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Comment s'est passé le dialogue avec l'envoyé spécial en Libye durant toute une année?

Le dialogue durant toute une année a été parasité par de nombreux acteurs extérieurs. Les Libyens, ne sachant comment ils sont arrivés à un tel résultat dans leur pays et dont le passé a été fracassé mêlant en vrac le bon et le mauvais, ont perdu tout repère.
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Le dialogue durant toute une année a été parasité par de nombreux acteurs extérieurs. Les Libyens, ne sachant comment ils sont arrivés à un tel résultat dans leur pays et dont le passé a été fracassé mêlant en vrac le bon et le mauvais, ont perdu tout repère. Le résultat est très affligeant. À l'instar de girouettes, les acteurs n'ont de cesse de se réfugier naïvement auprès de certains pays avec lesquels ils trouvent des affinités (la Turquie, l'Égypte, les EAU, le Qatar, la Jordanie, le Soudan...) et auprès desquels ils s'alimentent en armes, tout en s'accusant mutuellement de ces affiliations réciproques et de faire le jeu de ces pays, qui ont plus un effet de nuisance qu'une influence décisionnelle réelle sur eux.

Dans ce jeu d'influence, les États-Unis n'ont pas été en reste. Ceux-ci ont été, durant des mois, d'une grande nocivité à travers l'ambassadrice Déborah Jones, dont le départ récent aurait facilité le dialogue depuis longtemps. En raison de craintes géostratégiques concernant l'influence de l'Égypte sur l'Est du pays, les États-Unis n'ont, en effet, eu de cesse d'attiser les tensions, entre notamment Tripoli et le général Haftar, qui combat les extrémistes islamistes et dont l'action est soutenue par l'Égypte, démotivant ainsi les acteurs pour une éventuelle intégration de Haftar dans l'armée alors que ce général, aujourd'hui, est un personnage clef devenu incontournable.

La Libye doit concerner, comme l'a dit Bernadino Leon, prioritairement certains pays, notamment l'Italie, l'Espagne, la France, l'Allemagne... qui doivent gérer, aujourd'hui, les problèmes d'immigration en provenance de la Libye. Il faut rappeler que ce général Haftar n'a jamais eu la velléité de prendre le pouvoir en Libye, ne serait-ce que parce qu'un consensus, hautement difficile à atteindre, est nécessaire sur sa personne. Il freine, par ailleurs, des deux pieds l'idée d'une partition, dans laquelle on veut l'entraîner. Et qui serait très dangereuse, et administrativement inconcevable pour la Libye.

Dès lors que l'envoyé spécial de l'ONU, Bernadino Léon a commencé à considérer, mais cela est, hélas, arrivé très tardivement, uniquement les acteurs libyens et seulement eux, et avec leur représentation réelle (les frères musulmans ne représentent que 12 députés au CGN de Tripoli, et les radicaux également), un véritable dialogue a pu réellement être entamé. Du côté de Tobrouk, puis du côté de Tripoli. Un réel consensus a été trouvé entre l'ONU et Tobrouk.

Du côté de Tripoli, une nouvelle distribution des acteurs s'est alors imposée avec l'émergence de nouveaux acteurs potentiels, qui se sont montrés conciliants et prêts à calmer les vives ardeurs des radicaux, très proches des extrémistes djihadistes ou du petit groupe des Frères musulmans.

Finalement, tout ceci reposant sur un équilibre excessivement précaire, les fautes stratégiques de forme de Bernadino Léon, de la part également d'acteurs de certains pays, voire même des instances européennes (!) ont fait imploser ce fragile château de cartes, fruit de longs mois de négociations et d'un lourd travail de fond. L'union gouvernementale tant espérée n'a pas eu lieu.

De quelles erreurs s'agit-il?

Bernadino Leon a-t-il imposé des noms de ministres partiellement, en l'absence de candidats de la part du CGN? Oui. Et la méthode utilisée n'a manifestement pas été la bonne et a fait des vagues. Certains Libyens, malgré le chaos, sont restés des souverainistes. Depuis, un rapport de force s'est instauré entre l'Onu et les frontistes souverainistes.

La publication par le journal britannique The Guardian, faisant état des notes d'analyse de Bernadino Léon, et de sa recherche d'emploi durant le dialogue auprès des EAU, un pays sensible qui appuie les actions d'Haftar a également jeté de l'huile sur le feu, une suspicion...

De son côté, l'Union européenne, en prenant par la main, de façon totalement insouciante , le tout premier ministre, dont le nom n'avait pas encore été validé par les deux parties, dans une réunion de sécurité en Egypte, pays hautement sensible pour Tripoli... a de son côté déclenché une tempête insoupçonnée.

Ces maladresses, cette précipitation, ces erreurs ont entrainé une grande confusion permettant aux radicaux de reprendre le dessus, alors que des négociations étaient encore possibles sur des noms de ministres. La machine s'est très vite emballée, puis s'est grippée, à Tripoli comme à Tobrouk. Les conciliants ne sont plus devenus si conciliants que cela et les radicaux des deux bords n'ont fait du dialogue qu'une bouchée....

In fine, des initiatives ont surgi, telles que celles du groupe de Tunis qui a lancé une plateforme, hors cadre de l'Onu, ajoutant à la confusion et qui ne règle rien et la récente rencontre Nouri Aboshami (le président du CGN, Tripoli) et Aghillah Sallah (président du Parlement de Tobrouk), à Malte, réalisée dans le même état d'esprit et la même lignée. La non-avalisation des deux chefs des délégations par les deux présidents est également du même acabit. Elle répond à une volonté souverainiste de la part des deux présidents. Des signaux très forts en direction de la communauté internationale...

En imposant les deux chefs des deux délégations non avalisés par les deux Présidents des deux parlements, Martin Kobler a réussi, hier, au Maroc, en considérant ces deux présidents comme illégitimes, à imposer la signature d'un accord sur la constitution d'un gouvernement, selon la liste des ministres et le gouvernement présenté par Bernadino Léon. Un forcing sans dialogue, sans négociations qui puissent donner la possibilité de modifier quoi que ce soit, comme certains le souhaiteraient. Ce gouvernement va-t-il s'installer comme prévu à Tripoli ? Nous verrons bien.

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Mai 2017

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