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Shutdown: pourquoi la politique américaine est en crise

Pourquoi l'Amérique est-elle au bord de la crise de nerf politique et fiscale? Nous ne sommes pas menacés de l'extérieur: pas de "-isme" ou "axe" venus de l'étranger. Nous sommes simplement restreints par notre incapacité à gérer nos propres finances. Pourquoi? Voici 15 raisons.
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Pourquoi les États-Unis sont-ils au bord de la crise de nerf politique et fiscale? Nous ne sommes pas menacés de l'extérieur: pas de "-isme" ou "axe" venus de l'étranger. Nous sommes simplement restreints par notre incapacité à gérer nos propres finances.

Pourquoi ? Voici 15 raisons.

1. Le Tea Party

Dans une réaction radicale contre le sauvetage de Wall Street en 2008, le plan de relance de 2009 et l'Obamacare en 2010, le Tea Party a pour objectif de cesser de financer et de décrédibiliser le gouvernement fédéral. Paralyser les rouages législatifs est un moyen, mais aussi une fin.

2. Une croissance au ralenti

Le Tea party a raison sur une chose - jusqu'à un certain point. Les politiciens ont, à l'évidence, trop dépensé à la fois pour la guerre et pour les programmes sociaux, parce que l'économie américaine avait jusqu'ici progressé assez vite pour maintenir le pays à flot. Mais ce temps est révolu. Nous devons faire des choix douloureux, mais nous ne sommes pas encore prêts à nous y confronter ouvertement.

3. L'Obamacare

Les Etats-Unis sont la seule puissance industrielle mondiale à être dépourvue d'une assurance maladie nationale, et même si l'Obamacare repose sur le traditionnel modèle américain alliant secteur privé et régulation d'état, c'est une pilule difficile à avaler pour les politiciens américains. Jamais un programme social n'est passé avec si peu de soutien des deux partis (bien que la Sécurité sociale n'en était pas loin). Le Président Barack Obama avait estimé qu'une décision de la Cour suprême en sa faveur et sa propre réélection en 2012 suffiraient à régler le problème. Il avait tort. Il est difficile de savoir s'il aurait pu faire quelque chose pour apaiser les craintes du Tea party, mais le fait est qu'il n'a pas vraiment essayé.

4. Les notations des lobbys

Le principal regroupement syndical des Etats-Unis, l'AFL-CIO, a inventé un système de notation pour établir l'historique des votes des représentants "pro-syndicats"; les conservateurs chrétiens l'ont adopté. Mais l'activiste anti-impôts Grover Norquist et le Président de la Heritage Fondation, Jim DeMint, ont accentué la tendance. Les membres républicains du Congrès vivent dans une peur viscérale d'une mauvaise note et votent en conséquence.

5. Deux cultures

Auparavant, les Américains vivaient dans un monde dont ils partageaient les valeurs sociales, même si des millions de personnes étaient forcées de les accepter. Désormais les électeurs vivent dans deux univers moraux parallèles: l'Amérique séculaire des grandes villes et l'Amérique profonde très croyante. Et les médias modernes ne font qu'accentuer cet isolement. Les Américains peuvent passer le plus clair de leur temps enveloppés dans un gestalt journalistique, à regarder une version de la réalité ou une autre, venant d'une seule chaîne télé /d'un seul site internet. Cela rend les différences politiques plus difficiles à réconcilier.

6. L'ignorance du Congrès

Pour bien des raisons - l'effondrement du système des comités, le rythme effréné de la couverture média, la complexité croissante de la législation, le recours systématiques à des "mesures de financements temporaires" fourre-tout, le temps passé à lever des fonds de campagne -, et pour encore d'autres raisons, un nombre choquant de législateurs n'ont aucune idée de ce dont ils débattent, de ce qu'ils dénoncent ou de ce pour quoi ils votent. Un sénateur m'a ainsi confié de façon anonyme: "Il y a ici un pourcentage assez délirant de personnes qui sont intellectuellement paresseuses, ou distraites, ou ignorantes, voire les trois".

7. L'argent tout-puissant

Comme l'a un jour déclaré un stratège démocrate, James Carville, l'argent n'est pas seulement "le lait de la politique, c'est aussi le lait en poudre et même le lait concentré". Mais depuis le Gilded Age ("l'Age d'or" de la fin 19ème), on n'avait pas connu d'époque où l'argent exerce une telle influence sur le pouvoir. La Cour Suprême est farouchement déterminée à étendre davantage ce pouvoir. Cette attitude a eu jusqu'ici pour résultat de libérer la droite anti-gouvernement, conduite par des milliardaires comme les Frères Koch et Sheldon Adelson. Ils ne manifestent ni patience, ni confiance dans "les procédures habituelles" du Congrès, ou dans ses accords législatifs à moitié satisfaisants. Ils sont habitués à dépenser de l'argent pour imposer leur façon de voir les choses.

8. L'évolution des partis

Les partis politiques n'arrivent plus à générer un consensus. Ils ne contrôlent pas l'argent; ce sont les gros bonnets. Ils ne décident pas des programmes; ce sont les groupes aux intérêts idéologiques. Tout ce qui leur reste, ce sont leurs principes fondamentaux: pour les républicains, pas de nouvelles taxes; pour les démocrates, défendre la Sécurité sociale, le Medicare et l'Obamacare. Plus les partis sont devenus monochromes en termes d'idéaux, moins ils sont capables d'orchestrer des accords législatifs pragmatiques. Et comme les spécialistes politiques Norm Ornstein etTom Mann l'ont dit, nous vivons désormais dans un système parlementaire de séparation des pouvoirs fragile où des partis tribaux pratiquent le "ça passe ou ça casse".

9. Ma circonscription m'appartient

Le redécoupage des circonscriptions électorales n'est pas nouveau. Le nom et le phénomène date du début du 19ème siècle. Mais la combinaison de la technologie et de lois fédérales de droits civiques a conduit à l'établissement d'un nombre inhabituel de circonscriptions électorales "sûres", aussi bien démocrates que républicaines. Les démocrates emportent plus de circonscriptions à fortes populations issues des minorités; les républicains ont utilisé leur contrôle sur les législatures des états pour créer des circonscriptions à majorité de blancs conservateurs. Si elle dessert le pays, la situation convient parfaitement aux deux partis. Résultat : les républicains du Tea party peuvent émettre des exigences en toute impunité, et les républicains "modérés" risquent d'être mis au défi par la droite s'ils sont considérés comme des collaborateurs.

10. La fin de la "procédure habituelle"

La vieille machinerie législative du Congrès a été largement mise à mal, ce qui signifie que toute proposition de loi importante est une crise existentielle, et que toute crise est un effondrement possible. Les réformes du budget des années 1970, destinées à faciliter le flux des décisions financières, ont, au contraire, fini par le bloquer. Le système des comités gît en ruine, privé d'appui, de fonds réservés, d'indépendance et de fortes personnalités - soit, la discipline et le savoir-faire rendant possible des négociations. Tout désormais se résume à une question de vie ou de mort.

11. Ils ne se connaissent pas ou se détestent

Le Congrès reflète notre culture socialement divisée. Les membres ont peu de contacts avec ceux de l'autre parti. Ils sont trop occupés à lever des fonds, donner quelque chose en pâture à leurs médias préférés ou préparer leur stratégie partisane. Le "facteur de séduction" est peut-être surfait, mais avoir des relations personnelles profondes peut aider, comme en témoigne Chris Matthews, présentateur politique sur la chaîne MSNBC, et ancien employé du Congrès, dans son dernier livre, Tip and the Gipper : When Politics Worked. Aujourd'hui, c'est tout simplement l'inverse : les membres d'un parti font campagne contre leurs "collègues" de l'autre parti, se rendant même en personne dans l'Etat ou la circonscription de ce dernier. Voyez ainsi la relation entre le chef de la majorité démocrate Harry Reid et celui de l'opposition républicaine, Mitch McConnell.

12. Sous-estimer Obama

La majorité de la presse généraliste n'a pas pris au sérieux le Président, le considérant comme un faible négociateur. Bien des démocrates n'ont pas apprécié les marchés qu'il a passés pour allonger en 2010 les réductions d'impôts de Bush, pour instaurer le "sequester" du budget en 2011, ni le fait qu'il n'ait pas haussé davantage d'impôts en 2012. Mais tout ceci a poussé les républicains à sous-estimer la résolution d'Obama, et à croire qu'ils pourraient le forcer à faire des concessions sur la seule chose qui lui tenait vraiment à cœur: l'Obamacare. Cela s'est révélé un choix tactique désastreux. certes, le public a des doutes sur le plan de protection santé - des doutes renforcés par les défaillances du lancement du système en ligne. Mais le public ne veut pas pour autant utiliser le shutdown du gouvernement ou la lutte pour le plafonnement de la dette pour envoyer des messages sur la protection santé.

13. Le nouvel Iowa

Il y avait autrefois un hiatus entre deux campagnes présidentielles. Et fut un temps aussi où la tradition interdisait aux nouveaux sénateurs de commencer leurs campagnes présidentielles dés qu'ils mettaient le pied à Washington. Ce n'est plus le cas. Ceci s'explique en partie par le besoin incessant de lever des fonds, de s'organiser et d'attirer l'attention des médias ; et en partie par l'exemple donné en 2005 par le sénateur - à l'époque - Obama. Inutile de se demander pourquoi le sénateur Ted Cruz, arrivé il y a quelques mois à peine, mène la révolte républicaine comme un moyen de faire campagne pour être président. Il se moque éperdument de faire passer un projet de loi au Congrès. En réalité, toute sa campagne est fondée sur l'idée même de ne rien faire passer.

14. L'Amérique de l'Apocalypse

Certes, le pacte gagnant-gagnant est une idée séduisante - dans les réseaux sociaux et le monde des affaires. Mais la culture populaire américaine exige qu'il y ait une victoire écrasante, des coups terribles, une lutte où le gagnant rafle la mise, des sagas apocalyptiques et délirantes. Les conseillers de la Maison Blanche parlent de "briser le pouvoir" du Tea Party et ils se félicitent à chaque nouveau sondage montrant la chute croissante de popularité du parti républicain. Et pourtant, comment se réjouir de voir le parti républicain à terre quand l'économie mondiale est en lambeaux ? Nous vivons une époque dans laquelle l'ultimate fighting prévaut sur la boxe; où le football prévaut sur le baseball ; où les concours de talents surpassent les émissions de variété; la série "The Walking Dead" est devenue le nouveau "Friends". Pas étonnant que Washington ressemble à ce qu'il est.

15. Vous n'êtes pas mon Président

Il est difficile de savoir à quel moment, dans l'ère moderne, les Américains ont cessé de croire que leur Président était celui de tous les Américains. Cela a peut-être commencé avec Lyndon Johnson, dont l'ascension après l'assassinat de John F. Kennedy n'a pas été du tout au goût des partisans de Kennedy. Bien des électeurs ont fini par considérer Richard Nixon comme un usurpateur. En 1992, de nombreux républicains ont refusé d'accepter la légitimité de l'élection de Bill Clinton, une attitude qui a abouti à sa mise en accusation. Mais rien ces dernières décennies n'est comparable à la peur viscérale et à la haine qu'une minorité d'Américains expriment envers Barack Obama, qu'ils voient comme un étranger, une force dictatoriale. Inutile de nier qu'il y a là une part de racisme et de xénophobie. Certes, les ennemis les plus acharnés d'Obama n'apprécieraient de toute façon pas un avocat de droit libéral, diplômé d'Harvard, et venu d'une grande ville. Mais le fait que celui-ci soit noir et porte un nom peu commun en Amérique renforce leur méfiance. Les supporters d'Obama le suivent du fait de son parcours. Mais l'envers de l'hagiographie est la "démonisation", et c'est précisément là qu'en sont ses adversaires. Ce qui, à l'évidence, ne facilite pas la conciliation.

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