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L'imposture de Québec solidaire

Se bornant à une simple «posture», le souverainisme de QS est une «imposture». On me pardonnera ce jeu de mots facile. On ne peut pas être souverainiste à moitié, tout en travaillant avec la même intensité à rendre acceptable le régime canadien actuel.
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Québec solidaire est tout compte fait un parti parfaitement légitime: issu d'une tradition de gauche bien assumée, nullement le jouet d'une centrale syndicale ou d'un pouvoir occulte. Bien sûr son programme est fait sur mesure pour sa clientèle du Plateau Mont-Royal, mais son audience dans les syndicats et les groupes communautaires est telle que son message est désormais entendu partout au Québec.

Québec Solidaire a en outre parfaitement le droit de se dire souverainiste. Aucun parti ne détient le monopole de l'amour de la patrie. Cette posture est cependant inhabituelle : de la fondation du Parti communiste canadien en 1919 aux groupes marxistes des années 1970, en passant par le NPD de Thérèse Casgrain ou de Robert Cliche, la gauche s'est toujours déclarée fédéraliste et pour la défense les travailleurs d'un océan à l'autre. Plusieurs partis se disent d'ailleurs fédéralistes. Pourquoi en irait-il autrement de la souveraineté ? C'est pourtant là que réside le problème essentiel de QS.

La souveraineté n'est pas une simple posture idéologique. Québec Solidaire se désigne dans sa plateforme comme « écologiste, progressiste, démocrate, féministe, altermondialiste, pluraliste... et souverainiste. » Or, si on peut être féministe, écologiste ou socialiste en défendant au jour le jour des positions précises et en se montrant vigilant sur certains dossiers, il ne peut en être de même pour la souveraineté du Québec. La souveraineté n'est pas une position, mais un objectif. Il ne s'agit pas d'une attitude, mais d'une quête : une authentique révolution qui requiert de lui concéder le reste de sa plateforme. En termes de compétences scolaires, le féminisme ou l'écologisme relèveraient du « savoir-être » : à appuyer ou à refuser des mesures en fonction de convictions afin d'améliorer et de réformer la société. On pense à augmenter le nombre de logements sociaux, à favoriser les femmes à l'embauche ou à réduire notre dépendance au pétrole par exemple. La souveraineté transgresse le paradigme de l'État canadien. C'est un « savoir-faire » partant du principe qu'il est inutile d'améliorer le régime actuel et qu'il faut d'abord se consacrer, de manière concertée, à transformer l'État et à faire triompher la souveraineté du Québec.

Se bornant à une simple « posture », le souverainisme de QS est donc une « imposture ». On me pardonnera ce jeu de mots facile. On ne peut pas être souverainiste à moitié, tout en travaillant avec la même intensité à rendre acceptable le régime canadien actuel.

Depuis mon arrivée à la tête du MNQ l'an dernier, j'ai eu diverses rencontres avec des membres du gouvernement qui s'adonnaient souvent à être aussi péquistes. À propos de QS, et dans le cadre de conversations informelles, j'ai toujours entendu la même remarque sincèrement formulée : « Avec QS on ne souhaite pas trop se brouiller, car on aura besoin de toutes les bonnes volontés au sein d'une coalition souveraineté. » À la fois stratégique et authentique, le choix du Parti québécois de réserver ses coups aux partis fédéralistes, le PLQ et la CAQ, depuis le début de la campagne repose sur la présomption que le Parti québécois prendra le pouvoir et que QS se joindrait au camp du «Oui» en cas de référendum.

Or, tandis que Mme Marois épargne relativement Québec Solidaire, rien de tel chez ce dernier qui n'attaque guère que le PQ et pour cause : c'est là que QS va essentiellement chercher de nouveaux appuis.

La fin de la campagne sera donc acrimonieuse. En 2012, le vote pour QS a réduit à l'impuissance le gouvernement minoritaire de Pauline Marois, une impuissance que Mme David ose aujourd'hui reprocher au Parti québécois. En 2014, voilà qu'un vote pour QS pave la voie au retour au pouvoir des libéraux. Préserver la coalition souverainiste demeure l'objectif. En attendant, bloquer l'élection du PLQ corrompu est carrément une entreprise de salut national.

Mon défunt frère a travaillé toute sa vie dans la construction, décédé trop jeune d'un malheureux accident de travail. Fier syndiqué FTQ-construction, aux convictions de gauche bien ancrées, nous parlions tout compte fait assez peu de politique. Au lendemain d'une élection, il m'avait cependant confié : « J'ai voté QS mais j'aurais aimé que le PQ rentre. » Combien seront-ils dans le même cas le 8 avril prochain ?

>Élections 2014: les nouvelles et les blogues du HuffPost sur la campagne.

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