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Les patriotes de 1837: le Suroît martyrisé

Les régions de Laprairie et Beauharnois paieront un très lourd tribut pour leur participation au soulèvement de 1838. Pas moins de 315 détenus, dont une trentaine déportés en Australie ainsi que neuf des douze pendus, viennent du Suroît.
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La Journée nationale des patriotes a lieu cette année le 19 mai autour du thème « À la grandeur du Québec ». Loin de s'être limité au Suroît, le mouvement patriote avait de profondes racines dans pratiquement toutes les régions du Québec. 17 articles, sur autant de régions, retracent d'ici la mi-mai l'histoire des patriotes de 1837.

Les régions de Laprairie et Beauharnois paieront un très lourd tribut pour leur participation au soulèvement de 1838. Pas moins de 315 détenus, dont une trentaine déportés en Australie ainsi que neuf des douze pendus, viennent du Suroît.

L'activité politique y est pourtant modeste jusqu'en 1838. La première assemblée d'appui aux résolutions patriotes a lieu à Beauharnois, le 31 mars, pour créer un comité de correspondance afin de faire circuler une pétition et déléguer le député Jacob DeWitt au « Comité central et permanent de Montréal ». Une assemblée analogue a lieu à la salle de l'école de Huntingdon le 7 avril devant de 300 à 350 habitants de Hinchinbrook, Godmanchester et Dundee et créer, là encore, un comité de correspondance où l'on retrouve notamment James Perrigo.

On se réunit ensuite le 3 avril 1834 au presbytère de Saint-Constant pour former un comité électoral et un comité de correspondance où se retrouvent les principaux leaders dans Laprairie : Joseph-Narcisse Cardinal, Vital Bourassa, Médard Hébert, Pierre Héroux et André Lacroix. L'assemblée est suivie d'un souper à l'hôtel de François Camyre.

Les patriotes de Saint-Philippe emboîtent le pas le 21 avril. 450 personnes y auraient assisté, dont trois vedettes montantes du Parti patriote qui y vont chacun d'un discours : Édouard Rodier, Côme-Séraphin Cherrier et Charles-Ovide Perrault.

Les patriotes de Vaudreuil donnent officiellement leur appui aux 92 Résolutions la semaine suivante, le 28 avril 1834, lors d'une assemblée tenue après la grand-messe, aux portes de l'église de Vaudreuil. S'y trouvent 600 personnes, dont plusieurs Irlandais de Rigaud. Edmund Bailey O'Callaghan, Narcisse Valois et le futur député Charles-Ovide Perrault sont les principaux orateurs. On crée aussi le Comité permanent du comté de Vaudreuil de 97 membres. Des loyaux de la région auraient tenté de perturber l'assemblée. Le magistrat John A. Mathison y aurait même interrompu Perrault pendant son discours, qui l'aurait habilement invité à s'exprimer publiquement à son tour sous les huées du public.

L'année suivante, le 6 juillet, Châteauguay ferme la marche des paroisses qui s'organisent dans le Suroît. On crée l'« Union patriotique et indépendante de Châteauguay » avec pour mandat de favoriser l'éducation politique en faisant la lecture publique des journaux patriotes.

Le mardi 26 juillet 1836, le député Perrault est le principal organisateur d'un grand ralliement à Vaudreuil qui réunit également des délégués de Deux-Montagnes. L'assemblée se porte à la défense des 92 Résolutions, critique la composition du Conseil législatif et encourage l'essor de manufactures locales. On forme aussi un comité de correspondance où se retrouvent les principaux leaders du comté.

Laprairie n'est pas en reste lors de la ronde de 1837. Le dimanche 6 août, une grande assemblée anticoercitive est tenue en face de l'église de Saint-Constant devant plus de 2000 personnes pour dénoncer les résolutions Russell. Plusieurs notables y prennent part, dont le ministre plénipotentiaire de France aux États-Unis, Édouard de Pontois. Une section des Fils de la liberté est aussi fondée et clôt l'assemblée par un défilé.

Finalement, la grande assemblée du comté de Vaudreuil a aussi lieu le 6 août devant, là aussi, 2000 personnes massées à Rigaud, sous la présidence de François Sauvé. Les députés Perrault et O'Callaghan haranguent la foule en anglais, tandis que le député Jean-Joseph Girouard et le docteur Luc-Hyacinthe Masson le font en français.

Soulignons la contribution du député de Vaudreuil, Charles-Ovide Perrault. Pris à Montréal et aux quatre coins du district, Perrault est peu actif dans son propre comté. Il y prononce néanmoins quatre discours lors des assemblées les plus significatives. Membre honoraire des Fils de la liberté, Perrault organise en outre l'assemblée des Six-Comtés. Après l'émission des premiers mandats d'arrêt, il quitte Montréal pour Saint-Denis, où il se place sous les ordres du docteur Wolfred Nelson qui le nomme aussitôt aide de camp. Perrault sera mortellement atteint d'une balle à l'abdomen lors de la bataille du 23 novembre.

Du côté de Vaudreuil, ce qui frappe est la très grande solidarité qui lie les leaders patriotes locaux et qu'on retrouve ensemble à presque toutes les assemblées et jusqu'en prison : à Vaudreuil François-Xavier Desjardins, William Whitlock, Narcisse Valois et Joseph Rassette ; à Rigaud d'Ignace Dumouchel ; à Saint-Polycarpe, d'Hyacinthe-Fabien Charlebois et, à Coteau-du-Lac, Godefroy Beaudet. C'est aussi eux qui mènent à l'automne de 1837 une série de gestes d'éclat dans Vaudreuil. Le 5 novembre, après la grand-messe, ils s'adressent aux gens de Vaudreuil, les invitant à se soulever. Le lendemain, les mêmes parcourent les rangs de la paroisse afin d'intimider les loyaux et de recruter des partisans qu'ils réunissent devant la maison de Rassette. Le 13 novembre 1837, toujours les mêmes se rendent à Saint-Benoît où ils rencontrent les chefs patriotes. Ils en reviennent avec des armes et des munitions en vue de créer une compagnie de miliciens vaudreuillois. Au matin du 20 novembre, une vingtaine d'hommes à cheval se rassemblent dans la cour de la maison de Rassette, puis ratissent la campagne toute la journée, recrutant jusqu'à 150 personnes. Vers 20 heures, la troupe est assemblée devant le perron de l'église où Rassette et Desjardins les invitent à poursuivre leur action. Les choses n'iront cependant pas plus loin et les meneurs dans Vaudreuil sont tous arrêtés en décembre.

Même si Vaudreuil est calme en 1838, les autorités craignent néanmoins pour la sécurité du canal de Coteau-du-Lac, qui joue alors un rôle vital pour les communications avec le Haut-Canada. Près de 200 volontaires du Haut-Canada occupent donc le site. Devant la menace patriote on décide néanmoins de carrément incendier le grand blockhaus octogonal qui garde le canal afin qu'il ne risque pas de tomber aux mains des insurgés.

Le soulèvement de 1838

Le notaire Joseph-Narcisse Cardinal est de retour dans le Suroît dès février 1838 et s'affaire immédiatement à recruter des hommes en vue d'un second soulèvement. Il est secondé de son apprenti, le jeune Joseph Duquet, par Jean-Louis Thibert, Joseph Lécuyer et François-Maurice Lepailleur. Au début de novembre, les « chasseurs » se rassemblent en différents points convenus. Trois de ces camps se trouvent dans le Suroît, soit à Châteauguay, sous le commandement de Cardinal, et à Saint-Constant, autour de Médard Hébert, à Beauharnois, autour de François-Xavier Prieur, et à Sainte-Martine autour de James Perrigo.

À Chateauguay, Cardinal rassemble d'abord des conjurés chez madame Duquet, le 3 novembre, puis entreprend de désarmer et de capturer ses adversaires loyaux. La nuit suivante, accompagné d'environ 150 hommes, il marche sur la mission de Kahnawake afin de pactiser avec les Mohawks et de leur soutirer des armes. Les Autochtones avaient été prévenus de leur venue et tendent une embuscade faisant 64 prisonniers, tous livrés aux autorités de Montréal le jour même. Cardinal et Duquet, le professeur et son élève, finiront pendus côte à côte à la prison du Pied-du-Courant, le 21 décembre 1838.

Quant aux « chasseurs » de Saint-Constant, ils avaient reçu ordre de s'emparer du village de La Prairie, puis de remonter la rivière La Tortue pour y désarmer les loyaux. Il y a échange de coups de feu devant la maison d'un nommé David Vitty lors duquel une balle perdue touche à mort un des hommes à l'intérieur. Pour ce « meurtre », pas moins de quatre patriotes seront pendus : l'habitant de Saint-Édouard et père de cinq enfants, Joseph Robert, le cultivateur de 41 ans, François-Xavier Hamelin, ainsi que les deux frères Charles et Ambroise Sanguinet. Issus d'une famille noble, les Sanguinet s'étaient vus déposséder de leur seigneurie de LaSalle. Désormais fermement engagés dans la lutte contre le gouvernement anglais, ils seront finalement arrêtés puis exécutés, le 18 janvier 1839.

Plus à l'Ouest, le manoir Ellice de Beauharnois devient la cible des patriotes de Sainte-Martine et de Saint-Thimothée qui espéraient y trouver une importante quantité d'armes. À leur tête, le marchand de St-Thimothée, François-Xavier Prieur, et le célèbre notaire de Montréal, François-Marie-Thomas Chevalier DeLorimier. Surpris par l'avancée furtive des patriotes, les défenseurs du manoir capitulent sans coup férir. Les patriotes s'emparent ensuite du navire à vapeur Henry Brougham afin de couper les communications avec Montréal. C'est un nouveau succès pour les patriotes dont les nombreux prisonniers sont transférés au presbytère de Châteauguay.

Prieur et de Lorimier rallient ensuite le camp Baker où 500 hommes commandés par James Perrigo et Charles Roy dit Lapensée monte la garde au sud de Sainte-Martine. Le 9 novembre, des soldats et des volontaires venus du Haut-Canada se profilent à l'orée du camp. Les patriotes se placent aussitôt en position d'attaque et, contre toute attente repoussent l'adversaire. Cette victoire n'aura cependant pas de suite puisque Perrigo donne l'ordre de dispersion durant la nuit suivante. Prieur écrit dans son journal : « Ici se termine ma carrière de militaire et de chef de troupe, et va commencer celles de fugitif, de prévenu, de condamné et d'exilé parmi les forçats ». De fait, il est finalement pris le 20 novembre, puis plus tard exilé en Australie.

L'armée dévaste ensuite la vallée de la Châteauguay, libère les captifs et procède à de nombreuses arrestations, dont celle du notaire Thomas-Marie de Lorimier. Rebelle convaincu ayant participé à de nombreux faits d'armes contre les Britanniques, DeLorimier n'y échappera pas : il sera pendu le 15 février 1839 avec quatre malheureux compagnons.

Des patriotes de 1837

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