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Revenu Québec, instrument d'une libération à finir

La commission Robillard vient une fois de plus de déposer un rapport parfaitement aligné sur les vues de l'esprit dévastatrices du président du Conseil du trésor, Martin Coiteux. Sa dernière idée en date: fermer Revenu Québec pour transférer la perception de l'impôt québécois au gouvernement fédéral...
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La commission Robillard vient une fois de plus de déposer un rapport parfaitement aligné sur les vues de l'esprit dévastatrices du président du Conseil du trésor, Martin Coiteux. Sa dernière idée en date : fermer Revenu Québec pour transférer la perception de l'impôt québécois au gouvernement fédéral et abolir le monopole qu'exerce la Société des Alcools du Québec.

Cette sortie est dans la droite ligne de la tactique classique des libéraux : annoncer deux mesures, la première faisant beaucoup plus réagir que la deuxième afin de détourner l'attention du public momentanément avant de reculer sur la première proposition tout en allant de l'avant avec la deuxième. Si c'est sur la SAQ que pèse la véritable menace (ce qui nécessitera une deuxième intervention dans les prochains jours), il ne faut pas non plus prendre à la légère la proposition avancée par la commission Robillard de transférer la perception de l'impôt provincial québécois au gouvernement fédéral. Non seulement ce transfert ferait perdre de l'argent au gouvernement du Québec, il s'agirait là d'une capitulation politique et nationale extrêmement grave.

La principale assertion de Lucienne Robillard à l'endroit de Revenu Québec serait que l'existence même de cette agence se ferait à perte pour le trésor public québécois et ses contribuables. On nous dit que la perception de l'impôt québécois par le gouvernement canadien permettrait à Québec d'économiser près de 400 millions de dollars par année. C'est sans tenir compte du fait que les efforts de Revenu Québec (selon ce que cette dernière rapportait dans son communiqué du 31 août 2015) en matière de lutte contre l'évasion fiscale rapportent près de 700 millions de dollars par année, créant plutôt des pertes nettes de 300 millions advenant l'élimination de l'agence. Mais dans tous les cas de figure, que ces quelques centaines de millions de dollars soient gagnées ou perdus, admettons qu'ils ne pèsent pas beaucoup dans un budget gouvernemental s'élevant à pratiquement 100 milliards de dollars.

Le cœur du débat se situe ailleurs. Au-delà des considérations budgétaires, l'élimination potentielle de Revenu Québec aurait surtout un coût politique très élevé. Que le PLQ aille de l'avant ou non avec cette mesure, le simple fait de l'évoquer sérieusement est une preuve supplémentaire, s'il en fallait, que le champ des possibilités que s'ouvre le gouvernement dépasse le cadre du néo-libéralisme sauvage pour entrer dans celui de la déconstruction nationale.

Depuis la défaite d'Adélard Godbout en 1944, 15 premiers ministres successifs - unionistes, libéraux et péquistes - se sont battus pour défendre une certaine idée du Québec, celle d'un État qui - soit pleinement indépendant, soit autonome au sein du Canada - se voudrait le levier d'une nation qui désire «assumer son destin et son développement», comme le disait Robert Bourassa en 1990. Le gouvernement Couillard laisse planer l'idée qu'il pourrait abandonner un combat que même Daniel Johnson fils ou Jean Charest ont mené, c'est dire!

La question de l'autonomie fiscale du Québec a toujours été au cœur des tensions entre le gouvernement fédéral et le gouvernement québécois. Il est vrai que la plupart des provinces ont consenti à laisser au gouvernement fédéral le soin de percevoir leurs taxes et leurs impôts depuis très longtemps déjà. Mais le Québec n'est pas une province comme les autres. Le Québec n'est pas une division administrative parmi d'autres au sein d'une nation homogène, il est, au sein d'un pays dysfonctionnel sur lequel il n'a plus aucune emprise, un État national en qui 8 millions de citoyens font reposer leur confiance, leurs espérances et leur loyauté première. C'est parce qu'il a la mission de faire survire et prospérer une nation véritable que le gouvernement du Québec ne peut pas consentir à abandonner lâchement ses obligations et son devoir historique.

Le pouvoir de taxation et de perception des impôts est le pouvoir qui donne à un gouvernement les moyens de ses ambitions, mais aussi de survivre par lui-même, ce qu'ont tenté de faire tous les gouvernements du Québec jusqu'à maintenant malgré un carcan fédéral toujours plus serré et étouffant dont il faudra impérativement se sortir. Un gouvernement qui dépend d'un autre pour recevoir les moyens financiers de son existence n'est pas un gouvernement viable, c'est un gouvernement condamné à disparaître par la force des choses, l'autonomie fiscale étant la mère de toutes les autonomies.

Il convient ici d'énoncer que le «No taxation without representation» des indépendantistes américains du 18e siècle peut tout aussi bien être inversé : il n'y a pas de représentation crédible et réelle qui soit possible sans le contrôle plein et entier de la taxation, de l'imposition et de leur perception. Il n'y a qu'à regarder la volonté constante et structurelle du gouvernement canadien (peu importe sa couleur) de sabrer dans les transferts aux provinces pour comprendre qu'il convient de s'inquiéter à l'idée de faire confiance à Stephen Harper, Justin Trudeau ou Thomas Mulcair pour renvoyer au Québec les impôts qu'ils percevraient à sa place.

À genoux devant un système fédéral qui le condamne à l'austérité perpétuelle - les besoins étant à Québec et les moyens à Ottawa - le gouvernement libéral, s'il va de l'avant avec cette mesure, prouverait une fois de plus sa soumission tout en cachant bien mal le travail de sape qu'il effectue sur l'État du Québec. Le gouvernement libéral songe ici à laisser tomber l'un des instruments de notre autonomie et de notre libération encore inachevée en pensant à tort sauver quelques centaines de millions sur un budget de près de 100 milliards de dollars. On ne sacrifie pas une autonomie fiscale acquise par 400 années de résistance pour une fausse économie de bouts de chandelles.

Ce texte est cosigné par Guillaume Rousseau, vice-président aux affaires politiques et au programme du Comité national des jeunes du Parti québécois, et Pierre Norris, président du Comité régional des jeunes du Parti québécois des Laurentides.

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