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Les patriotes de 1837: l'étonnant Centre-du-Québec

À mi-chemin entre Montréal radicale et la capitale ensommeillée, le Centre-du-Québec est passablement mobilisé du côté patriote. Que ce soit à cause de sa proximité avec le bouillant comté de Richelieu ou sous l'impulsion de quelques fortes personnalités, les Centricois ont su prendre des positions audacieuses.
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La Journée nationale des patriotes a lieu cette année le 19 mai autour du thème « À la grandeur du Québec ». Loin de se limiter au Richelieu et à St-Eustache, le mouvement patriote avait en effet de profondes racines dans pratiquement toutes les régions du Québec. D'ici la mi-mai, dix-sept articles retraceront l'histoire des patriotes de 1837 dans autant de régions, de l'Outaouais à la Gaspésie.

À mi-chemin entre Montréal radicale et la capitale ensommeillée, le Centre-du-Québec est passablement mobilisé du côté patriote. Que ce soit à cause de sa proximité avec le bouillant comté de Richelieu ou sous l'impulsion de quelques fortes personnalités, telles Jean-Olivier-Caïus Arcand ou le député Jean-Baptiste Proulx, les Centricois ont su prendre des positions audacieuses et fournir des combattants déterminés, dont au moins 18 furent arrêtés en 1837 et 1838.

Le peuplement de la région fut longtemps retardé par les rives marécageuses du lac Saint-Pierre, inondables sur plusieurs kilomètres. En 1837, le Centre-du-Québec revêt une certaine importance du fait qu'on y retrouve l'embouchure des trois rivières qui permettent alors la colonisation du sud du Québec : la rivière Nicolet vers les Bois-Francs, la Saint-François vers l'Estrie et la Yamaska, navigable jusqu'à Saint-Hyacinthe. Les Maskoutains furent d'ailleurs de grands colonisateurs. On retrouve aujourd'hui leurs descendants jusque dans les cantons de Stoke ou de Weedon par exemple.

Malgré les atermoiements loyaux, Yamaska et Nicolet demeurent acquis au Parti patriote. Papineau peut donc sans crainte y parachuter son lieutenant anglophone, Edmund Bailey O'Callaghan, facilement élu dans Yamaska en octobre 1834. O'Callaghan n'a pas d'attache dans le comté et est surtout occupé à tenir des assemblées dans des localités anglophones convoitées par les patriotes, ainsi qu'à éditer le journal patriote anglophone The Vindicator.

L'essentiel de la mobilisation dans le Centre-du-Québec est donc le fait des élites locales de Bécancour, de Baie-du-Febvre, de Saint-François et surtout de Saint-Michel-de-Yamaska.

Nicolet

À Bécancour et Nicolet, la mobilisation doit beaucoup aux deux députés locaux, intimement mêlés à la vie sociale. Marchand, cultivateur et architecte, Jean-Baptiste Hébert avait déjà été député de Nicolet. De retour en politique en 1835, il doit affronter un autre patriote, le poète Joseph-Édouard Turcotte, surtout connu pour ses textes enflammés dans La Minerve. Plus modéré et surtout mieux établi dans la région, Hébert l'emporte facilement. Son beau-frère, Jean-Baptiste Proulx, appartient lui aussi à la bonne société bécancouroise. Dès 1827, Proulx défend les idées réformistes et critique sévèrement le gouverneur anglais, ce qui lui vaudra des sanctions. Toujours plus radical, Proulx en vient à l'été de 1837 à carrément réclamer l'indépendance du Bas-Canada. Hébert et Proulx sont donc conjointement arrêtés par l'armée anglaise, et emprisonnés le 4 février 1838.

Entre temps, les deux députés de Nicolet organisent une spectaculaire assemblée patriote qui, selon La Minerve, aurait réuni jusqu'à 3000 personnes, massées à Bécancour le 25 août 1837. On y dénonce l'obstruction du gouvernement anglais qui a interdit les réunions patriotes et on lance un appel à l'unité à la veille des affrontements armés. Parmi les participants, on retrouve de nombreux Abénakis des réserves d'Odanak et de Wôlinak. Sans être spectaculaire, cet appui montre qu'on a tort de présenter les Premiers-Nations comme des adversaires inconditionnels des patriotes. L'assemblée tourne cependant à l'émeute quand des loyaux de Trois-Rivières tentent de s'interposer pour prendre le contrôle des débats.

Tout compte fait, l'activisme de Hébert et Proulx aura peu de conséquences le long de la Nicolet. Les interventions répétées en faveur du gouvernement anglais menées par le curé de Saint-Jean-Baptiste, l'abbé Jean Raimbault, porteront davantage fruit. La soumission des professionnels et des petits marchands au clan seigneurial semble aussi avoir démobilisé les masses rurales, d'ailleurs accablées par les redevances seigneuriales.

Yamaska

La région de la basse Yamaska est plus soulevée encore. Une première assemblée publique a lieu à Saint-Michel en juillet 1835 pour créer une union patriotique puis, l'année suivante, devant l'église de Saint-François, pour créer une véritable section du Parti patriote, formée notamment de Joachim Charpentier, Pierre-Joseph Chevrefils et surtout de Jean-Olivier-Caïus Arcand, le principal organisateur patriote dans Yamaska.

Vétéran de la guerre de 1812 et déjà député durant les années 1820, Jean-Olivier-Caïus Arcand est une personnalité en vue à Saint-Michel. Il ne cache cependant pas ses convictions nationalistes, si bien qu'on lui retire ses terres concédées en 1814 à cause de ses prises de position contre le gouverneur Dalhousie. On retrouve Arcand comme secrétaire d'assemblée, à la tête de la section maskoutaine du Parti patriote, puis à la présidence de pas moins de trois assemblées à l'été de 1837. Une telle visibilité vaut bientôt de sérieux ennuis à Arcand : pas moins de 30 dépositions sont déposées contre lui en 1837-1838. On l'accuse principalement d'avoir incité la population à prendre les armes pour se porter au secours de leurs compatriotes attaqués par l'armée à Saint-Denis et à Saint-Charles. Arcand est par conséquent arrêté à Sorel, puis emprisonné à Montréal, le 28 mars 1838.

La grande assemblée pour toute la région a lieu le 18 juin 1837. Sept à huit cents partisans sont alors réunis devant l'église de Saint-François-de-Yamaska, sous la présidence d'Arcand et d'O'Callaghan. Les résolutions adoptées à Saint-François résument les revendications patriotes en insistant sur la nécessité de boycotter les produits britanniques. À cette fin, on crée un comité de vigilance représentant huit paroisses. Un Comité pour la paroisse de Saint-Michel a en particulier pour tâche de « faire la promotion du commerce libre avec les États-Unis. » Ce comité de Saint-Michel se réunit ensuite à plusieurs reprises, notamment pour rédiger une déclaration solennelle en vue d'abolir de la tenure seigneuriale et qui doit être présentée le 6 août suivant.

Cette fameuse assemblée du 6 août a fait couler beaucoup d'encre parce qu'elle porte sur un seul objet, l'abolition de la tenure seigneuriale, introduite en Nouvelle-France deux siècles auparavant ; une mesure qui divise profondément les patriotes. Les résolutions votées critiquent les pratiques des seigneurs, les douaires et les hypothèques générales et visent clairement à gagner l'appui des censitaires exploités. Le seigneur de Tonnacour dénonce vertement les résolutions radicales et il n'est pas le seul ! Adolphe Lozeau, écuyer et capitaine de milice de Baie-du-Febvre, rompt aussi avec les patriotes. Une crise secoue le mouvement patriote maskoutain, tandis que 40 partisans d'Arcand affrontent 56 dissidents.

Le comité de Saint-Michel se réunit encore les 15 et le 22 octobre. Arcand aurait alors prononcé des discours très durs pavant la voie à son arrestation. Le 21 novembre, il convoque une assemblée afin de voir les moyens de voler au secours des insurgés de Richelieu. Le 26 cependant, à l'annonce de la défaite de Saint-Charles, les Maskoutains décident de ne pas se compromettre davantage.

Drummond

Au-delà de Yamaska et de Nicolet, le plateau des Bois-Francs est à peine colonisé en 1837 : peuplée de 5000 Écossais presbytériens et Irlandais catholiques débarqués à Québec depuis 1815 et installés le long du chemin Craig, entre Leeds (St-Jacques-de-Leeds) et Richmond. Les Canadiens français y sont à peu près absents avant 1840. Le recensement du canton de Grantham de 1831 révèle cependant la présence de quelques familles canadiennes-françaises, originaires de Nicolet. Les quelques partisans patriotes sont donc pourchassés. Dans sa correspondance, le curé de la mission irlandaise de Tingwick et de Kingsey, l'abbé MacMahon, met notamment en garde ses paroissiens contre toute sympathie patriote.

Militaire à la carrière prestigieuse, pionnier de la région et fondateur de Drummondville en 1815, Frederick George Heriot est tout naturellement plébiscité par cette population anglophone, député de Drummond depuis 1829. En décembre 1837, Heriot se voit confier l'organisation militaire de la région pour faire face aux patriotes. Il recrute donc une centaine de volontaires le long de la Saint-François qu'il incorpore au sein du Royal Townships Volonteers. Il met aussi sur pied un réseau d'espions chargés de l'informer des préparatifs patriotes. Les hommes de Heriot interceptent notamment une lettre, datée du 2 janvier 1838, faisant état d'un projet d'invasion à Potton, à la frontière américaine.

Plus de peur que de mal au Centre-du-Québec : les loyalistes ne seront pas ennuyés dans Drummond, tandis que les patriotes des basses terres ne s'enhardiront pas jusqu'à l'action armée.

Des patriotes de 1837

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