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21 idées pour le 21e siècle: l'automobile, un bien urbain collectif?

L'automobile est devenue pour bien des gens une extension du vêtement affirmant un statut social, ou alors une extension esthétique de leur corps destinée à afficher leur capacité à attirer un conjoint de meilleur rang.
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Les transports individuels doivent être transformés en profondeur, ne serait-ce que pour réaliser d'immenses économies, pour sauver d'innombrables vies, pour préserver l'environnement urbain et pour gérer durablement l'énergie disponible. Une révolution est nécessaire. Cet article explique comment la faire.

On admet que la gestion de l'eau domestique soit une affaire publique, tout comme les routes, les aéroports ou l'électricité. Personne n'a à puiser l'eau pour son bain, à déblayer la route le matin ou à générer l'électricité pour griller son pain.

Si on appliquait un peu d'imagination aux transports individuels urbains en en faisant une chose publique, on pourrait en arriver aux résultats suivants :

  • La fin des blessures et des morts causées par les accidents d'auto
  • L'élimination des collisions de véhicules, la disparition des assurances automobiles et la fin des ateliers de réparation automobiles
  • La diminution drastique des coûts en énergie (essence ou autres) rattachés aux transports individuels
  • Des gains de temps considérables pour les citoyens
  • L'élimination de la pollution urbaine (PM2.5 et gaz délétères)
  • L'amélioration du bilan de santé publique
  • Une extension notable des espaces verts
  • Un meilleur bilan carbone.

Rien que ça.

En prime, le coût optimisé et réparti des déplacements urbains pour tous les citoyens serait bien moindre.

Si ces objectifs semblent légitimes, la solution ne va pas de soi.

Et s'il est facile de réinventer les transports urbains en imaginant la solution de remplacement, l'enjeu, ici, est d'emblée la résistance des institutions au changement. La technologie existe, la rentabilité est de prime abord indiscutable, mais les obstacles au changement seront nombreux.

Ce n'est pas facile d'être humain et lemming en même temps.

La personnalisation de la tôle

Il y a quelque chose de ridicule dans la différenciation des modèles d'automobiles. On réussit sans trop de peine à retrouver sa voiture dans un stationnement de Costco bondé alors qu'on n'arrive à peine à identifier ses enfants dans une cour d'école peuplée.

L'automobile est devenue pour bien des gens une extension du vêtement affirmant un statut social, ou alors une extension esthétique de leur corps destinée à afficher leur capacité à attirer un conjoint de meilleur rang. Une fonction de base, la locomotion, est ainsi asservie aux aléas de la reproduction sexuelle. Le nouveau riche exhibe sa Porsche de la même façon que le paon déploie ses plumes devant la femelle de son choix. Même le conducteur de la petite Fiat met en évidence son statut reproductible en affichant ostensiblement sa faible empreinte de carbone.

Pourtant, à la queue leu leu devant le pont Champlain, tout le monde a l'air misérable dans sa coquille de tôle. De reste, quelle est l'utilité d'une Ferrari dans une ville où la vitesse est limitée à 50 km/h?

Toute cette absurde personnalisation de la tôle motorisée engendre des coûts effarants. D'après Statistique Canada, le transport est la deuxième dépense en importance (20%), avant même la nourriture (14%). Le coût de concevoir et de fabriquer des milliers de modèles de pots d'échappements, de moteurs, de roues, de tuyaux... est aussi inutile qu'élevé. L'utilisation d'un véhicule moteur de deux tonnes pour assurer le déplacement d'une personne est insoutenable du point de vue environnemental, surtout si on met ce geste à la portée de 10 milliards d'égos ambulants. Le fait d'accumuler ainsi, partout sur la planète, un milliard de voitures qui brûlent en vain de l'essence à l'heure de pointe est une aberration mentale. La seule raison qui fait que les mammifères humains en soient rendus à ce point de déraison, c'est l'abondance actuelle, mais limitée dans le temps, de vastes nappes de résidus fossiles qu'on peut faire réagir avec l'oxygène de l'air avec une étincelle. Le moteur à explosion a fait exploser la civilisation.

Les caprices individuels en feront autant.

Les affres environnementales et sociales

La plus belle invention de tous les temps, l'automobile, est aussi la plus meurtrière: elle tue trois fois plus de personnes (1,2 million) que la bombe atomique d'Hiroshima chaque année. Toujours d'après Statistique Canada, les accidents de la route font plus de 170 000 blessés (dont 10 000 graves) et plus de 2000 morts au Canada par année. Juste au Québec, on compte environ 200 000 véhicules accidentés par année (SAAQ). Ce sont des coûts directs aussi astronomiques qu'inutiles pour la société et les consommateurs: hospitalisations, réparations, pertes de jouissance. Mais c'est aussi un segment important de l'économie: assurances, carrossiers, hôpitaux, tous «profitent» du laisser-aller collectif en matière d'optimisation des transports urbains.

Du point de vue environnemental, l'automobile est un hôte indésirable. Si on laissait le moteur d'une voiture fonctionner au milieu de son salon, tous les occupants mourraient dans l'heure qui suit. On invite pourtant autour de soi en pleine ville des centaines de milliers d'engins qui génèrent des gaz toxiques, de même que des particules fines de moins de 2,5 microns, qui s'apparentent aux particules toxiques exhalées par les fumeurs.

L'aménagement urbain souffre aussi de la préséance de l'automobile sur l'homme, mais on s'y est tellement habitué que personne ne s'étonne plus que la moitié de la surface des villes soit privée de sol ni qu'une forêt cède la place à un stationnement de centre commercial. Et bien sûr, tout le monde veut son stationnement devant la maison.

La solution

Toute la technologie nécessaire existe pour mettre à la disposition des citoyens de chaque ville d'importance une carte qui lui donnera accès à un vaste réseau exclusif de voitures publiques confortables qui se mettront en route, sans conducteur, vers les adresses identifiées au départ sur écran tactile, sans feux de circulation et sans possibilité d'accident.

Dorénavant, l'automobile, devenue publique, servira à se déplacer sans danger, le plus rapidement possible, du point A au point B, au meilleur coût possible. N'est-ce pas là sa finalité première?

Ceci n'est pas de la science-fiction. Voici quelques-uns des ingrédients de succès à considérer:

  • La standardisation: Tous les véhicules pressentis sont semblables, à quatre places, et comportent tous les éléments de confort nordiques requis, notamment la climatisation, le chauffage et les artifices médiatiques courants (radio et bluetooth). Ils sont mus par des batteries lithium-ion rechargeables haute-performance, sans génération de gaz de combustion polluants à effets de serre. Ce sont désormais les seuls véhicules permis dans l'environnement urbain, en dehors d'une classe de véhicule que nous appellerons «prioritaires»: ambulances, pompiers, taxis, police, etc.
  • L'automatisation: La navigation par GPS permet de concevoir des véhicules qui se rendront à l'adresse stipulée sur l'écran tactile de l'automobile par le meilleur chemin, sans possibilité de collision (détection de véhicules automatisée) et sans feu rouge (le débit des commutations de direction est également assisté). Le véhicule peut se déplacer soit sur rail, soit sur pneu (guidé par induction, via un câble sous la chaussée). L'automobile n'a aucun besoin d'être manipulée par un conducteur. Il n'y a plus de feux rouges à gérer non plus. Le temps de déplacement peut donc être rentabilisé à des fins de travail ou de loisir.
  • La gestion du facteur humain: La carte d'activation à puce de chaque citoyen éligible, qui pourrait être intégrée au permis de conduire, permet de gérer une tarification, directement débitée du compte bancaire, du kilométrage et du temps de déplacement enregistrés. Elle permet également d'identifier les personnes qui abîment les véhicules et de les pénaliser au besoin. Des caméras «indestructibles» enregistrent les mouvements autour des véhicules pour identifier les éventuels vandales, dont les réprimandes sont sévères.
  • La maintenance centralisée: Les véhicules seront mis en disponibilités en fonction des mouvements migratoires humains. À 17 heures au centre-ville, par exemple, les véhicules des zones périphériques seraient mobilisés et mis en disponibilité pour y accueillir des passagers. Des équipes de maintenance non syndiquées remplaceraient rapidement les véhicules défectueux.

Des effets heureux d'un transport individuel repensé

N'importe qui peut noter que même aux heures de «trafic» les plus intenses, il y toujours plus d'automobiles de stationnées dans les villes que d'autos en circulation. C'est donc dire qu'en optimisant ainsi les transports individuels, on pourrait théoriquement restituer environ 30% des espaces asphaltés à des usages civils divers: piste cyclable, jardinage, commerce ou habitation. En fait, on devra de toute évidence conserver une voie de circulation «prioritaire» pour les services municipaux (voirie, pompiers, policiers), les services d'urgences (ambulance, services adaptés, taxis) ou les livraisons de marchandises volumineuses.

Les collisions automobiles avec leur lot de décès, de blessés et de frais de réparation seront chose du passé. Les dépenses d'essence, d'assurance et de maintenance automobile passeront également à l'histoire. La qualité de l'air urbain s'améliorera, de même que la qualité de vie du citoyen urbain.

Les obstacles au changement

En génie électrique, le changement entre deux régimes amène des phénomènes transitoires qui peuvent aisément mettre un système hors circuit. Il en est de même des changements dans les organisations humaines. Il est toujours plus facile de s'ancrer dans de mauvaises habitudes que de changer pour le mieux.

Ce n'est pas du jour au lendemain qu'on demandera aux gens de sacrifier leur automobile personnelle. De plus, l'implantation d'une nouvelle technologie et le prototypage ont des coûts initiaux considérables. Il faut donc d'abord imposer ce changement dès la planification d'une nouvelle ville ou lors de la réorganisation massive d'un grand secteur d'une ville existante advenant, par exemple, sa destruction par un séisme.

La meilleure idée consisterait donc à développer un réseau intégré de transports individuel dès le stade de la conception d'une agglomération de 100 000 habitants ou plus. Il y a en ce moment une dizaine de projets du genre dans le monde, notamment dans certains pays arabes. Subséquemment, les coûts de design, de fabrication et de rodage d'une flotte exclusive de 20 000 véhicules autonomes seraient amortis par une taxe que paieraient les nouveaux occupants.

Si c'était une ville existante qui faisait l'objet d'un «décret» d'optimisation et de prise en charge des transports d'individus, il est à prévoir que beaucoup de citoyens voudront conserver leur «vieux» véhicule dans de vastes stationnements périurbains qui seraient mis à leur disposition pour les déplacements interurbains.

Un projet pour Montréal?

Malheureusement, il faudrait un séisme politique pour que la Ville de Montréal ait le dynamisme requis pour s'attaquer aux incongruités du transport individuel dans un contexte de grande densité urbaine. Montréal n'a même pas réussi à permettre à ses citoyens de tourner à droite sur un feu rouge, comme partout au monde sauf à Manhattan, où les taxis font la loi. Du reste, une île où les rues appartiennent au municipal, les routes au provincial et les ponts au fédéral est probablement ingérable. L'autre option, dont bien sûr personne ne veut, c'est un véritable séisme qui nous forcerait à tout reconstruire.

Montréal est situé dans une zone sismique d'importance dont la récurrence n'est pas clairement établie. D'après l'Institut de prévention des sinistres catastrophiques, «il y a de 5% à 15% de risques qu'un tremblement de terre cause de sérieux dommages dans le sud du Québec ou l'est de l'Ontario au cours des 50 prochaines années».

Il n'est donc pas totalement exclu que la nature précède le bon maire Coderre.

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