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Qui a peur du cannabis ?

La légalisation du cannabis se fera-t-elle sans embûche? Certainement pas.
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Au lendemain des élections fédérales, un spectre hante le Québec : la légalisation du cannabis promise par Justin Trudeau, notre nouveau premier ministre.

La foire aux bonnes intentions fonctionne à plein régime. Les bons docteurs font le tour des émissions sérieuses. Les présentateurs affirment que le cannabis est aujourd'hui beaucoup plus puissant que dans le bon vieux temps. Les médecins renchérissent et proposent d'en interdire la vente jusqu'à l'âge de 25 ans.

Y a-t-il des variétés plus puissantes ? Certainement. Mais l'usager n'est pas obligé d'en prendre. La beauté de la chose, avec un marché régulé, c'est que l'on peut connaître, avec une grande certitude, la quantité inhalée de THC.

Faudrait-il interdire les substances susceptibles d'affecter le développement du cerveau chez les enfants et les jeunes adultes ? Soyez alors prêts à partir en guerre contre des lobbys très puissants et à investir massivement pour modifier les habitudes alimentaires et festives du souverain.

Fait également rigolo, présentateurs et médecins tiennent pour acquis que la légalisation des drogues a pour conséquence inéluctable d'en augmenter la consommation. Cette crainte, jamais exprimée clairement, justifie leurs inquiétudes. Ils auraient dû faire leurs devoirs et consulter les statistiques qui nous viennent des régions et des pays où les drogues interdites ont été soudainement légalisées ou décriminalisées. Ça aurait été l'occasion, pour eux, de faire de belles découvertes.

La ministre de la Sécurité publique du Québec, Lise Thériault, ne voulait pas être en reste. Elle avertit la population : « Il faut être inquiet ». De nombreux parents partagent sa préoccupation, a-t-elle précisé avec la diction parfaite et le ton mesuré qu'on lui connaît.

Ici, on soupçonne, encore sans le dire, que la légalisation menace directement les mineurs, comme si le marché noir qu'ils apprennent tôt à connaître était au fond préférable. De mémoire, aucun groupe pro-marijuana, aucun chercheur, aucun législateur et aucun politicien n'a proposé un marché du cannabis exempt de toute régulation, encore moins d'en faire fumer les enfants.

On a aussi appris que le ministre des Finances, Carlos Leitao, semble fort bien connaître la gestion du cannabis au Colorado, où l'usage récréatif a été légalisé l'an dernier. Il en parlait avec le ton assuré d'un spécialiste, mais nous a peut-être trop vite recommandé de ne pas suivre l'exemple de cet État américain.

Politiciens, experts et pseudo-experts, de quoi ont-ils peur au juste ? De perdre un sujet porteur, facile à manier, qui leur permet de mettre en valeur leur volonté d'agir et de protéger le bon peuple. En démocratie, rappelle Murray Edelman, les élites sont obligées de nous convaincre de les élire. Or, pour convaincre, rien de plus facile que de faire peur et de rassurer simultanément.

Les drogues se prêtent fort bien à ce jeu, toujours efficace. Elles secouent des tabous profondément enracinés dans notre culture, à commencer par celui qui associe abstinence, vertu individuelle et salut collectif. Nous oublions que ces tabous ont des origines religieuses et foncièrement racistes.

La légalisation du cannabis se fera-t-elle sans embûche? Certainement pas. Tous les pays occidentaux tardent à se doter d'un savoir axé sur l'usage intelligent des drogues. La prohibition nous a profondément et durablement marqués : nous préférons toujours le stigmate et la fascination des plaisirs interdits.

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