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Il faut savoir proposer avec compétence

La compétence pour discuter des enjeux, les écologistes l'ont acquise. Aux promoteurs d'Énergie Est, je renvoie le défi: à partir de maintenant, pouvez-vous proposer des projets avec compétence dans ce «débat important» sans escamoter toutes les problématiques importantes?
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Il faut savoir proposer avec compétence.

Dans un blogue publié sur le Huffington Post, Éric Tétrault, président de Manufacturiers et exportateurs du Québec, s'en prend à un texte de Jean-Michel Goulet, économiste et directeur d'écoQuébec Info. Entre autres choses, on peut y lire : «C'est mensonger, démagogique, à la limite odieux... Si je résiste à la tentation de répliquer par une lettre d'avocat...» . Plusieurs énoncés commencent par «Il est faux de dire que...». Même s'il parle d'un débat utile, M. Tétrault demande aux environnementalistes d'«adopter un ton plus constructif»; il exige que ses vis-à-vis s'opposent «avec compétence». Se pourrait-il que des phrases soient un symptôme que les promoteurs d'Énergie Est commencent à manquer d'arguments logiques pour vendre leur salade?

Tout d'abord, le paragraphe traitant de l'aspect économique fait miroiter un Eldorado, dont des «revenus gouvernementaux imposants» et «40 000 emplois temporaires pendant la phase construction». Ce Klondike de M. Tétrault serait-il un mirage? Est-ce que celui-ci peut faire confirmer toutes ces promesses par des économistes indépendants? La contre-expertise est un élément clé pour découvrir la vérité. Même s'il admet que «l'ère des hydrocarbures tire à sa fin», il ne dit pas un mot au sujet des énergies alternatives. Si on construit une infrastructure qui nous lie au pétrole pendant les 40 prochaines années, nous serons laissés pour compte dans la nouvelle économie faible en carbone.

«Les risques réels associés au projet sont minimes...». Ah oui? Parlez-en avec les 300 000 citoyens de Longueuil qui ont été privés d'eau pendant trois jours suite à un déversement de quelque 2000 litres de diésel dans l'aqueduc municipal en janvier 2015! Ou à ceux de Prince Albert durant l'été 2016! Énergie Est est gigantesque; c'est plus de 2000 litres à la seconde qui y circuleront. Une fuite d'une seule seconde impliquerait autant de pétrole que l'incident de Longueuil. Pourtant, devant le BAPE, TransCanada a dit qu'elle peut tout arrêter en 13 minutes à partir du moment où elle détecte une anomalie. Ce scénario optimal est démenti par le fait qu'il a fallu 14 heures à Husky Oil pour arrêter son oléoduc en amont de Prince Albert après avoir détecté que quelque chose ne tournait pas rond. Et 17 heures à Enbridge, à Kalamazoo, au Michigan. Même s'il y avait seulement une chance sur 100 qu'un tel incident se produise en amont d'une prise d'eau d'ici 40 ans, les conséquences seraient catastrophiques. Si M. Tétrault n'a pas toute l'information nécessaire au sujet des risques réels, je peux lui fournir des sites qui le renseigneront au sujet de tous les déversements sur la planète.

Je sais que le lien établi entre la filière « libérale » et « la promotion des hydrocarbures » agace M. Tétrault. Oui, je sais qu'il est présentement président des Manufacturiers et exportateurs du Québec, mais, dans le passé, n'a-t-il pas occupé le poste de directeur des communications du premier ministre du Québec, un poste hautement politique? Ce qui est en cause, ce sont les interactions discutables entre d'anciens élus, d'anciens hauts fonctionnaires, le lobby des hydrocarbures et des postes importants qui en font la promotion. Lucien Bouchard (ex-premier ministre péquiste) est un autre cas qui a fait sourciller lorsqu'il est devenu président de l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) en 2011.

Est-ce une « déformation des faits » que de dire que M. Dan Gagnier, coprésident de la campagne électorale du Parti libéral du Canada, a dû démissionner quelques jours avant les élections de 2015 parce qu'il avait expédié un courriel compromettant aux dirigeants de TransCanada? Enfin, soyons clairs : ce ne sont pas des écologistes qui ont « bousillé le processus de l'ONÉ »; ce sont des réunions secrètes entre des commissaires de l'ONÉ et l'ex-premier ministre Charest derrière des portes closes. Cela, c'est contraire au code d'éthique dans une société de droit!

M. Tétrault ne parle pas de l'augmentation de la production totale des gaz à effet de serre (GES) qu'entraînera la mise en œuvre d'Énergie Est. A-t-il oublié d'en parler ou est-ce un évitement stratégique face à ce problème fondamental? Les environnementalistes ont la compétence pour discuter du 5e rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ainsi que de nos obligations légales et morales de réduire la production de GES au niveau planétaire.

M. Tétrault demande à « la gauche » et aux environnementalistes de «savoir s'opposer avec compétence». Certes, dans tout parti politique et dans tout mouvement, il y a des personnes qui disent ou font des choses très discutables; les manchettes en font état tous les jours. Encore jeudi dernier, l'émission Enquête en a sorti des vertes et des pas mûres! Maintenant, la vaste majorité des porte-paroles en environnement connaissent leurs dossiers. Ils n'acceptent pas n'importe quelle foutaise, encore moins que l'on refuse de parler des vraies affaires.

Cette compétence pour discuter des enjeux, les écologistes l'ont acquise. À M. Tétrault [et autres promoteurs d'Énergie Est], je renvoie le défi : à partir de maintenant, pouvez-vous proposer des projets avec compétence dans ce «débat important» sans escamoter toutes les problématiques importantes? Et, contrairement à Donald Trump, êtes-vous prêts à accepter le verdict résultant d'un processus transparent et intègre si ce verdict ne vous plaît pas?

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