Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le tourisme du jihad

Ce phénomène qui pousse de plus en plus de musulmans à partir en terre deest en croissance constante. Avec les moyens technologiques et logistiques d'aujourd'hui, nombreux sont ceux qui partent combattre pour l'Islam; ils deviennent alors adhérents au.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Vendredi dernier, l'émission J.E. nous présentait l'histoire de Mahdi Gabriel, ce jeune Canadien qui a trouvé sa voie dans un Islam rigoriste, qui l'a entrainé, selon lui, jusqu'à s'envoler dans les camps de réfugiés syriens en Turquie pour y faire de l'aide humanitaire. Dans le reportage, on laisse croire que les services de sécurité du Canada le soupçonnent plutôt d'avoir pris part aux combats, dans cet affrontement contre les troupes d'Al-Assad qui se déroulent sur fond de guerre civile.

Bien que rien n'ait été démontré à ce jour dans le cas de Mahdi, ce phénomène qui pousse de plus en plus de musulmans à partir en terre de jihad est en croissance constante. Avec les moyens technologiques et logistiques d'aujourd'hui, nombreux sont ceux qui partent combattre pour l'Islam; ils deviennent alors adhérents au tourisme jihadiste.

Cette expression était auparavant utilisée dans le cas plus précis des musulmans qui partaient à l'étranger s'entraîner avec des groupes jihadistes, pour revenir en Occident avec une volonté de frapper au cœur même de nos terres. Je l'utilise maintenant dans ce nouveau contexte, car j'ai une fervente impression que ce marché inédit est actuellement exploité de façon similaire à celui du tourisme : M. Ahmed, en quête d'aventure, se prend un billet pour l'Algérie, y passe quelques jours au soleil, puis rencontre son contact planifié de façon plus ou moins organisée par une espèce d'agence au statut obscure. Il le fait monter dans une camionnette en direction du Mali, où pendant quelques mois, voire même quelques années, il errera dans le Sahel en espérant combattre comme moudjahid avec le désir ultime de mourir en martyr. Si, malheureusement pour lui, il survit ou il se voit déçu par rapport à ses attentes guerrières, comme plusieurs d'ailleurs, alors il repartira pour la France, retrouver incognito sa routine quotidienne.

Pourtant, ce n'est pas si simple pour leurs familles. C'est même extrêmement tragique. Un des premiers Canadiens à perdre ainsi la vie était William Plotnikov, ce jeune Torontois converti à l'Islam qui partit faire le jihad au Daguestan . On peut penser à Ali Medlej et Xristos Katsiroubas, tous deux Canadiens, qui sont morts durant l'assaut d'In Amenas en Algérie aux côtés de la brigade de Moktar Belmoktar. Il y a également ce jeune de Calgary qui a menti à sa famille pour partir combattre en Syrie . Ils seraient une cinquantaine de «touristes du jihad» à combattre pour leurs dieux sur des terres étrangères.

Avec un esprit rationnel, on peut se dire qu'une cinquantaine, c'est bien peu. De plus, on les aime mieux ailleurs qu'au Canada! Et bien c'est faux. Une partie de ces jeunes Canadiens revient inévitablement au pays. Ils sont donc des moudjahidines entrainés, ils ont tenu les armes, appris à manier les explosifs. Ils ont vu la mort, ils ont tué. Nous avons un système très complexe de réadaptation pour nos militaires qui reviennent de missions. Ces jihadistes n'ont rien. Ils deviennent de véritables bombes à retardement.

Selon le juge antiterroriste Marc Trévidic, dans son livre Les 7 Pilliers de la Déraison (p.158), «le terrorisme islamiste est un phénomène mondial qui appelle une solidarité et une stratégie collective de la communauté internationale». En d'autres mots, nous avons un devoir, non seulement national, mais aussi devant le reste du monde, de ne pas laisser partir nos jihadistes vers ces zones de conflits.

Si c'était si simple...

Heureusement, Ottawa a adopté en avril 2013 le projet de loi S-7 qui ajoute, entre autres, à la partie 2.1 du Code criminel, de nouvelles infractions de terrorisme afin d'interdire à quiconque de quitter ou de tenter de quitter le Canada dans le but de commettre certaines infractions de terrorisme. Toutefois, il s'avère très ardu d'amasser des preuves dans ce sens et de prouver les véritables intentions de ces individus.

De l'autre côté, si les services de sécurité empêchent le départ de ces hommes, ils deviennent un danger immédiat pour le Canada. Frustrés, révoltés, ils pourraient vouloir déferler leur rage contre nous qui les empêchons d'aller combattre.

L'objet de mon intervention aujourd'hui porte donc sur ce sujet : que faire d'eux?

J'expose ici deux options qui s'offrent à nous pour traiter nos jihadistes.

D'abord, la répression judiciaire par le délit-obstacle. Puisque, comme le dit le Juge Trévidic, le taux de récidive de ces hommes à la sortie de prison est semblable à celui des autres crimes, alors pourquoi ne pas les punir dans notre système déjà existant. Cependant, Claude Moniquet nous met en garde dans son livre Néo-Jihadistes. Selon lui, nous devons veiller à engager des imams modérés pour les pénitenciers et surveiller étroitement l'entourage de ces détenus, car comme les autres formes de crime organisé, les jihadistes recrutent dans les prisons.

L'autre option est celle de la réadaptation/réinsertion. Comme il est possible de voir ailleurs , le projet ambitieux peut porter fruit. Selon un format qui resterait à développer, nos jihadistes assisteraient obligatoirement à des conférences, des séances de discussions, des activités d'apprentissage et auraient accès à des services personnalisés d'islamistes repentis, d'imams, de psychiatres et de psychologues. Le tout dans des maisons de transition ou des centres spéciaux. Le service pourrait être parallèle à la voie de la répression judiciaire et accueillir des détenus.

Repenser ainsi notre façon de voir les criminels islamistes peut faire avancer les choses. Ce n'est qu'une ébauche en quelques lignes, mais il y a fort à parier que les criminologues se penchent déjà sur le projet. L'Arabie Saoudite le fait déjà. Avec un gigantesque complexe pour les membres d'Al-Qaida centrale et d'AQPA, le taux de réussite est discutable, mais loin d'être nul.

Le tourisme du jihad est un phénomène qui ne cessera malheureusement pas demain. Avec la législation adéquate pour les empêcher de partir, les chemins de la répression et de la réinsertion sont deux avenues très pertinentes et indissociables pour traiter ces criminels du jihad. Repenser la société avec cette menace certaine est impératif pour la sécurité de tous et la gestion efficace des coûts qu'ils représentent et représenteraient dans l'éventualité où nous choisissions de les diriger dans un système spécial.

Une chose est certaine, nous devons empêcher ces gens de transformer leurs intentions terroristes en ... voyages d'enfer.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

MOVING IMAGE (Dec. 21 - Dec. 31)

Moving Image 2013: The Year's Best Photos

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.