'être complètement inversée. Le débat de Denver a propulsé Romney en tête, et resserré la course dans les états-clé, à tel point qu'une victoire de Romney au collège électoral semble désormais tout à fait possible -et non plus un vœu pieu comme elle semblait l'être pour les républicains, il y a encore quelques jours.

Ici à Washington, les démocrates qui n'aiment pas Obama -le voyant comme un solitaire arrogant qui ne fait jamais appel à eux- semblent presque se réjouir de ce qui semble être sa chute imminente. J'ai parlé à l'un d'eux mardi soir. Il a comparé le débat de Denver au discours de Ronald Reagan en 1980, qui, en un seul soir, avait rassuré la nation, renvoyant ainsi le président Jimmy Carter à sa ferme de cacahouètes en Géorgie.

Un média, qui jusqu'ici avait largement soutenu Obama, fait rapidement marche arrière, choisissant d'écrire des articles plus mesurés sur Romney, et en cherchant d'autres pour raconter l'effondrement d'Obama. Des auteurs jusqu'ici considérés comme des "libéraux" et/ou du côté d'Obama se mettent soudain à écrire que Romney N'EST PAS un menteur, qu'il pourrait s'avérer être quelqu'un de bien et qu'il est en fait très perspicace.

Une chose à savoir des médias: ils sont à vos pieds ou à votre gorge.

Mais la course n'est pas plus finie maintenant qu'elle ne l'était il y a une semaine. Et puisque hélas Paul Tully n'est plus là pour le faire, je vais tâcher d'expliquer pourquoi.

Tout d'abord, quoiqu'en disent les amateurs de chiffres et les analystes d'opinion, il peut se passer des choses durant le dernier mois de campagne présidentielle. En politique, un mois équivaut à une année, et une année à toute une vie.

Deuxièmement, les chiffres d'Obama ne se sont pas - encore - effondrés. Romney a simplement amélioré les siens, après sa prestation doucement fuyante, apparemment raisonnable, et presque digne d'un gentleman, à Denver.

Troisièmement : la base démocrate n'est peut être pas aussi enflammée par l'enthousiasme délirant de 2008 ; mais le parti est bien plus uni qu'il ne l'est habituellement. Les gens sont déçus du Président sur telle ou telle question, mais il n'y a pas de fronde anti-Obama.

Quatrièmement, on n'est plus en 1980. Reagan avait débattu avec Carter une semaine avant les élections, un moment parfait pour le challenger. A ce moment là, Reagan était à égalité dans les sondages avec le président, mais les électeurs indécis, qui ne le connaissaient que par l'image négative de publicités et une couverture presse hostile, étaient inquiets qu'il ne se réduise à un anti-communiste gâteux et ronchon, qui détruirait la Sécurité sociale et lancerait le premier un missile sur Moscou.

Mais ce qu'ils ont alors vu à la télévision était un homme gentil et doux, qui posait cette simple question: "Etes-vous mieux maintenant qu'il y a quatre ans?"

La partie était désormais jouée, notamment parce que Carter, qui était bien moins apprécié qu'Obama, n'avait pas le temps de se rattraper avant le jour des élections.

Obama a un mois.

Cela ne veut pas dire que les démocrates n'ont pas de raisons de s'inquiéter.

Si Tully était vivant, je pense qu'il serait furieux contre la façon dont la campagne d'Obama met l'accent sur le problème du budget de la chaîne publique PBS et de son personnage Big Bird. Ce n'est pas que la croisade pour les droits aviaires soit idiote ou que les fonds de PBS soient indéfendables. C'est que la réduction des déficits est une question républicaine, pas démocrate. Est-ce que quelqu'un a prévenu le Président que le déficit annuel est de plus de mille milliards?

Tully dirait au Président qu'il doit se concentrer avec fierté sur ce qu'il a déjà fait de bien, bien plus que ce qu'on lui attribue en l'occurrence. Il utiliserait ce dernier mois pour renvoyer à la maison la menace que représentent Romney et ses amis d'autrefois du Tea party, sur toute l'architecture de l'aide sociale construite depuis le New deal et toujours très appréciée. Il dirait même au Président qu'il doit se souvenir de son propre héritage irlandais, savourer la bataille, et prendre un verre ou deux.

Rien n'est fini tant qu'Obama n'agit pas comme si ça l'était.

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