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La poursuite de Lone Pine Resources et le libre-échange

En 2013, j'écrivais une lettre au premier ministre Harper, l'invitant à défendre vigoureusement la souveraineté du Canada vis-à-vis la poursuite de Lone Pine Resources.
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Le 10 octobre 2013, j'écrivais une lettre au premier ministre Harper, l'invitant à défendre vigoureusement la souveraineté du Canada vis-à-vis la poursuite de Lone Pine Resources. Avec l'accord transpacifique qui vient d'être accepté, cette lettre est d'actualité. En voici la copie.

Le jeudi 10 octobre 2013.

OBJET : L'obligation du gouvernement canadien contre l'assaut de Lone Pine Resources

Monsieur Stephen Harper,

Premier ministre du Canada,

Monsieur,

Présentement, la compagnie Lone Pine Resources poursuit le gouvernement du Canada à cause d'un moratoire québécois au sujet de forages sous les eaux du fleuve; cette poursuite pour la somme de 250 000 000,00 $ est faite en vertu du chapitre 11 de l'accord de l'Aléna [1]. Selon la poursuite de cette compagnie, ce moratoire québécois serait une «révocation arbitraire, capricieuse et illégale» de son droit d'exploiter le pétrole et le gaz du fleuve Saint-Laurent [2], [3]. Cependant, cette compagnie ne peut poursuivre directement le Québec, puisque c'est le Canada qui est responsable de la province de Québec en droit international. Par conséquent, Monsieur Harper, c'est votre devoir légal et moral de défendre la loi 18 que le gouvernement de M. Charest a fait sanctionner le 13 juin 2011 suite à un vote à l'Assemblée nationale.

M. Charest, un ex-ministre conservateur, dirigeait un gouvernement fédéraliste qui avait un préjugé favorable à l'industrie gazière; mais il a compris que des forages dans le lit du fleuve Saint-Laurent étaient complètement inacceptables pour les écosystèmes fluviaux. On est à des années-lumière d'une action «arbitraire et capricieuse» !

Au delà de cette somme d'argent, la poursuite de la compagnie Lone Pine Resources risque de faire jurisprudence. Les clauses qui protègent les investisseurs dans l'Aléna pourraient se retrouver dans l'accord avec la Communauté économique européenne ainsi que dans le Partenariat transpacifique. À titre d'exemple, est-ce qu'une compagnie sous contrôle du gouvernement chinois de Pékin comme Nexen pourrait invoquer ce genre de clause qui protège ses investissements et ainsi outrepasser tous les droits des Premières Nations, des gouvernements des provinces et du gouvernement du Canada? Est-ce que ce genre de clause pourrait empêcher un gouvernement, élu et légitime, d'imposer des normes à toutes les compagnies opérant en sol canadien et de protéger les droits économiques, la volonté des citoyens ainsi que la santé et la sécurité de ses citoyens? Si nous signons ce genre d'accord avec la Chine, est-ce que Nexen pourrait opérer selon les normes chinoises en sol canadien? Je crois que vous devez défendre la souveraineté du Canada sur son territoire!

Je peux aller plus loin; si un gouvernement, élu selon les règles de la démocratie, protège ses citoyens en vertu de la Charte des droits et libertés, est-ce que ce gouvernement pourrait, malgré cette légitimité, être condamné à payer des pénalités de millions de dollars à cause de ces clauses de protection des investissements? Qui a la priorité: le bien-être des citoyens assuré par un État de droit ou des investisseurs étrangers comme Lone Pine Resources ayant son siège social dans l'État du Delaware? Est-ce que ce genre de clause pourrait transformer ce qu'Abraham Lincoln appelait le «gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple» en une caricature de gouvernement, c'est-à-dire une marionnette qui est manipulée par des investisseurs étrangers?

Bien que vos adversaires politiques critiquent votre manière de gouverner à partir de la morale chrétienne, permettez-moi de vous rappeler cette parole d'Évangile: «Aucun homme ne peut servir deux maîtres; car toujours il haïra l'un et aimera l'autre. On ne peut servir à la fois Dieu et Mammon» (Matthieu 6:24) N'y aurait-il pas lieu d'appliquer concrètement cette sagesse biblique afin de comprendre le bien commun dans une démocratie? On peut alors se demander si des clauses pour protéger les investissements dans les accords commerciaux sont compatibles avec les principes humanistes. Au début de votre mandat, vous avez insisté pour parler des droits de l'homme avec les leaders chinois; Bravo! Vous refusez d'aller à la rencontre du Commonwealth au Sri Lanka pour la même raison; je suis d'accord! M. Brian Mulroney, premier ministre conservateur, a fait une campagne énergique pour mettre fin à l'apartheid de l'Afrique du Sud. C'est une belle page d'histoire léguée par votre parti et pour laquelle tous les Canadiens se doivent d'être fiers. Toutes les actions que je viens de citer sont incompatibles avec une politique d'aplatventrisme servile, où seul Mammon, «le dieu de l'argent», compte. L'argent doit être un outil pour le développement économique des peuples; pas un joug d'asservissement.

En tenant compte de ces enjeux fondamentaux, j'exige que vous, Monsieur Harper, notre premier ministre, défendiez énergiquement la position du Québec devant le tribunal d'arbitrage de l'Aléna. De plus, compte tenu de leurs conséquences éventuellement néfastes sur la souveraineté des pays, du Canada et du Québec, il faut refuser de signer ce genre de clause dans tout futur accord commercial avec l'Union économique européenne ou avec les pays du Partenariat transpacifique. La démocratie et le droit, fondés sur les valeurs humanistes, n'ont pas de prix: ce sont plutôt eux, la démocratie et le droit, qui confèrent une valeur à tout. La poursuite de Lone Pine Resources est incompatible avec les principes démocratiques et la posture canadienne de défense et de promotion des valeurs humanistes, avec la primauté de la Charte des droits et libertés.

Veuillez accepter, Monsieur le premier ministre, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Gérard Montpetit

La Présentation, Qc.

C.C.

Les députés de la Chambre des Communes ;

Les députés de l'Assemblée nationale ;

Les médias.

Sources

Autres références

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10 questions sur le Partenariat transpacifique

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