Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Voilà ce que je ressens depuis que ma femme m'a dit qu'elle avait envie de me tromper

Quand Elloa Atkinson a avoué sur internet qu'elle voulait tromper son mari, la blogosphère s'est déchaînée. Voici le point de vue de son mari, Nige.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Quand Elloa Atkinson a avoué sur internet qu'elle voulait tromper son mari, la blogosphère s'est déchaînée. Voici le point de vue de son mari, Nige.

Elloa and Nige: "Nous avons hésité à republier cette conversation, que nous avions eue à l'origine sur The Good Men Project. Nous tenons donc à préciser que nous ne proposons aucune méthode standard, ni quelque conseil ou suggestion que ce soit sur la manière dont les gens « doivent » se comporter. Nous nous efforçons tous les deux de suivre le principe de la responsabilité affective, selon lequel chacun est entièrement responsable de ce qu'il fait. Le concept d'honnêteté en fait partie, et même s'il peut sembler dangereux, il est -- comme l'écrivent nos professeurs, Duane et Catherine O'Kane -- « beaucoup moins dangereux que le passage à l'acte ». Nous partageons ce qui suit pour ceux qui veulent croire que la mise à nu, même si elle semble effrayante, finit par porter ses fruits."

Elloa: "Quand j'ai raconté que j'avais envie de tromper mon mari, tout le monde en a parlé. Les réactions étaient partagées, les opinions, véhémentes. Le seul qui ne s'est pas exprimé publiquement sur la question, c'est mon mari, Nige. Ca me semblait injuste, mais représentatif du vœu de silence que les hommes de notre génération semblent avoir formulé. Certains ont exprimé leur indignation à l'idée que j'aie envie de faire souffrir ainsi mon mari, d'autres ont révélé, en public ou en privé, qu'ils avaient eux aussi eu ce genre de fantasme, voire même d'obsession. D'autres encore ont dit que si un homme en couple parlait de son attirance pour d'autres femmes, il se ferait descendre en flammes. Il semble que nous sommes prêts à avoir cette conversation. L'étape suivante, c'était que Nige s'exprime à son tour."

Nige: "Il y a quelques semaines, quand Elloa a révélé son attirance secrète pour un autre homme, j'en ai eu l'estomac noué. Et puis, au fur et à mesure qu'elle en parlait, ce sentiment si familier de très grande colère est remonté à la surface. Ce que je pensais n'était pas très éloigné des commentaires les plus négatifs qui ont suivi la publication de son article sur le Huffington Post. Soyons honnêtes : l'ego parle toujours le premier, et de manière féroce.

Mais je me connais assez pour ne pas exprimer mes pensées dans ces moments-là. La première chose à faire est d'inspirer profondément. Si je réagis sur l'instant, c'est tout bénéf pour l'ego, mais je peux dire adieu à mon couple. Et je refuse de laisser gagner mon ego, parce qu'il s'accroche désespérément à des a priori que m'éloignent sans cesse davantage de la seule chose qui compte pour moi : l'amour.

Elloa et moi avons donc décidé de ne rien cacher de nos pensées les plus intimes. Nous savons tous les deux que les secrets finissent par détruire les couples, et nous connaissons beaucoup de gens qui sont engagés dans une partie de cache-cache sans fin. Dans notre mariage, nous avons décidé de nous connaître entièrement l'un et l'autre, ce qui implique d'avoir le genre de franche conversation qu'Elloa décrivait dans son article. Notre but est d'aller au-delà de nos pensées intimes pour atteindre les peurs sous-jacentes, celles qui nourrissent ces pensées, ces désirs ou ces comportements.

Communiquer avec une telle franchise est difficile. Ca fait peur, ça nous rend vulnérables, et c'est imprévisible.

Heureusement, nous avons suffisamment de choses dans notre trousse de secours pour pouvoir analyser les choses sans nous faire de mal, et sans se décharger sur l'autre. La chose essentielle à retenir pendant tout ce processus, c'est l'intention que nous y avons mise tous les deux dès le début.

Nous avons fait ce que nous faisons toujours dans ce genre de situation, en nous servant d'une technique thérapeutique (inspirée de celle de Clearmind International) qui est l'une des bases de notre couple. Elle me permet de laisser libre cours à ma colère pendant trois minutes sans qu'Ell ne réagisse d'aucune manière que ce soit. Il est essentiel qu'elle reste neutre pendant cette étape, et que l'on n'en vienne jamais aux mains.

Quand l'autre refuse non seulement de se défendre mais qu'il tient le coup et reste neutre (ce qui est loin d'être toujours évident), il se passe quelque chose d'extraordinaire : toute l'agressivité finit par disparaître et nous nous « enfonçons » dans notre douleur. C'est l'endroit où personne ne veut aller : un puits de désespoir, de haine de soi, de honte et de solitude.

Ma colère, d'abord dirigée contre Elloa en raison de son attitude « écœurante », dissimulait en fait une profonde blessure que j'ai en moi depuis que je suis tout petit : l'idée que je ne suis absolument pas à la hauteur et que personne ne peut m'aimer.

Cette croyance trouve ses racines dans mon enfance, quand j'ai perdu un testicule après un coup donné par un autre garçon, et que j'ai passé la quasi-totalité de ma scolarité à subir les railleries de mes camarades de classe. J'ai grandi en pensant être un monstre, un intrus.

Trent-neuf ans plus tard, devant mon épouse, j'ai de nouveau l'impression d'être un petit garçon de six ans, à vif, mis à nu et vulnérable. La tête dans les mains, je suis terrifié à l'idée de me redresser parce que j'ai peur qu'elle me rejette. Dans ces moments-là, j'ai vraiment honte de moi.

Je sais qu'il n'y a pas trente-six solutions : je dois la regarder dans les yeux. Il faut qu'elle me voie, faute de quoi je ne serai rien d'autre qu'une coquille vide. Si je ne la laisse pas entrer dans mon univers, je suis condamné à vivre comme un zombie, un type au sourire artificiel. Mais j'ai tant de choses à dire. Il faut que je prenne le risque de m'ouvrir à elle.

La société n'a pas appris à l'homme que je suis comment parler de mes sentiments. Faire cela est aussi honteux que d'avoir envie de tromper l'autre, interdit dans la vie de tous les jours et autorisé seulement dans les cas les plus désespérés. Même dans ces moments-là, on n'a droit qu'à quelques larmes avant d'être rappelés à l'ordre parce qu'il faut « être un homme ».

Même aujourd'hui, après trois décennies passées à travailler sur moi-même, j'ai encore beaucoup de mal à parler de ce que je ressens. Mais l'expérience m'a appris à ne pas tenir compte du sentiment de honte qui m'envahit alors, et me laisse croire que pleurer est un signe de faiblesse.

Le jour où Ell m'a parlé de son coup de cœur, je l'ai laissée me prendre dans mes bras tandis que j'étais envahi de soubresauts et que je n'arrivais plus à retenir mes larmes. Je lui ai parlé de tout ce qui me faisait peur chez moi, et elle s'est contentée de m'écouter, de me serrer fort et de me laisser vider mon sac.

J'ai fini par retrouver mon calme. Une fois que le barrage a cédé, l'eau finit toujours par s'arrêter de couler. La vague se retire. Je me retrouve avec mes croyances.

Après la colère et l'agressivité, après la honte et la culpabilité, après les larmes survient le moment de vérité. Dans cet état, je peux changer d'avis, parce que je n'ai plus d'inhibitions. Je suis capable d'accepter que l'on m'aide. Je demande à mon épouse, cette femme dont je pensais il y a encore quelques minutes qu'elle était la cause de toutes mes souffrances, de m'aider à me rappeler qui je suis.

Et la vérité me revient. Je ne suis pas un intrus. Je ne l'ai jamais été. Je suis fort, je mérite d'être aimé, je suis quelqu'un de bien. Et on ne peut rien me prendre parce que tout ce dont j'ai besoin est déjà en moi.

Il ne s'agit pas d'un concept théorique ou intellectuel mais d'une sensation qui m'envahit quand je fais face à mes peurs les plus profondes au lieu de les fuir. Mon couple n'est pas là pour m'éviter de souffrir ou m'assurer que ce que je redoute le plus ne se produira pas. C'est un espace privilégié qui peut nous accueillir tous les deux quand nous en avons besoin, car le processus de guérison se fait toujours à deux.

La révélation d'Elloa est donc devenue l'élément déclencheur qui m'a permis d'examiner la blessure de guerre qui m'encombre au quotidien, et de repenser l'image que j'ai de moi. Je ne fais pas cela tout seul parce que je garde toujours à l'esprit la nécessité d'être en contact avec mon épouse et avec moi-même.

Je suis un type comme les autres : je fantasme sur d'autres femmes presque tous les jours. C'est parfois éphémère, parfois plus durable. C'est quand ça dure que je suis le plus troublé. Mais je sais que chacune de ces attirances est l'occasion -- souvent moins dramatique que dans le cas qui nous occupe -- de me rapprocher de ma femme, de l'homme que je suis, et de celui que je veux montrer aux autres.

C'est pourquoi, dans notre couple, j'encourage toujours mon épouse Elloa à me dire ce qu'elle pense, et pourquoi je lui dis moi aussi le fond de ma pensée."

Des changements d'horaires

Des indices que votre partenaire vous trompe

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.