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La renaissance du Parti québécois: un fait d'une ampleur historique

À la veille du déclenchement des élections, le retour au bipartisme intégral est bien en marche, posture traditionnelle du spectre politique québécois, dictée par nos modes de scrutin et de représentation imparfaits.
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À la veille du déclenchement des élections, le retour au bipartisme intégral est bien en marche, posture traditionnelle du spectre politique québécois, dictée par nos modes de scrutin et de représentation imparfaits. Option nationale ne s'est pas remise du départ de son fondateur, Québec solidaire est déchiré sur la Charte et la CAQ-ADQ se retrouve au plancher historique de l'époque où Mario Dumont soliloquait à l'Assemblée nationale. Le prochain scrutin mettra donc aux prises le Parti québécois et le Parti libéral, les mêmes adversaires que durant les années 1970 et 1980. Or ce fait est sans précédent.

Historiquement, le Québec contemporain a connu trois épisodes où des tiers partis ont réussi à troubler la quiétude des deux partis dominants. Le premier eut lieu lors de la crise des années 1930 et fut bien sûr causé par une misère sans précédent et l'inaction du Parti libéral au pouvoir depuis quarante ans. Le spectre politique s'était alors considérablement élargi, tant à gauche du Parti libéral, qu'à droite du vieux Parti conservateur. D'un côté, le Parti communiste du Canada, fondé en 1919, connaît un succès étonnant, parvenant même à faire élire un député dans l'est de Montréal.

Plus important encore, le Parti socialiste CCF (fondé en 1935, ancêtre du NPD actuel) rejoint les syndicats ouvriers et les agriculteurs étouffés par le capitalisme bancaire. À droite, le succès est plus grand encore. La mouvance corporatiste donne naissance aux partis conservateurs et catholiques, tous plus ou moins animés par le chanoine Lionel Groulx : Action libérale nationale, La Nation de Paul Bouchard et bien sûr l'Union nationale de Maurice Duplessis. Même l'extrême droite n'est pas en reste avec le Parti national chrétien du célébrissime Adrien Arcand. Qu'à cela ne tienne, dès sa sortie de la Crise et de la Guerre, le Québec revint au bipartisme intégral à cette différence près - et elle est importante - que l'Union nationale a remplacé le vieux parti conservateur comme adversaire du Parti libéral demeuré fidèle à lui-même.

Le second épisode eut lieu au milieu des années 1960. Le vieux parti de Duplessis est alors tiraillé et contesté de l'intérieur. Naissent ainsi l'Alliance laurentienne et le Ralliement nationaliste, ouvertement souverainistes, tandis que le crédit social de Réal Caouette et de Camille Samson rallie la droite catholique. Le Parti libéral de Jean Lesage ne réussit pas davantage à conserver ses voix nationalistes qui fuient vers le Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN), le MSA, puis vers le Parti québécois. Dès l'élection de 1970, la récréation est terminée et c'est retour au bipartisme à cette différence à nouveau que le Parti québécois a désormais remplacé l'Union nationale face aux libéraux imperturbables.

L'échec référendaire de 1995 et le pouvoir contesté exercé par Lucien Bouchard sont à l'origine du plus récent bourgeonnement de tiers partis. D'un côté, l'ADQ, puis la CAQ, rallient le vieil électorat conservateur ambitionnant, inlassables, de séduire les jeunes familles de la couronne de Montréal avec un programme d'austérité. De l'autre, Québec solidaire et Option nationale diffusent un message socialiste et souverainiste d'autant plus candide qu'il n'aura jamais à subir l'épreuve du pouvoir. L'élection de 2014 devrait mettre fin à ce foisonnement et progressivement nous ramener au bipartisme.

Dès qu'on prend un peu de recul, une question surgit : comment expliquer que le Parti québécois en soit sorti rasséréné et plus fort que jamais ? Les épisodes de tiers partis ont pourtant toujours mené à un changement de la garde et à la disparition d'un des deux grands partis. Aux cas de 1930, de 1968 et de 2011, on pourrait encore ajouter ceux de 1854 ou 1897. Il y a pourtant trois ans à peine, le Parti québécois présentait toutes les caractéristiques d'une formation usée, semblant avoir perdu son âme et sa raison d'être, pareille au Parti conservateur de Camilien Houde en 1933 ou de l'Union nationale de Jean-Jacques Bertrand en 1970. En outre, les tiers partis actuels sont tous à des degrés variables issus de dissensions au sein du parti de René Levesque. De fait, le vote exprimé en faveur du PQ décline à compter de 1981 jusqu'au plancher historique de 2007, laissant présager son remplacement à moyen terme : 1981 :49%, 1985 : 39%, 1989 : 40%, 1994 : 44%, 1998 :42%, 2003 :33%, 2007 : 28%...

L'irrésistible remontée du Parti québécois dans la faveur populaire et parmi les intellectuels et les entrepreneurs qui se bousculent présentement pour obtenir une investiture péquiste ne peut s'expliquer par un retour à un discours souverainiste pur et dur. On en chercherait en vain les traces. Le PQ actuel semble fidèle au principe de la gouvernance souverainiste consistant à ne pas mener de « stratégie ouverte » exhibant les modalités d'un prochain référendum. Elle ne peut pas non plus être attribuée au charisme ni à l'autorité de la cheffe Pauline Marois qui, malgré ses succès récents, n'est pas particulièrement la locomotive à l'origine de la renaissance de son parti.

En tout état de cause, la seule différence entre le PQ d'André Boisclair en 2007 et celui de Pauline Marois en 2014 réside dans l'affirmation d'une identité nationale dans toutes ses dimensions ne se bornant pas à faire du Québec un pays semblable au Canada. En posant des gestes clairs en matière d'enseignement de l'histoire, d'identité, de commémorations et de valeurs québécoises, le Parti québécois a non seulement montré que son souverainisme assumait toute la profondeur de l'identité nationale, il rassurait par le fait même une majorité de Québécois pour qui le Québec est leur première patrie et qui n'attendaient rien d'autre que de voir le Parti québécois se mette enfin à agir en parti nationaliste. Sans ce virage opéré par Pauline Marois, le PQ serait sans doute aujourd'hui remplacé par un parti nationaliste modéré, dirigé par un Dumont ou un Legault, bien décidé à mettre en veilleuse l'option souverainiste pour une génération. Le « virage identitaire » aura non seulement permis au Parti québécois de survivre, mais de désormais apparaître comme une formation renouvelée, particulièrement crédible pour assumer « une autre façon de gouverner ». Surtout, ce virage aura permis de maintenir unis la clientèle urbaine plus jeune et plus progressiste et celle des régions plus conservatrices : les deux assises historiques du nationalisme québécois dont l'appui sera absolument nécessaire pour faire du Québec un pays.

Où iront les voix de la CAQ ?

Maintenant que le Parti québécois est sorti gagnant de son duel contre les tiers partis, reste à voir comment ces derniers vont évoluer. Même s'il a durablement plafonné autour de huit pour cent, Québec solidaire survivra à la prochaine élection. Son programme idéologique, sa base de croisés anticapitalistes et sa posture d'éternel contestataire lui permettra de se maintenir, même marginal, sans avoir jamais à faire miroiter l'éventualité du pouvoir à ses électeurs. La situation de la CAQ est bien plus périlleuse, affaiblie aux termes de greffes ratées, tant auprès des libéraux plus conservateurs qu'auprès des péquistes des régions que pensait rallier l'ex-ministre péquiste François Legault. Le discours pragmatique et utilitaire de la CAQ ne lui permet pas de simplement se présenter comme une force d'opposition. Prématurément usée et ruinée, la CAQ ne survivra pas à la prochaine élection dans sa forme actuelle. Ses électeurs pragmatiques s'en rendent bien compte. Seize p. cent des électeurs sont donc virtuellement disponibles. Or, iront-ils vers les libéraux de Philippe Couillard ou vers le Parti québécois de Pauline Marois ?

À ce jeu, la balle est dans le camp du PLQ avec qui la plupart des électeurs de la CAQ ont davantage d'affinités. Cependant, les scandales successifs et les erreurs du chef rendent ce parti plus difficile à suivre et bien moins attractif aux yeux des électeurs de la CAQ. C'est à cela que Pauline Marois devrait être attentive. Si le parti de Couillard ne parvient pas dans les prochains jours à mieux reprendre les mots d'ordre de la CAQ, mais s'enferre dans un discours intellectuel d'essence libérale, alors la cheffe péquiste devrait comprendre qu'elle a une opportunité à saisir en imposant des thèmes comme le rôle du secteur privé et l'austérité budgétaire et ainsi faire des gains sur la CAQ dans la couronne de Montréal et dans le centre du Québec. En revanche, si le docteur Couillard apprend de ses erreurs et réussit à rendre son parti à nouveau crédible sur le plan économique, alors la première ministre Marois devrait prendre garde avant de tendre la branche d'olivier à l'électorat caquiste et risquer d'étriquer la formidable coalition que le virage identitaire du Parti québécois a permis de recréer.

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