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Le Qatar est bien un pays esclavagiste

Selon, au moins 44 ouvriers népalais seraient morts sur les chantiers de la future coupe du monde que le Qatar compte organiser en 2022. Cette révélation ne fait que confirmer des réalités connues depuis longtemps des uns, mais tues, minimisées ou ignorées des autres.
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Selon Le Guardian, au moins 44 ouvriers népalais seraient morts sur les chantiers de la future coupe du monde que le Qatar compte organiser en 2022. Ce n'est pourtant que la face émergée de l'iceberg. Cette révélation ne fait que confirmer des réalités connues depuis longtemps des uns, mais tues, minimisées ou ignorées des autres, notamment en France. La surexploitation de la main-d'œuvre immigrée, essentiellement originaire du Sud-Est asiatique, n'est pas contingente ou accidentelle, elle est structurelle.

Et pour cause. L'émirat est un régime autoritaire, néo-patrimonial et oligarchique. Il développe et diffuse, aussi bien à l'interne qu'à l'externe, un islam rigoriste, ultra-orthodoxe, ayant une préférence marquée pour l'islamisme tel que promu par l'idéologie des Frères musulmans et leurs différents avatars arabes ou occidentaux. Le régime de Doha n'hésite également pas à soutenir les éléments les plus radicaux au nord du Mali (des documents officiels en attesteraient la véracité) ou en Syrie. De toutes les manières, celui-ci n'est pas ou plus à une contradiction près. L'action paradoxale, sinon contradictoire, est au demeurant l'un de ses premiers leviers de politique étrangère: chercher à contenter tous ses interlocuteurs du moment, y compris en assumant un grand écart permanent. Surtout en tentant d'opacifier ses vicissitudes intrinsèques. C'est donc tout sauf un partenaire crédible, en premier lieu pour les États qui se déclarent inconditionnellement attachés aux droits humains. La France est censée en faire partie.

Les conditions de travail pour la main-d'œuvre immigrée non-européenne ne sont pas "déplorables". Elles sont inhumaines. Les mots ont un sens. Il ne faut pas tricher. En la circonstance, il n'est certainement pas exagéré de dire que les cadres qataris qui acceptent et maintiennent à dessein de telles conditions, se comportent en réalité comme s'ils se trouvaient au Moyen-Âge. En effet, les ouvriers, au fond, à l'instar des serfs d'autrefois, sont des sujets, au sens où ils n'ont aucun droit et que des devoirs. C'est pourquoi la Confédération Syndicale Internationale (CSI) estime que le Qatar est "esclavagiste". Une fois arrivés sur le sol de l'émirat, leur liberté ne leur appartient plus. Ils viennent sans être sûrs qu'ils repartiront vivants, et, à coup sûr, éloignés de leurs familles pour au moins deux à trois années. Au-delà du fait que leur temps de travail journalier excède les 10 heures sous des températures atteignant parfois les 50 degrés, leurs mouvements sont scrutés, extrêmement contrôlés et, quelquefois, les écarts de conduite sévèrement réprimés. Mais le tableau n'est pas complet.

Selon de nombreux observateurs, le Qatar pratiquerait, au sens littéral du terme, un "apartheid", dans la mesure où d'une part, les communautés non-européennes immigrées n'ont pas le droit de se mélanger à la population locale, et, d'autre part, dans les camps de repos de fortune, les communautés sont placées en fonction de leurs origines ethno-culturelles d'appartenance, dans des conditions sanitaires minimalistes, pour ne pas dire dégradantes.

Une réflexion nous chiffonne: certains militants pro-palestiniens, par ailleurs réputés proches des autorités de Doha, n'hésitent pas à qualifier Israël "d'État d'apartheid". Certes, personne ne peut réalistement dénier qu'il est indispensable "de défendre les droits fondamentaux du peuple palestinien", mais, dans ce cas, il faut être conséquent avec soi-même. Ne dit-on pas "charité bien ordonnée commence par soi-même"? En quoi "l'apartheid" des "siens" serait-il infiniment plus respectable à côté de celui, supposé ou réel, des autres? Pourquoi ne pas développer la même énergie morale dans la dénonciation de "l'esclavagisme" et du "racisme" classiste, religieux et ethnique de Doha? On est universaliste ou on ne l'est pas.

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